Dimanche 30 mars, le stade de Gerland accueille le 108e derby entre l’Olympique Lyonnais et l’AS Saint-Etienne. La rivalité entre les deux clubs est vieille de soixante-deux ans. Souvent mouvementée, elle n’en demeure pas moins passionnée. Bonne lecture.
Woehl premier buteur d’un derby
28 octobre 1951. Lyon b. Saint-Etienne 4-2.
En 1946, Lyon et Saint-Etienne s’étaient quittés sur un score nul de 3 à 3. Un résultat qui précipitait un peu plus les Rhodaniens vers la Division 2. Mais Lyon n’était pas encore l’Olympique Lyonnais mais le Lyon Olympique Universitaire (LOU). Le 3 août 1950, l’Olympique Lyonnais voit le jour.
Le 28 octobre 1951, le stade municipal de Gerland accueille le premier derby dans l’histoire des deux clubs que sont l’Olympique Lyonnais (OL) et l’Association Sportive de Saint-Etienne (ASSE). Historique. A cette occasion, l’engouement est réel comme le relate le journal L’Equipe du 26 octobre 1951 :
Oscar Heisserer, l’entraîneur lyonnais, lance dans le grand bain le jeune Bonvin chargé de marquer le stratège et meneur de jeu stéphanois Kees Rijvers. Du côté stéphanois, Jean Snella place l’ailier droit René Alpsteg au poste… d’arrière droit. En revanche, il se prive des services de Tamini, natif de Lyon mais aussi de Leduc et Dececco alors que Cuissard est toujours indisponible. Jean Rigal, membre du comité de sélection de l’équipe de France, assiste à cette rencontre. Deux heures avant la rencontre, la pluie s’invite à la fête et tombe sur le stade sans discontinuer. Malgré cet aléa de la météo, 17 252 spectateurs s’acquittent du précieux sésame. Les deux équipes, certes voisines mais néanmoins rivales, jouent un football de bonne qualité.

Un triplé pour Woehl
Les deux inters lyonnais, Pierre Flammion et Fritz Woehl, marquent ce match de leur empreinte. Ce dernier entre même dans la grande histoire des derbys en inscrivant, à la 23e minute, le premier but de l’histoire des derbys. Celui que l’on surnomme « le Tank » pour sa vélocité s’offre même un triplé. Côté stéphanois, l’expérience d’Alpsteg en défense n’est pas une franche réussite. Nola, le seul des trois Brésiliens sur le terrain, paraît lent malgré une technique certaine.
L’OL remporte la première édition d’un match entre deux villes séparées seulement par cinquante-huit kilomètres.
Buts.- Lyon : Woehl (23e, 36e et 83e, s.p.), Dupraz (63e) ; Saint-Etienne : Rijvers (44e), R. Alpsteg (66e).
Lyon : Lergenmuller – Grillon, Rodriguez, Bonvin – Juillard, Tichy – Woehl, Flammion- Ninel, Dupraz, Roland. Entr.: Heisserer.
Saint-Etienne : Ferrière – R. Alpsteg, Huguet, Fernandez – Bini, Domingo – Ferry, Rijvers – Haond, Nola, L. Alpsteg. Entr. : Snella.
Lyon a gagné le 42e derby
Saint-Etienne le 69e

Chiesa séduit l’ASSE mais signe à l’OL
La saison 1968-69 n’est pas encore terminée que l’ASSE, comme la majorité des clubs, prépare déjà la saison suivante.
Un nom revient avec insistance : Serge Chiesa. Lors d’une rencontre amicale contre l’AS Montferrandaise (CFA), le petit international Juniors avait séduit le staff stéphanois.
Le 15 avril 1969, L’Equipe titre :
Le vendredi 25 avril, les Verts disputent une rencontre amicale contre le Partizan Belgrade, l’un des meilleurs clubs de Yougoslavie. A cette occasion, Albert Batteux veut voir à l’oeuvre le petit numéro 8 contre les Yougoslaves. Robert Herbin abandonne le temps d’un match son poste d’inter droit au profit du jeune international de Clermont-Ferrand.

Les 10 000 spectateurs de Geoffroy-Guichard comprennent très vite le choix de l’ASSE pour ce jeune joueur talentueux. Principale attraction de cette rencontre, il fait étalage de ses qualités techniques. Sa pointe de vitesse laisse plusieurs fois sur place les joueurs yougoslaves. Ses passes millimétrées à destination de Revelli ou Keita ne trompent pas. Le public séduit scande son nom. Ses coéquipiers d’un jour ne tarissent pas d’éloges à son encontre. L’ASSE s’impose 3-1.

Alors Chiesa à Saint-Etienne ? Malgré les propositions alléchantes des dirigeants stéphanois, rien n’est signé.
Mais le 29 avril, coup de tonnerre. L’Equipe annonce en Une :
Angers, club pensionnaire de Division 2, domine son championnat en compagnie d’Angoulême et prépare son retour parmi l’élite. Comme Saint-Etienne, le club de l’Anjou a fait de Serge Chiesa l’une de ses priorités. L’un de ses dirigeants a fait le déplacement en Auvergne pour discuter d’un éventuel transfert avec son mentor et entraîneur, Jules Sbroglia… qui a joué à Angers dans les années 50.
L’OL entre dans la danse
Mais c’était sans compter sur un troisième club qui lui aussi porte un intérêt certain pour l’Auvergnat. L’Olympique Lyonnais entre dans la danse et les arguments déployés par le club rhodanien séduisent Serge Chiesa.

Le 14 mai, il se déplace à Lyon en compagnie de son père et de son entraîneur. Si les trois hommes assistent au match qui oppose Lyon à Valenciennes le soir même, c’est bien pour parler transfert avec leurs homologues lyonnais qu’ils ont fait le déplacement. Les pourparlers sont bien engagés et un accord de principe est sur le point d’être trouvé. De son côté, Roger Rocher déclare qu’il ne fera aucune surenchère pour ce transfert.
Le lendemain, L’Equipe annonce le transfert définitif du jeune espoir français à Lyon.
Le staff stéphanois est déçu. Albert Batteux tente une dernière tentative et déclare que « Chiesa à Saint-Etienne serait un titulaire à part entière. » Pierre Garonnaire, de son côté, n’y croit plus et se tourne vers la Hollande où Kees Rijvers, ex-gloire des Verts des années 50, lui a signalé quelques jeunes talents.
Dans son édition du 27 mai, L’Equipe titre :
Dans son papier, Jacques Etienne rapporte les propos de Roger Rocher : « Tant que rien n’est signé, l’espoir reste permis, nous a-t-on dit. Les dirigeants de Lyon ont laissé entendre au père de Chiesa que son fils ne jouerait pas en pros chez nous, et qu’il avait, par conséquent, tout intérêt à le faire venir à l’Olympique Lyonnais. C’est un argument qui ne tient pas. Pourquoi gagerions-nous un garçon d’une telle valeur, pour en fin de compte le laisser sur la touche. Chiesa nous intéresse et nous ferons tout dans toute la mesure du possible pour qu’il vienne à Saint-Etienne. »

Finalement, le samedi 31 mai, tard dans la soirée, le transfert de Serge Chiesa trouve son épilogue. Il s’engage pour quatre ans avec l’OL et signe le premier contrat à temps en France malgré d’ultimes propositions de Saint-Etienne et Marseille. Pour Chiesa, la proximité de Lyon et Clermont-Ferrand et les retrouvailles avec ses copains de l’équipe de France Juniors, notamment Bernard Lacombe ont joué en faveur du club lyonnais.
Dans le Miroir du Football d’août 1971, il déclare : « De Montferrand, club évoluant en CFA, au professionnalisme, je savais que le pas à franchir ne se limitait pas à une signature sur le bas d’un contrat. Une période d’adaptation allait m’être nécessaire mais je la voulais la moins longue possible. L’effectif riche en vedettes de Saint-Etienne m’aurait contraint à faire antichambre dans la réserve tandis qu’à Lyon, mes chances d’être immédiatement titulaire étaient plus conséquentes. Pour s’adapter, il faut jouer. J’ai donc signé là où je serais sur les terrains… Je ne le regrette d’ailleurs nullement. »
Serge Chiesa a joué quatorze saisons à l’OL. A ce jour, il détient le record de derbys disputés avec trente participations (dont deux en Coupe). Il devance Yves Chauveau (26) et Robert Herbin (25).
« Le derby, ça ne s’explique pas, ça se vit »
Fleury Di Nallo
Entente OL-ASSE contre la Hongrie
6 juin 1956. Sélection Lyon-Saint-Etienne-Hongrie : 3-7.
Pour clore la saison 1955-56, la Ligue du Lyonnais a réussi un coup de maître : réunir le temps d’un match les joueurs de l’ASSE et de l’OL pour affronter la Hongrie, finaliste de la Coupe du monde 1954.

Pour ce match inédit, les entraîneurs des deux clubs, Jean Snella pour Saint-Etienne et Lucien Troupel pour Lyon, ont retenu leurs meilleurs éléments, principalement des internationaux A et B auxquels ils ont joint les deux étrangers : le Suisse Jacky Fatton (OL) et le Hollandais Kees Rijvers (ASSE). Sur le papier, l’équipe stéphano-lyonnaise a fière allure. Le mardi 5 mai, aux alentours de 14 heures, c’est l’effervescence à la gare de Perrache à Lyon. Le train en provenance de Paris arrive enfin à quai. Puskas et ses coéquipiers descendent du wagon avec vingt-quatre heures de retard. Mais qu’importe, ils sont bien là.

Battus à Bruxelles quelques jours plus tôt, la sélection hongroise ne fait pas cette fois dans la demi-mesure. Parmi les 14 000 spectateurs qui garnissent les tribunes de Gerland, Paul Nicolas et Pierre Pibarot, respectivement directeur de l’équipe de France et entraîneur fédéral, ont fait le déplacement.

Mais il ne fallait pas arriver en retard : après sept minutes de jeu, les Hongrois mènent déjà 3-0 grâce à des buts de Machos (1ère), Mouynet (5e, c.s.c.) et Domingo (7e, c.s.c.). Ils surclassent les Français dans tous les compartiments du jeu et inscrivent un quatrième but par Hidegkuti sur un bel exploit technique (23e). Ferry réduit le score (36e) avant que le capitaine Domingo ne l’imite avant la pause (43e). Le score est lourd mais logique à la mi-temps.

A la reprise, Puskas enfonce un peu plus le clou et inscrit un cinquième but (47e). Les rentrées de Knayer, Ninel et Mekloufi impulsent un nouveau souffle à cette équipe. Cela se concrétise par un superbe but du Suisse Fatton (59e). Mais les Hongrois ne veulent pas revivre leur mésaventure de Bruxelles le dimanche précédent (défaite 5-4) et Tichy, coup sur coup (81e et 83e) porte le score à 7-3. Puskas a joué pendant une heure tandis que Kocsis, réclamé par le public, a foulé la pelouse la dernière demi-heure du match.
Buts.- Hongrie : Machos (1ère), Mouynet (5e, c.s.c.), Domingo (7e, c.s.c.), Hidegkuti (23e), Puskas (47e), Tichy (81 et 83e) ; Sélection Lyonnais : Ferry (36e), Domingo (43e), Fatton (59e).
Sélection Lyon-Saint-Etienne : Abbes (Alberto) – Mouynet, Dececco, Novak (Wicart) – Domingo (Ninel), Ferry (Knayer) – Foix, Antonio (Mekloufi), Schultz, Rijvers, Fatton. Entr. : Snella et Troupel.
Hongrie : Geller (Ilku)) – Karpati, Teleki, Lantos – Palotas, Szojka (Berendi) – Budai, Machos (Kocsis), Hidegkuti (Tichy), Puskas, Fenivessy. Entr.: Titkos.
« Le public de Lyon était plus sévère »
Kees Rijvers
Le derby s’invite à « Télé-Dimanche »
23 mars 1969. Lyon-Saint-Etienne : 1-2.
Le dimanche 23 mars, le football fait son grand retour sur le petit écran. Dans le cadre des accords foot-TV signés entre la Fédération Française de Football et l’ORTF, « Télé-Dimanche » retransmet en direct à partir de 16 h 30 la deuxième mi-temps du derby au stade de Gerland. C’est la première fois qu’un match du championnat de France est retransmis à la télévision. Les commentaires sont assurés par un jeune téléreporter : Michel Drucker. Au début de la retransmission, il annonce que le coup d’envoi est retardé. En effet, la clé du vestiaire des Stéphanois a été égarée. Pour faire patienter les téléspectateurs, il interviewe deux joueurs blessés : Fefeu et Di Nallo, respectivement joueurs de l’ASSE et de l’OL.
Vidéo INA :
« J’aime ce derby, car il y a à la fois du respect et de l’amour vache »
Robert Duverne
La der…bye ! de Domenech
Le 9 septembre 1977. Lyon-Saint-Etienne : 2-2.
Lyon accueille les Verts. Ce soir-là, Raymond Domenech dispute son dernier match sous le maillot lyonnais. De 1970 à 1977, il a disputé 15 derbys. Joueur de caractère, il a marqué ces rencontres par ses interventions souvent musclées et ses sorties verbales « fleuries ». Pour son dernier match à Gerland, il s’échauffe avec le numéro 13 correspondant au numéro de son placard de vestiaire.

« Ces matches dépassent largement le strict cadre
du football »
André Lerond
« Mamie » Toutain n’avait jamais vu ça !
Le 9 septembre 1980. Lyon-Saint-Etienne : 1-1.
Chaque derby disputé à Lyon voit des records de spectateurs tomber. Le 23 mars 1977, 38 439 personnes assistent à la victoire des Verts 2-0. Le 9 septembre de la même année, ce sont 39 851 spectateurs qui assistent au match nul 2-2 entre Lyonnais et Stéphanois.

Trois ans plus tard, jour pour jour, l’OL reçoit l’ASSE. Dès le mercredi, la vente de billets à la brasserie de « l’Ours Blanc » à Lyon bat son plein. A midi, toutes les places sont vendues. A 71 ans, « Mamie » Toutain, la patronne du lieu situé au pied de la gare de Perrache, n’avait encore jamais vu ça. Bien connue des joueurs comme Bernard Lacombe ou l’Uruguayen Maneiro chez qui il trouva refuge à son arrivée à Lyon. Cela fait plus de trente ans qu’elle vend des billets et sert la cause des « Rouge et Bleu ».
Pendant de longues années, « Mamie » Toutain ne ratait pour rien au monde un déplacement de l’OL. Les stades de France n’avaient aucun secret pour elle.
Des problèmes de santé l’ont privée ce 9 septembre 1980 d’assister à un nouveau derby entre les « Bleu et Rouge » et les Verts. Si le match se termine par un nouveau match nul, 48 852 personnes garnissent le stade de Gerland. Un nouveau record !
« J’ai toujours voulu battre Lyon, même quand j’étais gamin »
Georges Bereta
Water-foot à Gerland
23 mars 1977 : Lyon-Saint-Etienne : 0-2.
Ce 23 mars, il valait mieux se rendre au stade de Gerland avec parapluie. Un quart d’heure avant le coup d’envoi, les 42 000 personnes sont suspendues à la décision de M. Kitabjian de faire jouer ou non la rencontre. L’orage qui s’abat sur Lyon rend le terrain impraticable. Le match a pourtant lieu. Les hommes de Robert Herbin, fraîchement éliminés par Liverpool en Coupe d’Europe, en ont vu d’autres. Larqué de la tête (61e) et Rocheteau (88e) font trinquer leurs voisins Lyonnais.

« La culture du derby m’a servi à devenir champion du monde »
Aimé Jacquet
Rollerball à Gerland
13 octobre 1971. Lyon-Saint-Etienne : 2-0
Un derby n’est décidément pas un match comme les autres. La rivalité est prononcée, la suprématie régionale tourne parfois au règlement de compte. Le 13 octobre 1971, on dénombre pas moins de sept joueurs blessés : quatre dans le camp stéphanois (Sarramagna, Keita, Larqué et Bereta) et trois dans celui des Lyonnais (Ravier, Trivic et Mihajlovic).

25 octobre 1975. Lyon-Saint-Etienne : 0-0.
Quatre ans plus tard, le 25 octobre 1975, le match tourne en véritable bagarre de rue. Robert Wurtz, le très spectaculaire arbitre, souffrant, est à deux doigts de s’évanouir en première mi-temps. Les grosses fautes se succèdent, les coups bas pleuvent. Maneiro, en grande forme, sèche Janvion et tente de lui asséner un coup de pied au visage… Piazza, lui aussi à terre, se fait cracher au visage par Mariot. Janvion, cède sa place à Santini.
Les Stéphanois terminent la partie à dix après la sortie sur blessure de Patrick Revelli. Robert Wurtz, en fin de match est à nouveau pris d’un malaise. Les 33 148 spectateurs étaient venus voir un match de football, c’est à une partie de rollerball qu’ils eurent droit. Les Verts repartent finalement de Lyon avec le point du match nul 0-0. Le président Rocher , à la fin du match, accuse l’entraîneur lyonnais d’avoir incité ses joueurs à produire un tel spectacle. Pas mécontent du résultat vu le contexte, il décide alors de doubler la prime de match. Le quotidien L’Equipe du 27 octobre montre en Une Patrick Revelli quitter le terrain sur blessure aidé par le staff stéphanois.