Ce dimanche 1er février 2015, l’AS Saint-Etienne se déplace à Caen pour le compte de la 23e journée. Le 18 mars 1989, les Verts, malgré un recrutement prometteur, stagnent dans la deuxième partie du classement de Division 1. Entre deux candidats au maintien, ce match au stade de Venoix semble prometteur.

Fournier, Geiger, renforts de choix
En août 1988, Robert Herbin et son staff nourrissent de réelles ambitions pour leur club. En enrôlant Laurent Fournier et Alain Geiger, entre autres, les Verts se sont renforcés qualitativement. Mais un début de Championnat catastrophique (treize premiers matches sans la moindre victoire) est venu contrarier les plans du club stéphanois. Il a fallu attendre le 1er octobre et la réception de Toulon pour voir les Verts enfin gagner un match (2-1). A neuf journées de la fin, il occupe une peu glorieuse 15e place. Avec 29 buts inscrits, son attaque est peu prolifique. Sa défense a déjà encaissé 42 buts, ce qui en fait d’elle l’une des plus perméables de D1.
Après des débuts laborieux, les Verts ont courageusement redressé la barre lors des matches retour. L’opération maintien est en bonne voie mais les rumeurs les plus folles circulent déjà du côté du stade Geoffroy-Guichard. Alors qu’on en est encore aux balbutiements en matière de transferts pour la saison 1989-90, Robert Herbin, l’entraîneur des Verts, est annoncé du côté de Nice en remplacement de Nenad Bjekovic présumé en froid avec M. Innocentini, son président.

La rumeur Aimé Jacquet
Pour remplacer l’actuel entraîneur des Verts, une rumeur fait état de contacts entre Saint-Etienne et Aimé Jacquet, écarté des Girondins de Bordeaux par Claude Bez, son président, quelques semaines auparavant. Pour celui originaire de Sail-sous Couzan, ce serait un véritable retour aux sources.

Si André Laurent, absent de Saint-Etienne pour raisons professionnelles, Bernard Bosquier, le directeur sportif de l’ASSE, dément formellement d’éventuels contacts. « Il n’y a rien. Aimé Jacquet est mon ami. Je lui ai simplement téléphoné pour le réconforter lorsqu’il a été licencié », affirme le directeur sportif stéphanois.

De son côté, le désormais ex-entraîneur de Bordeaux ne dit pas autre chose : « Je n’ai absolument aucune demande de Saint-Etienne. Il n’y a eu aucun contact. C’est de l’affabulation. Si un prochain jour, je viens à Saint-Etienne, ce sera pour déjeuner avec des amis. »
Castaneda poussé vers la sortie
L’AS Saint-Etienne doit également gérer un autre problème de taille : celui de son gardien de but. Arrivé en juin 1987 en provenance d’Angers, Jean-Pascal Beaufreton a détrôné Jean Castaneda dans la cage stéphanoise. Le « doyen » des Verts qui a rejoint le club au milieu des années 70 en provenance de l’Olympique de Saint-Etienne est en fin de contrat avec l’ASSE. Il ne sait pas de quoi son avenir sera fait. Ses relations avec Herbin ne sont pas des meilleures et après avoir tout connu avec son club de coeur, l’ex-capitaine déchu se dirige tout droit vers la sortie au terme du Championnat. Après la rencontre contre Nantes et la bonne performance de Jean-Pascal Beaufreton, une petite phrase de Bernard Bosquier n’est pas passée inaperçue : « Je crois que Saint-Etienne a trouvé un bon gardien. »

Les Caennais sont en forme
Mais avant de gérer les éventuels mouvements, les Verts préparent leur 30e match de Championnat à Caen. L’actuel relégable (18e avec 28 points) vient de connaître la défaite à Sochaux lors de la dernière journée. Ce revers, s’il laisse un goût amer aux Normands, n’efface aucunement leur bonne série de trois victoires et un match nul (toutes compétitions confondues). Robert Nouzaret, l’entraîneur du SM Caen, promet une équipe offensive (4-3-3) contre les Stéphanois au stade de Venoix.

Graham Rix, le métronome
Comme son adversaire du soir, le SM Caen a connu un début de saison difficile en s’inclinant six fois consécutivement. Arrivé en début de saison, Nouzaret a connu quelques sueurs froides et bien failli refaire ses valises rapidement. Finalement, la sagesse de ses dirigeants l’a emportée. « Chez nous, comme à Saint-Etienne ou Laval, dit l’entraîneur normand, il n’y a pas de salades. On ne parle que football. Ce sont des clubs qui restent sereins et c’est grâce à cette politique qu’on a la chance de pouvoir se battre jusqu’au bout. » Avec Stein et Rix, ses deux « British» , ses joueurs mouillent le maillot, ce qui n’est pas pour déplaire au public de Venoix. Les Verts sont prévenus.

Geiger et Chaouch toujours absents
Pour ce déplacement, Herbin peut compter sur le retour de son Danois John Sivebaek, de retour de suspension. En revanche, le Suisse Alain Geiger et le Marocain Mohamed Chaouch, à court de compétition, ont dû déclarer forfait. Pour compenser ces absences, l’entraîneur stéphanois a réservé une petite surprise en titularisant le jeune Philippe Durieu. Incorporé deux fois dans le groupe des pros cette saison, pour lui, ça sera un véritable baptême du feu. A 20 ans, ce joueur de caractère, très à l’aise en défense et bon relanceur, aura la lourde tâche de marquer Graham Rix.

Record de spectateurs à Venoix
14 016 spectateurs -dont un bon millier de supporters stéphanois- assistent à cette rencontre, ce qui constitue le record de spectateurs au stade Venoix. Malgré leur saison en dents de scie, Saint-Etienne fait toujours recette.
Les Verts subissent les assauts caennais
Durant la première demi-heure, les Verts sont pris à la gorge. Littéralement étouffés par des Caennais déchaînés, les Stéphanois sont assiégés dans leur moitié de terrain. A la 15e minute, sur un coup-franc concédé par Courrault sur Lebourgeois, à l’entrée de la surface de réparation, Rix, d’une belle frappe travaillée, trompe Beaufreton qui relâche le ballon dans ses propres filets (1-0, 15e). Il faut attendre le dernier quart d’heure pour voir Saint-Etienne sortir la tête de l’eau et se montrer dangereux. Tour à tour, Fournier, Tibeuf et Morice manquent l’égalisation pour quelques centimètres.

Tibeuf remet les pendules à l’heure
La deuxième mi-temps débute sur les mêmes bases. A la 50e minute, Garande, excellent depuis le début, sert Fournier sur l’aile droite. Le milieu stéphanois adresse un centre pour Tibeuf qui égalise au deuxième poteau (1-1, 50e).
Les Caennais, sonnés, ne sont pas au bout de leurs surprises. Moins d’une minute après, Morice sur l’aile gauche, cette fois, sert Tibeuf qui, après un beau contrôle orienté, trompe Montanier (1-2, 51e).

Premier hat-trick pour Tibeuf
Saint-Etienne a désormais la mainmise sur le match. Les Verts enfoncent définitivement le clou à la 64e minute. Fournier, lance Tibeuf dans le dos des défenseurs caennais. Le Breton se retrouve seul face à Montanier et ne laisse pas passer l’occasion d’inscrire un hat trick (1-3, 64e).

A l’entame du dernier quart d’heure, les Caennais reprennent espoir par Lebourgeois qui trompe Beaufreton (2-3, 79e). Le gardien stéphanois, pas irréprochable sur les deux buts, doit sortir le grand jeu trois minutes plus tard pour détourner magistralement un bolide de Domergue (82e).
Au coup de sifflet final, Nouzaret, quelque peu abattu, a du mal à comprendre un tel renversement de situation : « Cette victoire frôle le hold-up. On a disputé 45 minutes d’un niveau de haut de tableau concrétisé par un seul but. Je n’ai jamais vu un tel début de match depuis que je suis ici. »
Bernard Bosquier a lui aussi été surpris par le pressing caennais durant la première demi-heure : « Nous avons pensé au pressing subi en coupe d’Europe contre le Celtic de Glasgow. C’est la première fois que je vois une équipe débuter un match de championnat de France de cette manière. »
« Durieu a joué avec intelligence et abnégation »
Philippe Durieu, pour sa première titularisation en D1, a parfaitement contenu l’Anglais Rix qui ne s’est montré dangereux que sur coups de pied arrêtés. Bosquier ne tarit pas d’éloges pour la dernière pépite stéphanoise : « Le jeune Durieux a bien tenu sa place en jouant bien au football, avec intelligence et abnégation. C’est très bien à l’heure où on met en place une structure de recrutement à l’échelon de la région puisqu’il est Stéphanois d’origine. »

Philippe Tibeuf, auteur du premier hat-trick de sa carrière ne cache pas sa satisfaction : « Ce qui est très agréable, c’est que ce triplé, mon premier, effectivement, depuis que j’ai commencé à jouer en pro à Guingamp, s’est accompagné d’une nouvelle victoire pour Saint-Etienne. Et croyez-moi, nous avions raison de croire que ce serait dur à Caen. Car pendant une demi-heure, on s’est fait bousculer. »
Un match digne de la Premier League
« Bousculer », c’est également ce qu’ont dû subir les joueurs d’Herbin. Attendus par les supporters stéphanois enthousiastes après cette victoire, ils ont eu bien du mal à se frayer un chemin pour rejoindre leur car, garé à quelques 200 mètres de leurs vestiaires. John Sivebaek se demande encore comment il a réussi à monter les premières marches du car sans y laisser sa cravate. Le Danois, transfuge de Manchester United, n’a pas été surpris par le rythme imposé par les Caennais : « En Premier League, c’est comme cela de la 1ère à la 90e minute. »
Avec cette victoire, Saint-Etienne, toujours invaincu en 1989, classé avant-dernier à mi-parcours, vire en tête lors cette phrase retour. Après cette 30e journée, les Verts ont pris 26 points en onze rencontres. Depuis le début des matches retour, ils ont enregistré 8 victoires, 2 nuls pour une seule défaite.

Beaufreton et Tibeuf récompensés
Dans la semaine, Beaufreton et Tibeuf ont reçu la traditionnelle « panthère du mois » décernée par les supporters Membres Associés qui récompensent les deux meilleurs Stéphanois du mois.

Jean Castaneda, après un entretien en tête-à-tête avec André Laurent, a vu sa situation clarifiée. « Il reste un an de contrat à Castaneda, mais nous le laissons libre. Herbin compte maintenant sur Beaufreton et nous engagerons un gardien remplaçant, probablement un joueur de seconde division, de bonne moralité, pouvant bien encadrer les jeunes.»
Thierry CLEMENCEAU