Après « Claude Abbes, le héros du Heysel« , je vous propose aujourd’hui le deuxième volet consacré au gardien stéphanois des Bleus. Trois joueurs stéphanois ont été sélectionnés pour affronter l’Angleterre à Londres. Claude Abbes connaît la mésaventure d’une blessure qui l’éloignera des terrains deux longs mois. Bonne lecture.
Ce dimanche 17 novembre 1957, les sélectionneurs sont sur le pont. En effet, dix jours plus tard, se profile le match amical à Wembley entre l’Angleterre et l’équipe de France. Paul Nicolas est au stade Vélodrome pour superviser Marseille-Nice, Alex Thépot et Gaston Barreau suivent RC Paris-Lens au Parc des Princes, Albert Batteux assiste à Nîmes pour jauger la forme des joueurs rémois qui sont opposés aux Nîmois.
Pibarot supervise Stéphanois et Monégasques
Enfin, Pierre Pibarot a fait le déplacement sur la côte d’Azur pour assister à Monaco-Saint-Etienne. Plusieurs Stéphanois sont dans l’oeil des sélectionneurs : Claude Abbes, le héros du Heysel (voir le dernier post) mais aussi Richard Tylinski, René Domingo, René Ferrier et Rachid Mekloufi.
Au terme d’un match sans but, Pibarot n’a pas été convaincu par les attaquants bien trop timides à son goût. En revanche, les défenseurs ont capté son attention.

Le 19 novembre, à l’annonce de la sélection, sur les « cinq possibles« , l’ASSE compte trois joueurs appelés. Le premier n’est pas une surprise : à 30 ans, Claude Abbes, depuis le Heysel, a gagné ses galons d’international.
Première cape pour René Domingo et Tylinski
Le second, René Domingo (en remplacement de Penverne) joue demi droit et constitue la petite surprise… sauf pour Jean Snella. L’entraîneur stéphanois considère en effet que Domingo, sur les cinq championnats écoulés, est son meilleur élément. Ses coéquipiers n’en pensent pas moins, eux qui ne cessaient de lui répéter qu’il aurait sa chance un jour ! A près de 29 ans, son rêve devient réalité : revêtir au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Ce n’est donc plus qu’une question de jours.
La Combelle à l’honneur
Enfin, Robert Jonquet, hors de forme, c’est le tout jeune Richard Tylinski, 20 ans, évoluant au poste d’arrière central, qui lui succède. Depuis peu, il a été incorporé « deuxième classe » sous les drapeaux. Dans l’euphorie de l’annonce de sa sélection, il prend soin d’emmener dans sa valise une boîte de chocolats qu’il espère offrir au footballeur anglais Jefrey. En effet, un an plus tôt, les Espoirs anglais et français s’affrontaient à Bristol et le joueur anglais s’était blessé lors d’un choc avec le Français. Le cadet des Tylinski n’a pas oublié.
Les deux « bleus« , formés à La Combelle, accompagneront donc leur gardien, auteur d’une grosse prestation à Bruxelles le mois précédent.

Richard Tylinski n’a pas de passeport
La délégation française prend place à bord d’un Viscount d’Air France le 25 novembre et décolle à 15 heures de l’aéroport d’Orly. Mais ce voyage Paris-Londres a failli se dérouler sans Albert Batteux et Richard Tylinski. En effet, l’entraîneur des Bleus, lors du trajet en voiture de Reims à Paris avec Piantoni et Vincent, s’aperçoit qu’il n’avait pas son passeport.
A la Fédération, quelques heures plus tard, c’est au tour de Richard Tylinski de découvrir avec stupéfaction qu’il n’avait pas le précieux sésame. Si Batteux a pu récupérer le sien grâce à son épouse qui a fait un aller-retour express de la Champagne à Paris, en revanche, Tylinski a voyagé sans son papier d’identité.
« Battu 3-0 ! «
A Londres, Claude Abbes, en récupérant sa valise, a la surprise de voir inscrit au crayon bleu sur cette dernière : « Battu 3-0 ! » Le ton est donné.

Les Bleus au cœur de Londres
La délégation française est logée au coeur de la capitale au St.-Ermins Hôtel, tout près du Parlement et de l’Abbaye de Westminster et à deux pas de Big Ben.
Le lendemain, Albert Batteux, l’entraîneur national, dirige l’entraînement à Priory Lane, à Roehampton sur un terrain appartenant à l’Association Sportive de la Banque d’Angleterre.

M. Fontanilles (ASSE) présent à Wembley
En 51 ans et 23 matches disputés entre les deux nations, l’Angleterre s’est imposée 17 fois contre 4 à la France. Les Anglais ont inscrit la bagatelle de 107 buts contre 26 aux Tricolores : ce grand écart entre les deux nations explique que ce match suscite peu d’engouement à Londres. Plusieurs dirigeants de clubs français ont fait le déplacement parmi lesquels M. Fontanilles, de Saint-Etienne.

Roger Rivière parie sur une victoire des Bleus
Cette rencontre compte une dimension supplémentaire. Après des tractations entre la R.T.F., la B.B.C. et la Fédération anglaise, elle est retransmise intégralement en France.
Sondé la veille du match, Roger Rivière, le coureur cycliste de Saint-Etienne avait déclaré : « Trois Stéphanois dans l’équipe de France, c’est un record, n’est-ce pas ? Donc la France gagnera : Angleterre 2 France 3. »

Malheureusement pour les Bleus, la réalité est tout autre. Comme à Bruxelles, Claude Abbes doit enfiler le bleu de chauffe pour contenir tant bien que mal les assauts des attaquants adverses, notamment du petit ailier droit Douglas,de Bobby Robson qui fête sa première sélection ou encore du vétéran Finney.

A la mi-temps, le gardien tricolore, à l’image des Bleus, est surclassé par la rapidité et l’intensité des actions anglaises. Pour leur baptême du feu, le trop inexpérimenté Tylinski et Domingo sombrent corps et âme. A la pause, les Anglais mènent logiquement 3-0 grâce à Taylor (3e et 33e) et Robson (24e). En seconde mi-temps, un dernier but de Taylor, son troisième, vient clôturer la rencontre.

Angleterre-France : 4-0 (3-0). 60 000 spectateurs. Arbitre : M. Latychev. Buts : Taylor (3e, 33e, 84e), Robson (24e).
Angleterre : Hopkinson – Howe, Wright, Byrne – Clayton, Edwards – Douglas, Haynes, Taylor, Robson, Finney.
France : Abbes – Zitouni, R. Tylinski, Kaelbel – Domingo, Bollini – Wisnieski, Ujlaki, Douis, Piantoni, Vincent.
Vidéo du match Angleterre-France : 0-4 à Wembley le 27 novembre 1957.
Wright : « Abbes a évité une catastrophe aux Tricolores«
Billy Wright, le capitaine anglais, est heureux de la nette victoire des siens. Dans L’Equipe du 28 novembre, à la question : « Quel est le Français qui vous a semblé le meilleur ? », il répond : « Le gardien de but Abbes qui, certainement, vous a évité une défaite beaucoup plus lourde que celle qui vous a été infligée. Ensuite, parmi les joueurs sur le terrain, il y eut Bollini et Tylinski, lorsqu’il n’était pas encore handicapé par une blessure. »
Tylinski blessé au genou
Sur les trois Stéphanois présents à Wembley, deux terminent le match blessés. Richard Tylinski, dans un choc avec Taylor, est touché au genou gauche. Sa participation au match qui opposera Saint-Etienne à Reims le dimanche suivant est compromise.

Abbes touché au reins
L’autre catastrophe préjudiciable concerne Claude Abbes. Souvent livré à lui-même, contraint de prendre des risques, il se blesse sérieusement à la 59e minute. Alors que l’Angleterre mène 3-0, l’inter gauche Haynes élimine Piantoni et Domingo et se présente une nouvelle fois seul face au gardien français. S’il parvient à détourner le tir de Haynes, en revanche, il ne peut éviter son genou. Le choc est terrible. Touché aux reins, à bout de souffle, il se relève et regagne sa cage sous les applaudissements du public londonien.
Avant de quitter Londres, Paul Nicolas, Louis Hainaut, René Domingo et Richard Tylinski rendent visite au grand blessé à l’hôpital de Wembley. Domingo, prolonge même d’une journée son séjour pour rester auprès de son coéquipier.
A l’hôpital, Abbes suit l’actualité des Verts
Bien qu’alité et donc bloqué à Londres, Abbes a suivi le match entre Stéphanois et Rémois en championnat. Il essaie aussi de comprendre la rumeur selon laquelle Jean Snella, son entraîneur, en désaccord avec son président, quitterait le club en fin de saison.
Dans son malheur, un petit détail a eu toute son importance : l’infirmière qui s’occupe de lui est d’origine… stéphanoise, plus précisément de Roche-la-Molière. Cette rencontre inattendue a permis à Abbes de converser du pays et se sentir un peu moins seul.
Le 5 décembre, le Stéphanois n’est plus obligé de rester alité. Comme une bonne nouvelle en appelle une autre, il a reçu l’autorisation de quitter Londres une semaine plus tard.
Distrait grâce aux « Rossignols chantants »
Au quotidien, il reçoit un courrier abondant en provenance du vieux continent. Des étudiants français en Angleterre ou des sportifs anglais lui rendent visite. Mais ses plus fidèles compagnons à l’hôpital se nomment Bonnefoy et Berland. Depuis près d’un an, ces deux artistes lyonnais alias les « Rossignols chantants » sont en représentation au Victoria Theatre de Londres. Chaque jour, ils apportent la presse à l’infortuné gardien français en même temps qu’ils s’évertuent à le distraire. C’est aussi grâce à ces artistes qu’il a pu suivre à la radio le Lens-Saint-Etienne. Ils lui ont apporté un transistor pour son plus grand bonheur.

Bye bye London
C’est finalement le 10 décembre que Claude Abbes regagne le sol français. Le héros de Wembley comme l’ont surnommé les tabloïds anglais est certes pâle mais souriant. Deux semaines se sont écoulées depuis la débâcle française. Les doutes d’une ablation d’un rein sont dissipés. Cependant, il devra observer un repos complet de deux mois.

A son arrivée à la gare de Châteaucreux à 18 h 30, une délégation composée de Pierre Faurand, le président de l’AS Saint-Etienne, M. Fontanilles, le vice-président, Jean Snella, l’entraîneur, René Domingo, le fidèle coéquipier et quelques joueurs, sont présents pour le grand retour de leur gardien dans le Forez. Claude Abbes se rappellera longtemps de sa deuxième sélection.
Thierry Clemenceau
A suivre : Claude Abbes, l’un des « héros de Suède »
La Coupe du monde en bleu et vert
Le Musée des Verts se met à l’heure de la Coupe du monde en proposant une exposition unique dans laquelle des objets d’exception racontent l’épopée des Bleus 98.
La scénographie du Musée des Verts a été conçue autour de 8 salles d’exposition dont une de 135 m2 consacrée aux expositions temporaires. Jusqu’au 10 octobre 2014, l’épopée de l’équipe de France championne du monde est au cœur d’une magnifique exposition temporaire consacrée à la Coupe du monde et à l’histoire qu’ont écrite des Verts d’hier et d’aujourd’hui dans cette compétition.
Du fameux carnet noir d’Aimé Jacquet aux manches coupées des maillots de Fabien Barthez en passant par des documents jusque-là confidentiels et des photos inédites prises par Jean Bibard et Stéphane Meunier dans l’intimité des vestiaires ou de Clairefontaine, l’exposition réunit de très nombreux objets soigneusement conservés par Philippe Tournon, l’incontournable chef de presse de l’équipe de France.
En plus de la collection de Philippe Tournon, laquelle comprend des maillots, billets, programmes et fanions, le Musée des Verts a rassemblé des pièces appartenant à de grands témoins :
– Henri Emile, entraîneur adjoint d’Aimé Jacquet ;
– Dominique Rocheteau, Coordinateur sportif de l’ASSE et 49 fois international de 1975 à 1986 ;
– Fabrice Grange, entraîneur des gardiens de l’équipe de France de 2006 à 2012 et membre du staff technique des Verts depuis 2012.
C’est également l’occasion de mettre en avant l’ASSE avec Aimé Jacquet, entraîneur de l’équipe championne du monde et ambassadeur à vie du club mais aussi le stade Geoffroy-Guichard, terre de football par excellence qui a abrité des matches de la Coupe du monde 1998.
Le Musée des Verts, inauguré le vendredi 20 décembre 2013, a déjà accueilli plus de 38 000 visiteurs. L’ASSE est le premier club de football français à ouvrir un musée. Impulsée par le Conseil général de la Loire, la création de cet espace exceptionnel de 800 m2 répond à la volonté de l’ASSE de valoriser son histoire, de promouvoir ses valeurs et de satisfaire la passion de tous ses supporters. Elle s’inscrit dans le projet de rénovation du stade Geoffroy-Guichard, porté par Saint-Étienne Métropole. Ce projet exprime une volonté partagée de voir vivre un ensemble muséal unique autour d’un club de football mythique.