L’équipe des Glasgow Rangers défaite 2 à 0 au stade Geoffroy-Guichard.
« J’espère que les champions de France commettront à Ibrox Park l’énorme erreur que nous avons commise au stade Geoffroy-Guichard ! »
Sandy Jardine
Cette phrase de Sandy Jardine avant de regagner Glasgow en dit long sur les regrets que le match aller a laissé aux joueurs des Rangers. L’arrière latéral écossais fait bien sûr allusion à la tactique défensive adoptée par les siens lors de la première manche perdue (0-2) en terre stéphanoise. « Je regrette, renchérit-il, que nous ayons surtout songé à défendre et à limiter les dégâts à Saint-Etienne. »
Contre Valenciennes, la tactique adoptée par Robert Herbin a apporté les premiers éléments de réponse à l’Ecossais. Face à l’incroyable série de blessures qui frappe ses attaquants, Roby a dû expérimenter une attaque à deux têtes. Seul Jean-Marc Schaer -deux matches de Division 1 comme titulaire- était opérationnel. Contre les Nordistes, il était associé à Hugues Boury dont c’était les premiers pas à un tel niveau. Les Verts se sont imposés 2 à 0 mais les buts ont été inscrits par Jacques Santini et Oswaldo Piazza, soit un milieu de terrain et un défenseur. Saint-Etienne ne partira donc pas la fleur au fusil à Ibrox Park.
« J’ai des coups partout »
Le 22 octobre, au lendemain du match aller contre les Glasgow Rangers, Oswaldo Piazza était resté aux soins. La veille, il venait de livrer une lutte sans merci aux attaquants écossais. « J’ai des coups partout, constatait-il en montrant son corps. Quand je dégageais le ballon de la tête, je prenais un coup de coude dans l’oeil, quand je dribblais, je recevais un coup dans les côtes ! » Ces propos laissent à penser que le Stéphanois va être animé par un esprit de revanche au match retour. Et pourtant, il n’en est rien. « Je crois en la qualification parce que notre équipe a dorénavant du caractère, renchérit-il. A Ibrox Park, nous savons ce qui nous y attend. C’est presqu’un avantage. En 1967, à ce qu’on m’a dit, les Verts ne s’attendaient pas à la furia du Celtic. »
Au match aller, Oswaldo Piazza a livré une lutte sans merci aux attaquants écossais. Il est prêt pour le match retour.
Christian Lopez, qui évolue au côté de l’Argentin en défense centrale, voue une certaine admiration pour ses adversaires. « Bien sûr qu’ils sont virils, voire durs et irréguliers, mais regardez, aucun de nous n’est blessé. Ils ne sont pas méchants pour deux sous. Tous les tacles sont portés à fond, sans faiblesse, avec la rage de s’imposer. Mais l’objectif est toujours le ballon. » Même son de cloche chez Gérard Farison : « Il est bien rare que je termine un match sans bobo. C’est pourtant le cas cette fois-ci. Cela dit, ce fut un match musclé et qui le sera encore plus à Glasgow. »
« Il ne faudra pas jouer derrière pour tenter de protéger nos deux buts d’avance. Nous ne savons pas le faire et ce serait une opération-suicide. »
Gérard Farison
Roussey, Balducci et Brun en Vert
Le 25 octobre, Pierre Garonnaire s’apprête à effectuer son troisième aller-retour à Glasgow. Au programme du superviseur des Verts : la finale de la Coupe de la Ligue qui doit opposer le Celtic aux Rangers à Ibrox Park. Il aurait dû en effectuer un quatrième déplacement mais à la veille du derby contre Lyon, le sergent-recruteur des Verts n’a jamais pu décoller de l’aéroport d’Orly. Il a vainement attendu son avion toute la matinée. On ne peut pas avoir de la chance tous les jours, a-t-il dû alors penser. En effet, il s’était déplacé jusqu’à Marseille pour y faire signer trois accords de non-sollicitation à des jeunes de Mazargues. Pierre-Eric Balducci, un défenseur de 17 ans, Philippe Brun, un numéro dix très prometteur et enfin un certain… Laurent Roussey. Sollicité par l’OM, Nice et Monaco, entre autres, le jeune attaquant de Mazargues continuera sa progression à l’ASSE.
Laurent Roussey sera Stéphanois. Pierre Garonnaire arrache le jeune prodige de Mazargues à Marseille.L’Equipe, 30 octobre 1975.
Samedi 1er novembre. L’avion à destination de Glasgow est bien présent sur le tarmac de Lyon-Satolas. A son bord, Pierre Garonnaire prend place en compagnie de Jean-Claude Schamberger. Au stade d’Hampden Park, les deux hommes assistent au derby entre les Rangers et le Celtic (1-1). Le premier est aux commentaires alors que le second capte chaque image susceptible d’intéresser Herbin. 55 000 inconditionnels garnissent les tribunes, partagés en deux clans bien distincts. D’un côté, les supporters protestants des Rangers, vêtus de rouge et bleu, de l’autre, les catholiques dévoués à la cause du Celtic. Ce samedi après-midi, bien qu’ils ne soient que 55 000, ils entonnent leurs chants sans discontinuer comme s’ils étaient 100 000.
Pierre Garonnaire apprécie l’ambiance mais il en a vu d’autre. S’il est toujours impressionné par cette ferveur typiquement britannique, il ne souhaite pas apeurer ses joueurs : « Ce serait plutôt une ambiance sympathique et encourageante pour nos joueurs. Malgré ce derby tendu, il ne s’est rien passé de grave sur le terrain et pratiquement pas grand chose autour. Il n’y a donc pas de quoi être trop sensibilisé. »
La seule modification qu’il a griffonnée sur son calepin est la titularisation de Young dès le début du match. Pour Garo, « c’est indiscutablement le meilleur ailier gauche des Rangers. » Bien qu’il n’ait assisté qu’à un seul des deux derbies entre les Rangers et le Celtic, il peut d’ores et déjà dresser un état des lieux : « Ils viennent de faire deux matches très durs contre le Celtic. Hier, l’affrontement a encore été très rude avec beaucoup d’engagement de part et d’autre. Mais si notre équipe joue avec toute sa conviction, sa supériorité technique doit s’exprimer. Sur ce plan là, nous sommes mieux armés que les Rangers. La force des Rangers, c’est leur physique et leur détermination. »
« Si nous sortons notre jeu européen, je ne vois pas comment les Rangers pourraient nous marquer un but. »
Pierre Garonnaire
L’Equipe, 3 novembre 1975.
« Il a plu mais la température est douce. Le terrain sera assez gras. » Ce détail n’est pas anodin pour l’envoyé spécial stéphanois. Il y voit même là le signe que les Anglais seront avantagés. Et quand il ne voit pas les matches de ses propres yeux, il dissèque la presse locale pour prendre le pouls. Pour la presse locale, il ne fait aucun doute que si les Rangers veulent se qualifier pour le tour suivant, ils devront nettement mieux jouer contre Saint-Etienne.
ASSE-Actualités.
Le Celtic supporter des Verts
Jean-Claude Schamberger a filmé Celtic-Rangers. Il réserve la fameuse bande magnétique à Robert Herbin. Avant de reprendre seul l’avion du retour, il livre ses impressions sur ce derby disputé Outre-Manche. « Devant 80 000 spectateurs, les catholiques du Celtic seront les supporters inconditionnels de l’AS Saint-Etienne. Le Celtic a un compte à régler avec les Rangers et l’AS Saint-Etienne pourrait finalement profiter de cette situation insolite ! »
Dimanche 2 novembre. Au stade Geoffroy-Guichard, l’entraînement se déroule sans problème particulier. Herbin peut souffler, il n’a heureusement pas de nouveaux blessés à déplorer. La bonne nouvelle, c’est qu’Hervé Revelli ne se plaint plus de sa cheville et postule à l’une des deux places sur le front de l’attaque. L’avant-centre stéphanois redouble de motivation à l’idée de retrouver Glasgow : « J’ai une belle revanche à prendre à Glasgow. J’étais de l’expédition désastreuse contre le Celtic. Ce 4 à 0 m’avait littéralement traumatisé. C’est la raison pour laquelle, si nous nous qualifions, ce succès aura une saveur particulière. »
L’autre poste devrait logiquement revenir à Dominique Rocheteau, totalement rétabli.
Robert Herbin a insisté sur le jeu de tête. Il sait que ses joueurs devront être à la hauteur dans les airs
« Je vis un beau rêve et pour ce premier match en coupe d’Europe, mon vœu le plus cher est notre qualification. »
Dominique Rocheteau
Au milieu, Jacques Santini se sent de mieux en mieux. Auteur d’une bonne prestation contre Valenciennes, il a les préférences de son entraîneur.
Sarramagna et Merchadier chez Bobet
Trois joueurs regarderont le match devant leur poste de télévision. Patrick Revelli, victime des foudres lyonnaises lors du derby, a été déplâtré puis replâtré pour une quinzaine de jours. Alain Merchadier et Christian Sarramagna ont, quant à eux, quitté la Loire pour le centre de Thalasso à Quiberon. Les deux hommes sont partis poursuivre leur remise en forme dans l’établissement de Louison Bobet, ami personnel de Roger Rocher.
Hervé Revelli, au premier plan, est rétabli. Il postule de nouveau à une place de titulaire contre les Glasgow Rangers.
Lundi 3 novembre. La ville de Saint-Etienne est plongée dans la grisaille. La température est fraîche mais cela n’empêche pas les dix-sept joueurs retenus pour Glasgow de se donner à fond lors du dernier entraînement avant le grand départ. Les jeunes Schaer, Boury, Larios et Lacuesta sont présents.
De 9 h 30 à 11 heures, Robert Herbin axe une nouvelle fois ses exercices sur le jeu de tête. Sur la pelouse synthétique, trois équipes de six s’affrontent par petits matches d’un quart d’heure. Les joueurs ne doivent marquer que de la tête. Roby joue le rôle de dix-huitième homme et prend place dans les cages. Curkovic, quant à lui, joue dans le champ. Les petits matches sont arbitrés par Robert Philippe.
Ivan Curkovic sait que la partie sera difficile à Glasgow. Il s’entraîne avec tout le sérieux qui le caractérise.
L’intensité est telle au cours de cette séance que Christian Lopez et Pierre Repellini se font quelques frayeurs. Dominique Bathenay s’en tire bien avec uniquement un oeil au beurre noir. Une fois n’est pas coutume, MM. Filliol et Chabannes, les deux masseurs de l’ASSE, sont au chômage : « Nous nous dirigeons vers le beau fixe, mis à part les blessés que nous connaissons », disent-ils avec soulagement. Jean-Michel Larqué semble totalement débarrassé de la gêne que lui a occasionnée son genou : « Au fil des matches, ma condition physique s’est améliorée. Je tire maintenant les coup-francs ! »
« Parlane m’a déjà secoué au match aller »
Oswaldo Piazza sait qu’il va devoir mener une dure bataille face à Parlane. L’Argentin ne compte pas se défiler. Il est prêt pour le combat : « Nous allons être accueillis chaudement là-bas. Pour ma part, je m’attends à subir les assauts de ce Parlane qui m’a déjà secoué au match aller. Le tout sera de rester calme dans la tempête. Je vais avoir du mal… mais il le faut. Et puis, il y aura ces combats aériens et ces duels de la tête qui pourraient bien être décisifs. »
L’après-midi, de 15 h à 16 h 30, Herbin, bien secondé par son adjoint, insiste auprès de ses défenseurs sur leur placement, notamment sur les coup-francs et les corners. Ivan Curkovic travaille les relances avec ses milieux de terrain. Les Verts s’attendent à être dominé à Ibrox Park, par conséquent, toutes les contre-attaques devront être négociées au mieux.
En fin d’après-midi, le ballon fait place à la projection du film du match Celtic-Rangers (1-1). Herbin, comme à chaque fois qu’il réunit ses joueurs dans la salle de cinéma, en profite pour parler tactique avec eux. Il leur divulgue également les notes que lui a fait parvenir Garonnaire depuis l’Ecosse où il séjourne jusqu’au match retour.
« La pelouse était assez grasse car il avait plu. Il est probable que celle d’Ibrox-Park, bien qu’elle ait été refaite la saison dernière, le sera également. D’après l’entraîneur J. Stein, ce deuxième match en huit jours entre les deux meilleures équipes de Glasgow fut d’un plus haut niveau que le premier. En revanche, a ajouté Stein, vous avez vu que nous avons été dominés au cours du premier quart d’heure. Si vous réussissez comme nous à résister au rush des Rangers, tous les espoirs vous seront permis. Pour arracher leur qualification, les Rangers devront mieux jouer que samedi.
Jackson et Forsythe m’ont paru plus lents qu’à Saint-Etienne. On peut les surprendre. Stein, le numéro 8 a fait, comme à Saint-Etienne, un début de match époustouflant puis on l’a moins vu par la suite. »
Pierre Garonnaire (au second plan) est à Glasgow depuis plusieurs jours. Il prend note de tout ce qu’il voit et perçoit pour mieux en rendre compte à Robert Herbin.
Mardi 4 novembre. D’ordinaire si calme, l’aérogare de Saint-Etienne-Bouthéon est animé ce mardi à l’aube. Un épais brouillard, ne permet à aucun avion de décoller de la piste. Alors que les joueurs -accompagnés pour certains de leurs épouses- sont déjà sur place, les époux Rocher arrivent à leur tour en limousine noire. La mine des mauvais jours, il invective la responsable du voyage, une dénommée Madame Mars, de ne pas l’avoir prévenu plus tôt de ce contretemps dû à la météo. Dans la foulée, il s’insurge contre la non-présence des cars qui doivent rallier en urgence l’aérodrome à l’aéroport de Lyon-Satolas. Le président stéphanois regrette à ce moment-là de ne pas avoir suivi sa première idée qui était d’avancer le départ au lundi soir.
Le président retrouve son calme aussi vite qu’il s’était emporté. Les trois cars « Gatty » arrivent en file indienne. Les joueurs, sacs en bandoulière, s’engouffrent à l’intérieur. Tous sauf un ! Gérard Janvion, catastrophé, lance à ses dirigeants :
« J’ai oublié ma carte d’identité ! Le douanier ne peut pas se tromper, il me reconnaîtra facilement. »
Thierry CLEMENCEAU
Pendant ce temps-là…
L’Equipe, 4 novembre 1975.
Prochain blog :
les Verts à l’assaut de Glasgow
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« C’est notre plus belle victoire… »
Quatorze anciens Verts se sont retrouvés au Musée des Verts pour le vernissage de l’exposition « 40 ans après… Retour sur l’épopée des Verts », visible jusqu’au 15 mai 2016. L’occasion pour les instigateurs de la meilleure saison de l’histoire du club de se remémorer les moments qui ont façonné l’une des plus belles pages du sport français. Retrouvez les anciens Verts sur :
Comme Obélix, tout petit, je suis tombé dans le Chaudron. Et je n’en suis jamais sorti.
Mon premier souvenir d’un match des Verts remonte au 17 mars 1976. Ce soir-là, Saint-Etienne s’offre une qualification pour les demi-finales de la plus prestigieuse des Coupes d’Europe face au Dynamo de Kiev. Quel plus beau cadeau, le jour de mes 9 ans, que de voir Dominique Rocheteau, Charentais maritime comme moi, faire exploser le stade Geoffroy-Guichard.
A travers ce blog, je vous propose de revivre huit décennies de moments forts de l’histoire du club, d’anecdotes croustillantes, de personnages emblématiques et de matches inoubliables dans une ambiance unique en France…
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