Dimanche 26 avril 2015, l’AS Saint-Etienne reçoit Montpellier pour le compte de la 34e journée de Ligue 1. Lors de la saison 1949-50, Les Stéphanois d’Ignace Tax recevaient des Héraultais en quête de maintien en Division 1. Récit.
Le 16 janvier 1950, l’AS Saint-Etienne, en déplacement à Toulouse, s’incline 2 à 0. Dans le même temps, cette 18e journée de Division 1 voit Montpellier venir à bout du leader lillois 4 buts à 3.
L’Equipe, 20 janvier 1950.
Plusieurs blessés chez les Verts
Chez les Stéphanois, la défaite à Toulouse a laissé des traces. Trois joueurs sont revenus blessés de ce déplacement. Koczur Ferry, Karel Michlowski et Jean Dececco sont restés aux soins une partie de la semaine. Si les deux premiers semblent aptes à tenir leur place contre Montpellier, en revanche, pour Dececco, l’affaire semble bien compromise. Cette défection constituerait un coup dur pour l’équipe dirigée par Ignace Tax. Auteur d’une excellente prestation en Haute-Garonne, le défenseur central stéphanois est un rouage essentiel dans le onze stéphanois comme le souligne son coéquipier et international Guy Huguet : « Jean est intraitable sur les balles hautes et sa puissance dans la lutte d’homme à homme est vraiment précieuse. »
Guy Huguet, l’international stéphanois, ne tarit pas d’éloges à l’égard de Jean Dececco.
En cas de forfait, Antoine Cuissard se verrait confier le poste de défenseur central alors que René Domingo glisserait à celui de milieu droit. Quant à Paul Boyer, encore amateur, il disputerait son cinquième match avec l’équipe professionnelle depuis le 25 janvier 1948 et ses grands débuts avec l’ASSE à Sète (2-4).
Avec le probable forfait de Jean Dececco, Antoine Cuissard occupera le poste de défenseur central contre Montpellier.
Enfin, Romuald Castellani, en méforme depuis plusieurs semaines, effectue sa rentrée en lieu et place de Vialleron. L’entraîneur stéphanois compte sur son attaquant pour redonner de la puissance à sa ligne offensive en mal d’inspiration lors des dernières journées de Championnat.
L’Equipe, 17 janvier 1950.
Montpellier, fort de son dernier succès sur le leader lillois, se déplace à Saint-Etienne avec un moral d’acier. Pierre Dosséna, victime d’un claquage contre les Nordistes, est forfait. Georges Winckelmans l’entraîneur du SOM, peut, en revanche, compter sur la rentrée de Demaret en attaque.
L’Equipe, 21 janvier 1950.
Dececco forfait
Ce dimanche 22 janvier, 4 544 spectateurs se sont donnés rendez-vous au stade Geoffroy-Guichard. Comme pressenti, Dececco, après un dernier essai le samedi matin en présence du médecin de l’ASSE, a dû renoncer à cette rencontre.
L’Equipe, 23 janvier 1950.
« Ah ! Si nous avions aligné Catellani »
A leur retour aux vestiaires, les vingt-deux acteurs sont frigorifiés. « Le froid nous a paralysés, lance Sboralski. Mais l’équipe de Saint-Etienne est en forme. » Dans le vestiaire de St-Etienne, M. Chevenat, membre du comité directeur, regrette : « Ah ! Si nous avions aligné Catellani au lieu de Vialleron à Paris et devant Lille... »
Pour Montpellier, cette défaite au stade Geoffroy-Guichard est une cruelle désillusion. Dominé d’un bout à l’autre de la rencontre, le score aurait pu être encore plus lourd sans un nouveau raté d’Antoine Cuissard sur penalty.
FranceFootball, 24 janvier 1950.
Thierry CLEMENCEAU
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L’anecdote : « Banco ! »
La scène se passe le 9 avril 1988. Louis Nicollin, le président de Montpellier, se demande bien comment il va annoncer à son attaquant Roger Milla qu’il ne souhaite pas lui renouveler son contrat. Milla, jamais à court de répartie, lance alors à son président : « Si je marque trois buts contre Saint-Etienne, vous me gardez un an de plus ? » Surpris, « Loulou » lance : « Banco ! »
Sur les coups de 22 h 30, Milla, dans le vestiaire montpelliérain, rappelle sa promesse à son président. La Paillade vient d’écraser les Verts 5-0 avec trois buts de… Milla.
Roger Milla est attendu comme le messie à la pointe de l’attaque des Verts.
Le chiffre : 3 000
Le 16 février 2000, les hommes de Robert Nouzaret reçoivent Montpellier au stade Geoffroy-Guichard. Dans un match aux multiples rebondissements, un fait historique est à souligner. Il se situe à la 38e minute : le petit brésilien Alex Dias inscrit le 3 000e but de l’AS Saint-Etienne en Division 1. L’ASSE, par la même occasion, est le premier club professionnel à atteindre cette barre mythique.
Le tout premier but de l’ASSE en Division 1 a été inscrit par Pasquini le 4 septembre 1938 à Fives. Le 1 000e, c’est René Ferrier qui l’a inscrit à son palmarès. Quant au 2 000e, il est l’œuvre d’Hervé Revelli. Il détient le record absolu du club avec 175 réalisations pour 318 matches joués avec le maillot vert, devant Salif Keita (125 en 149 matches) et Rachid Mekloufi (125 en 274 matches).
Ce dimanche 19 avril 2015, Lyon accueille Saint-Etiennepour le 110e derby. Le 28 octobre 1956, l’AS Saint-Etienne se déplaçait au stade municipal de Gerland en leader. Lyon, alors, 2e, allait-il faire tomber pour la première fois son rival ? Récit.
L’AS Saint-Etienne 1956-57.
Le derby entre Lyon et Saint-Etienne est toujours un match particulier dans une saison. Mais quand le leader du Championnat (Saint-Etienne) se déplace chez son dauphin (Lyon), c’est la suprématie régionale qui se trouve en jeu. Les deux clubs aux deux plus hautes marches de la Division 1, c’est une grande première dans l’histoire des derbys.
Dans le quotidien L’Equipe du 26 octobre 1956, Jean-Philippe Rethacker présente cette rivalité.
L’Equipe, 26 octobre 1956.Rachid Mekloufi est en grande discussion avec Jean Bobet. Ses bonnes prestations avec l’ASSE lui valent une première sélection avec l’équipe de France.L’Equipe, 16 octobre 1956.
Rachid Mekloufi, pour sa première sélection avec les « A », s’est imposé à Colombes devant l’URSS (2-1). Pourtant, l’accumulation de matches joués par ses jeunes joueurs inquiète Pierre Faurand, le président stéphanois.
Saint-Etienne compte de nombreux internationaux, surtout en équipe de France B. La trêve internationale a laissé craindre à Jean Snella que plusieurs de ses joueurs ne reviennent blessés. René Ferrier, Michel et Richard Tylinski et Jean Oleksiak, sélectionnés en « B » sont revenus de Bratislava (1-1) sans la moindre égratignure.
L’Equipe, 18 octobre 1956.
Les Verts invincibles
Après neuf journées de Championnat, Saint-Etienne, leader incontesté avec 15 points, possède cinq points d’avance sur ses trois seconds que sont le Racing, Reims et… Lyon. Cet exploit est unique dans le Championnat de France. En effet, jamais encore un club n’avait réussi à prendre une telle avance en aussi peu de temps. Une telle performance a été approchée à deux reprises. Lors de la saison 1949-50, Lille a possédé jusqu’à quatre points d’avance sur ses poursuivants Bordeaux et Sochaux à l’issue de la septième journée. En 1950-51, Strasbourg a compté jusqu’à cinq points d’avance sur Rennes et Reims mais seulement après onze journées. Malgré leur net avantage, ces deux clubs n’ont pas été champions à l’issue de leur saison. A Saint-Etienne de faire mentir les chiffres.
La seule mauvaise surprise est venue d’un autre international, mais de nationalité hollandaise celui-ci. Kees Rijvers, insuffisamment remis d’une mauvaise grippe, n’a pas participé aux entraînements du début de semaine. Son entraîneur craint un forfait pour le derby, ce qui constituerait un gros handicap pour les Stéphanois.
10 000 supporters stéphanois à Gerland
Avec ou sans Rijvers, ce derby rencontre un succès populaire sans précédent à Lyon. A Saint-Etienne, dans la journée du jeudi, le trésorier de l’ASSE a déjà comptabilisé plus de 1 200 000 francs de ventes de billets. La comptabilité finale s’établira à 2 200 000 francs. Les joueurs stéphanois pourront compter sur le concours de 10 000 supporters dans le stade de Gerland. Un derby n’est jamais un match comme les autres. Les Stéphanois le savent bien. Malgré leur place de leaders, ils ont en mémoire que lors de la précédente saison, les Lyonnais s’étaient imposés à deux reprises (0-1, 1-2). Cela ne s’était encore jamais produit depuis que les deux équipes évoluent en professionnel.
Peyroche ou Goujon se tiennent prêts
Fidèle à ses habitudes, Snella n’a pas ou peu modifié l’équipe qui avait dominé Angers 3 à 0 au stade Geoffroy-Guichard. Au poste d’arrière droit, le jeune Richard Tylinski est maintenu alors que François Wicart migre vers celui d’arrière gauche. En cas de forfait de Rijvers, les jeunes Peyroche ou Goujon se tiennent prêts à parer toute défaillance.
André Lerond, le grand absent
Lucien Lerond, le capitaine lyonnais, est le grand absent de ce derby entre Lyonnais et Stéphanois.
A l’OL, Lucien Troupel compte un absent de taille. Le capitaine André Lerond, bien qu’il ait repris l’entraînement, devra encore patienter quelques jours avant de reprendre la compétition. L’entraîneur lyonnais craint son adversaire du jour mais ne veut pas ajouter de pression supplémentaire : « Pour moi, cette rencontre, malgré l’affluence exceptionnelle que nous allons connaître et le déchaînement certain des passions, ne présente pas de différence avec les autres : la préparation de mes hommes sera donc identique à celle des semaines précédentes, c’est-à-dire entraînement matin et soir jusqu’à samedi, avec un petit match cet après-midi contre les amateurs. » Si Snella était inquiet pour Rijvers, Troupel, de son côté, connaît quelques soucis. L’épidémie de grippe qui a sévi sur la France n’a pas épargné Mouynet. Enfin, pour ne pas laisser trop de liberté à Mekloufi, l’entraîneur lyonnais a confié à son demi Knayer la lourde tâche de marquer à la culotte le jeune et talentueux Stéphanois.
Rijvers s’entraîne en passe-montagne
Jean Snella, inquiet en milieu de semaine, est rassuré avant de prendre la route pour Lyon. Le vendredi, Rijvers, mal en point durant toute la semaine, est réapparu à l’entraînement. « Un seul joueur m’inquiétait : Rijvers. Mais il m’a rassuré aujourd’hui à tel point que je ne prévois même pas de remplaçant pour lui. Il est partant certain. »
Pas totalement remis de sa grippe, l’incomparable petit Hollandais s’est entraîné la tête enveloppée d’un passe-montagne. « J’aurais pu revenir au stade plus tôt mais la pluie et le temps froid m’en ont empêché, car je redoutais une rechute. Je me sens bien mieux qu’à la veille du match contre Angers où j’ai joué en assez mauvais état de santé. Je crois que cette maudite grippe m’a enfin lâché. »
Snella confiant
La fièvre qui entoure ce match au sommet ne perturbe nullement l’entraîneur stéphanois : « Mes joueurs sont calmes et décontractés. Ils savent qu’ils peuvent perdre un match -ils en perdront sans doute plusieurs dans une saison- mais que dimanche soir ils seront toujours leaders. Cette rencontre sera donc pour eux un match comme un autre. Tous sont en belle forme ; ils ont un moral excellent. Il est certain qu’ils feront tout pour ne pas perdre et faire plaisir à leurs supporters qui attendent une victoire. » Il sait mieux que quiconque qu’un derby peut se jouer à quelques détails. « Je crois que nous pouvons gagner ce match, ou tout au moins obtenir un match nul, car nous ne devrions pas connaître notre première défaite à Lyon. Toutefois, c’est un derby, et les impondérables y joueront plus qu’au cours d’un match ordinaire. Ce que je crois certain., c’est que le jeu sera de première qualité, car les deux équipes pratiquent un bon football. »
L’Equipe, 27 octobre 1956
Cinq ans jour pour jour
Ce dimanche 28 octobre, il fait très froid à Lyon. Le ciel gris et la pluie menaçante n’ont pourtant pas refroidi les ardeurs des spectateurs. Une petite déception toutefois : près de 31 000 spectateurs ont répondu présents au lieu des 40 000 annoncés. Si les deux grandes tribunes et les chaises de touche ont trouvé preneurs depuis longtemps, en revanche, les virages sonnent creux. Les 10 000 Stéphanois sont bien là munis de banderoles et drapeaux aux couleurs de leur club.
L’Equipe, 30 octobre 1956.
Cinq ans jour pour jour après le premier derby, la Division 1 française propose un derby qui s’annonce passionnant.
Les deux équipes font leur apparition sur le terrain devant 30 309 spectateurs. Le record d’affluence à Lyon vient de tomber.
Derby des réserves en lever de rideau
Avant d’assister au match phare de la journée, à 13 h 10, les spectateurs du stade de Gerland ont droit à un lever de rideau qui oppose les équipes réserves de Lyon (3e du groupe Sud-Est de CFA) à celle de Saint-Etienne, Champion de France en titre et leader du groupe.
Cette rencontre acharnée, voire passionnée par instants, n’a pas livré de vainqueur. Lyon y a cru pourtant, menant 2 à 1 jusqu’à 89e minute. Mais il était écrit qu’il n’y aurait pas de vainqueur et Fouillen, à la dernière seconde, a égalisé pour les Verts. A la fin de la rencontre, un dirigeant lyonnais s’exclame : « Les dieux du sport sont stéphanois et non pas lyonnais. » Place au grand derby.
C’est sur une pelouse grasse et spongieuse que les vingt-deux acteurs lancent les hostilités. Contrairement à ce qu’avait laissé entendre Snella, en début de match, les Stéphanois se contentent de subir. Dès la 5e minute, Ninel met à contribution Abbes. Quelques minutes plus tard, une frappe lourde de l’ailier gauche Fatton voit le gardien stéphanois détourner le ballon sur son poteau.
Mekloufi à la baguette, Njo-Léa à la conclusion
Gênés par la pression lyonnaise, les Verts se ressaisissent et ripostent timidement par Mekloufi (12e). Au quart d’heure de jeu, Ce même Mekloufi à la baguette sert Njo-Léa qui se défait de Novak et catapulte le ballon sous la barre de Beetschen (0-1, 15e).
Après un quart d’heure de jeu, Eugène Njo-Léa ouvre le score pour les Verts.
Sonnés par le réalisme stéphanois, Knayer, seul devant Abbes (30e) et Antonio (31e) tentent de rétablir l’équilibre mais la domination lyonnaise est toujours aussi stérile.
Peu après la demi-heure de jeu, Wicart concède un corner. De la droite, Fatton le tire en force mais la défense stéphanoise dégage le ballon sur Schultz. Le Lyonnais, d’une frappe sèche, ne laisse aucune chance à Abbes (1-1, 34e).
Schultz, l’attaquant lyonnais, égalise logiquement pour les Lyonnais d’une belle frappe.
Enfin récompensés, les Lyonnais ont même l’occasion de prendre l’avantage par Schultz (41e) mais l’attaquant lyonnais voit son tir renvoyé par la transversale d’Abbes. La pause est sifflée par M. Dusquesne sur le score de 1 à 1.
Les Stéphanois à la peine
A la reprise, Lyon reprend sa domination, les Stéphanois sont acculés en défense, pire, ils ne parviennent plus à dépasser leur milieu de terrain. Fatton et Schultz prennent régulièrement le dessus sur les frères Tylinski alors que Wicart éprouve les plus grandes difficultés devant Daniel. Bien que diminué par une grippe, Domingo redescend souvent prêter main-forte à ses défenseurs. Tour à tour, Cossou (47e, 55e) et Schultz (51e) font passer des frissons au portier stéphanois. Ce forcing effréné n’autorise pourtant pas les joueurs de Lucien Troupel à un excès de confiance. Chaque contre-attaque stéphanoise emmenée par un Rijvers retrouvé, représente un réel danger pour la défense lyonnaise.
A la 56e minute, Rachid Mekloufi, bien lancé par René Domingo, inscrit le second but des Stéphanois.
Mekloufi redonne l’avantage aux Verts
A la 56e minute, Domingo lance en profondeur Mekloufi. Ce dernier laisse Novak sur place et s’infiltre au coeur de la défense adverse. Seul face à Beetschen, il ne laisse pas passer l’aubaine de redonner l’avantage aux siens (2-1, 56e). Le réalisme stéphanois a encore frappé.
Dès lors, Lyon prend tous les risques pour effacer ce qu’ils considèrent comme une injustice. Les défenseurs prêtent main-forte à leurs attaquants et à trop se découvrir, Mouynet, Mignot ou Novak laissent des espaces aux attaquants stéphanois. A la… 69e minute, Lefèvre en profite et au terme d’une percée de 35 mètres, inscrit le 3e but des Verts. Ce coup de poignard met fin aux illusions lyonnaises (1-3, 69e).
Bernard Lefèvre inscrit le troisième but stéphanois. Le succès se dessine pour les Verts.
Libérés, les Stéphanois à l’image d’un Kees Rijvers, aussi brillant en deuxième mi-temps qu’effacé en première, assurent le spectacle. Le Hollandais est en quelque sorte le métronome de l’équipe stéphanoise. Quand Rijvers va, l’équipe de Snella va.
Kees Rijvers, diminué, a alterné le bon et le moins bon au cours de ce derby.
Les spectateurs quittent le stade
Alors que la nuit commence à tomber sur Lyon, les supporters désabusés quittent en silence leur place et regagnent la sortie. En toute fin de match, Mekloufi se permet le luxe d’inscrire un quatrième but invalidé pour un hors-jeu imaginaire. Peu importe, la messe est dite.
Avec cette victoire au stade de Gerland, Goujon et tous les Stéphanois confortent leur place en tête du classement de Division 1.
M. Lequesne siffle la fin d’une partie très favorable aux Stéphanois. M. Faurand le reconnaît volontiers : « Nos avants n’ont pas joué aussi bien que je l’espérais. Ils ont paru nerveux, préoccupés, incapables de construire un football homogène. » A quelques mètres de son président, M. Fontanilles, tout en humilité, reconnaît que « le score à notre avantage est trop flatteur. »
Dans l’hebdomadaire FranceFootball du 30 octobre, Gabriel Hanot passe au crible les 22 acteurs de ce derby.
France Football, 30 octobre 1956.
Kees Rijvers, le meilleur des vingt-deux acteurs sur le terrain et principal artisan de la victoire des siens, était soulagé. « J’étais tellement inquiet de faire un mauvais match que je tremblais sur le terrain en première mi-temps. Mais après le repos, j’étais plus calme. Je voyais mieux le jeu.»
Chez les vaincus, Lucien Troupel résume avec justesse la physionomie de la rencontre : « Saint-Etienne a tiré le maximum d’un minimum d’occasions. Lyon a tiré le minimum d’un maximum d’occasions. »
Une de L’Equipe, 29 octobre 1956.L’Equipe, 30 octobre 1956.
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Le dimanche 30 mars 2014, les Verts s’imposaient 2 à 1 au stade de Gerland.
Ce dimanche 12 avril 2015, l’AS Saint-Etiennereçoit le FC Nantes pour le compte de la 32e journée de Ligue 1. Après leur élimination en demi-finale de la Coupe de France mercredi contre le Paris-SG (1-4), les Verts ont désormais un seul objectif : une qualification pour une place européenne en 2015-16.
Le 9 octobre 1966, le champion de France nantais se déplaçait au stade Geoffroy-Guichard. Snella et Arribas, les co-entraîneurs d’une équipe de France se disputaient la première place de Division 1. Récit.
Football Magazine
Le départ d’Henri Guérin du poste de sélectionneur de l’équipe de France et la démission de Jacques Georges le 3 septembre, avaient contraint la Fédération Française de Football à mettre en place une Commission de l’équipe de Francecomprenant entre autres, MM. Clerfeuille et Rocher, respectivement présidents de Nantes et de Saint-Etienne.
José Arribas (à gauche) et Jean Snella (à droite) au chevet de l’équipe de France. A Budapest, Hervé Revelli connaît sa première sélection avec les Bleus.
Le 5 octobre 1966, la Commission de l’équipe de France, chargée de trouver les meilleurs moyens de la diriger, décide de poursuivre l’aventure avec les hommes en place.
L’Equipe, 6 octobre 1966.
« Il ne nous feront pas de cadeaux »
En marge de la réorganisation de l’équipe de France, Jean Snella et José Arribas ne se quittent plus. A la différence que cette fois-ci, ils sont adversaires. En effet, le 9 octobre au stade Geoffroy-Guichard, Saint-Etienne reçoit le le champion de France en titre : le FC Nantes. Récent vainqueur de Reykjavik (5-2) en seizièmes de finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions, l’actuel leader a bien préparé ce match au sommet. Arribas et ses joueurs savent qu’ils sont attendus. Pour eux, la partie s’annonce difficile comme le reconnaît Francis Magny, l’avant-centre du FC Nantes, auteur d’un doublé contre les Islandais : « Les Stéphanois voudront absolument gagner contre nous, car ils ont été mortifiés dimanche dernier contre Lyon. Ils retrouveront leur public, ce que constituera un atout non négligeable ; de plus, une nouvelle défaite les reléguerait à trois points… Pour toutes ces raisons, il ne nous feront pas de cadeaux. »
L’Equipe, 7 octobre 1966.
« Nous saurons si les ambitions étaient démesurées »
A Saint-Etienne, Snella veut effacer la désillusion du week-end précédent. Au stade de Gerland, les Verts se sont lourdement inclinés 3 à 0. Di Nallo, Rambert et consorts ont mis à mal la défense stéphanoise qui n’avait encaissé jusque-là que cinq buts en huit rencontres. Malgré ce revers, Snella ne souhaite rien remettre en question pour autant : « Je fais confiance à cette équipe pour recevoir Nantes. Par contre, j’ai tenu ce langage à mes joueurs : ce match contre Nantes est un tournant dans notre saison. Il est capital pour nous plus que pour les Nantais. Nous saurons si les ambitions qu’avait fait naître notre beau début de saison étaient démesurées, ou si elles étaient valables. A vous de le démontrer. »
FranceFootball, 4 octobre 1966.
Cette défaite dans le derby ne semble pas avoir affecté les supporters. Durant toute la semaine, un va-et-vient continuel au siège du club a fait penser que l’on s’apprêtait à battre des records d’affluence. Charles Paret, le secrétaire du club, avait même de bonnes raisons de penser que le précédent record, vieux de dix ans avec la venue du Stade de Reims, tomberait. Le 24 février 1957, 23 000 billets avaient alors été vendus avant l’ouverture des guichets.
En ce début octobre, la meilleure affluence pour un match de football au stade Geoffroy-Guichard est toujours détenue par le derby entre l’ASSE et l’OL. Le 16 février 1964, 33 526 spectateurs avaient franchi les barrières du stade.
L’Equipe, 8 octobre 1966.
Clerfeuille est confiant
A Nantes, tous les feux sont au… vert. Qualifiés en Coupe d’Europe, le leader de la Division 1 s’est défait de Valenciennes (3-1) lors de la dernière journée. Le président Clerfeuille aborde ce déplacement sans pression particulière : « Si nous avions été battus et que Saint-Etienne eût triomphé de Lyon, une seconde défaite, dimanche, aurait eu des conséquences catastrophiques : cinq points de retard. »
Football Magazine
Pour ce déplacement, Arribas ne sait pas encore s’il pourra compter sur la présence de Robert Budzinski, touché à une hanche. Son forfait entraînerait naturellement la titularisation de Claude Robin au poste d’arrière central.
La révélation Henri Michel
Le 28 octobre, Henri Michel fêtera ses 19 ans. Et déjà, José Arribas place en lui de grands espoirs. Transfuge d’Aix-en-Provence, il semble être le digne successeur d’un certain Boukhalfa, Nantais de 1962 à 1965. Meilleur junior français aux tournois internationaux en Allemagne en 1965 et en Yougoslavie en mai 1966, ce futur grand joueur peut évoluer à plusieurs postes. Aussi bien à l’aise à l’aile droite qu’à gauche, son poste de prédilection se situe au milieu de terrain. Les Stéphanois sont prévenus.
Le jeune Henri Michel, transfuge d’Aix-en-Provence, se pose en futur titulaire chez les Champions de France 1966.L’Equipe, 8 octobre 1966.
Le discours de Jean Snella
Jean Snella prépare dans le calme ce match au sommet. Pour répondre présent et s’éviter un nouvel écueil, il sait que ses hommes devront être prêts psychologiquement. « Bien sûr qu’il n’y a pas de déshonneur à se faire battre par le Champion de France qui est aussi le leader actuel du Championnat, a-t-il dit à ses joueurs. Mais il y a beaucoup plus de gloire à glaner en obtenant sur lui la victoire. Vous nous avez démontré au cours des huit premiers matches que vous pouviez prétendre à la succession des Nantais au titre de champion. L’occasion vous sera belle de le démontrer. Sinon, il faudra reconnaître que vos adversaires sont les plus forts et travailler encore pour parvenir à les égaler. »
Jean Snella, l’entraîneur de Saint-Etienne, en grande discussion avec Pierre Bernard, son gardien de but.
Snella et Revelli honorés
L’entraîneur des Verts reste persuadé que ses joueurs peuvent réaliser l’exploit. Comme il sait que l’attente est grande à Saint-Etienne. Si les onze titulaires contre Lyon devraient être reconduits, en revanche, il ne sait pas encore s’il pourra compter sur Hervé Revelli. Touché dans le derby, le meilleur buteur du club (8 buts) boitait bas à la fin du match. Le souci pour Snella, c’est que dès la fin de la rencontre, son joueur avait dû abandonner ses coéquipiers pour rejoindre le Bataillon de Joinville où il est incorporé. Son absence serait préjudiciable à son équipe bien sûr, mais également aux organisateurs de la remise de l’Oscar Byrhh.
L’Equipe, 10 octobre 1966.
Budzinski renonce
Robert Herbin, en délicatesse avec un genou récalcitrant, devrait bien tenir sa place, ce qui ne sera pas le cas de Robert Budzinski. souffrant d’une entorse à la hanche et déjà absent contre Reykjavik. Budzinski n’est pas le seul pensionnaire de l’infirmerie nantaise. A Saint-Etienne, Arribas devra composer sans son gardien titulaire Eon mais également sans Gondet et Prou, tous les deux opérés d’un genou et absents depuis de longues semaines. Enfin, Magny (problèmes d’adducteurs) semble apte pour le service.
Ce Saint-Etienne-Nantes sera, à coup sûr, l’évènement sportif le plus commenté du week-end. Tous les quotidiens nationaux ont dépêché un envoyé spécial qui prendra place dans la tribune suspendue au-dessus de celle des officiels. Aux diverses radios également présentes, Thierry Roland sera aux commentaires pour la télévision.
Musée des Verts.
Au point de vue arithmétique, Nantes ne compte qu’une seule défaite et n’a inscrit que quatre buts à l’extérieur. Malgré cela, il possède une différence de buts de + 8. Saint-Etienne, son second, a inscrit 13 buts (dont 7 à domicile). Avec 13 buts marqués en 9 matches, les attaquants stéphanois n’est qu’en 6e position au classement de la meilleure attaque loin derrière Lens (22 buts).
Le duel entre les deux entraîneurs de l’équipe de France, la dizaine d’internationaux que comptent les deux formations peut donc commencer.
Ce dimanche 9 octobre, la foule des grands jours se presse au stade Geoffroy-Guichard pour voir tomber le leader nantais.
Grosse affluence à Geoffroy-Guichard
Ce dimanche 9 octobre, les 28 175 spectateurs présents au stade Geoffroy-Guichard ne vont pas regretter de s’être déplacés. Hervé Revelli, bien que grippé, est également présent.
France Football, 4 octobre 1966.
D’entrée, les Stéphanois emballent la partie. Entre la 1ère et la 25e minute, tour à tour, Revelli, Mekloufi sur coup franc, Bosquier, N’Doumbé et Fefeu mettent à mal André Castel, l’étonnant gardien nantais. Ces derniers littéralement étouffés par le rythme frénétique des Stéphanois, s’en sortent tant bien que mal.
Les quelques 30 000 spectateurs présents au stade Geoffroy-Guichard sont conquis par la domination stéphanoise durant les trente premières minutes.
A la 20e minute, Herbin entend son genou droit craquer. Il glisse alors à l’aile droite et se contente d’un rôle de figurant. Invectivé par deux spectateurs assis sur des chaises au bord du terrain, Jean Snella se lève de son banc et s’explique sèchement avec les personnes concernées.
France Football, 11 octobre 1966.L’Equipe, 11 octobre 1966.
Deux minutes plus tard, l’excellent ailier « de métier » André Fefeu ouvre la marque pour les Verts. Il profite d’une incroyable mésentente entre le défenseur nantais Grabowski et Castel pour ouvrir le score (1-0, 22e).
André Fefeu, félicité par Hervé Revelli, a profité d’une grosse domination stéphanoise pour ouvrir le score pour les siens (22e).
Saint-Etienne domine, Nantes mène au score
Les Nantais, piqués au vif, se reprennent quelque peu. A la 27e minute, Simon envoie un missile dans les buts de Bernard et crée la panique dans la surface de réparation stéphanoise. Après un énorme cafouillage, le gardien international des Verts est tout heureux de voir le ballon s’éloigner de ses cages. Trois minutes seulement après cet énorme raté nantais, De Michèle tire un coup franc qui provoque un nouveau cafouillage devant le but de Bernard. Cette fois, Magny ne laisse pas passer l’aubaine pour égaliser (1-1, 30e).
Francis Magny, égalise pour le champion de France nantais à la 30e.
Les Stéphanois accusent le coup et les Nantais en profitent pour aggraver la marque par Blanchet (1-2, 36e) dans des conditions similaires. En six minutes, la défense stéphanoise vient de craquer à deux reprises. Sa solidité est mise à rude épreuve.
L’Equipe, 10 octobre 1966.
Le coup de pouce de M. Carette
Après le repos, les vingt-deux acteurs tentent d’imprégner le même rythme mais accusent nettement le coup après la débauche d’énergie dépensée en première mi-temps. A la 60e minute, Mekloufi, le maître à jouer à des Verts, tente une reprise de volée qui touche involontairement la main de Grabowski. M. Carette, l’arbitre de la rencontre, désigne immédiatement le point de penalty. La sanction est contestée par les Canaris qui estiment que c’est le ballon qui a été à la main de l’infortuné Grabowski et non l’inverse. Bosquier ne se pose pas la question et remet les deux équipes à égalité (2-2, 60e).
A la 60e minute, Bosquier égalise pour Saint-Etienne et relance ce match au sommet.
Jacquet réussit le geste parfait
Ce coup du sort redonne un moral d’acier aux joueurs de Snella. La dernière demi-heure va ponctuer une rencontre magnifique. Ragaillardis, les Verts se lancent à l’assaut des buts de l’excellent Castel. A l’entame du dernier quart d’heure, Aimé Jacquet reçoit un centre millimétré de N’Doumbé. Le jeune Stéphanois, d’une reprise de volée parfaite, redonne l’avantage aux siens et fait lever comme un seul homme les 30 000 spectateurs présents (3-2, 75e). Le buteur est ovationné pendant de longues minutes.
Aimé Jacquet, d’une magistrale reprise de volée à la 75e minute, redonne l’avantage aux Stéphanois.
Kovacevic à la conclusion
On s’achemine vers la fin du match. Saint-Etienne tient son exploit mais Nantes ne veut pas en rester là. Tour à tour, Grabowski, Le Chenadec et De Michèle prêtent main-forte à leurs attaquants. Sur l’une de leurs dernières contre-attaques, un long centre de Michel trouve Kovacevic, assez effacé jusque-là et pas encore adapté au football français. L’attaquant nantais, en position idéale, trompe Bernard de la tête et arrache le match nul somme toute mérité (3-3, 86e).
Football Magazine
Quand M. Carette siffle la fin de cette rencontre, Stéphanois et Nantais ont la satisfaction du devoir accompli. A Saint-Etienne, les vingt-deux acteurs ont démontré, s’il en était besoin, que le football français avait encore de beaux jours devant lui.
L’Equipe, 10 octobre 1966.
A Saint-Etienne, le FC Nantes a franchi le premier quart du Championnat. A huit jours près (le 17 octobre 1965), les futurs champions de France avaient bouclé leur premier cycle de dix matches. Ils comptaient alors 18 points sur 20 possibles (8 victoires et 2 nuls). A la différence de la saison précédente, Nantes n’est pas seul en tête du classement puisque Lens le devance seulement au goal average. Le club du président Clerfeuille compte 14 points.
Saint-Etienne suit à un point (13) et reste à l’affût des deux leaders. A pareille époque, les Verts comptaient également 13 points mais n’occupaient que la 6e place. En revanche, ils avaient inscrits 25 buts contre 16 aujourd’hui. L’absence de Robert Herbin se fait durement sentir du côté de Geoffroy-Guichard.
Il est 20 heures ce samedi 15 mai. Le Parc des Princes accueille la 65e finale de la Coupe de France. L’enceinte de la Porte de Saint-Cloud est remplie à ras bord. La demande de billets a été telle qu’un stade de 100 000 places aurait fait le plein.
Dans la tribune officielle, pas une personnalité ne manque à l’appel. François Mitterrand, le président de la République, a pris place au côté de Jacques Chirac, le maire de Paris.
François Mitterrand, le président de la République, est entouré dans la tribune d’honneur du Parc des Princes de de Jacques Chirac, le maire de Paris, Edwige Avice, la ministre de la Jeunesse et des Sports, Francis Borelli, le président du Paris-SG, Fernand Sastre, le président de FFF et Roger Rocher, président de Saint-Etienne.
Comme de coutume, les deux équipes sont présentées au président français. M. Rocher laisse Robert Herbin à l’écart et conduit directement le chef de l’Etat vers Christian Lopez, le capitaine stéphanois. Volontaire ou non, entre le président de l’ASSE et son entraîneur, le malaise est palpable.
Cette finale, probablement l’une des plus folles et des plus haletantes de son histoire, ni Saint-Etienne ni Paris ne méritait probablement de la perdre. L’ancienne cérémonie de la pièce de monnaie pour départager les deux équipes en cas d’égalité au terme des cent-vingt minutes n’étant plus de mise, les 48 000 témoins présents au Parc ne sont pas prêts d’oublier cette soirée où la victoire se refusa tour à tour à chacune des deux équipes.
« Personne ne voulait tirer le penalty »
Christian Lopez, le capitaine stéphanois, en échouant devant Dominique Baratelli lors de la séance des tirs au but, a vu son rêve de remporter une quatrième Coupe de France s’envoler. Sur le coup des 23 h 10, le rêve s’est transformé en cauchemar. « Personne ne voulait tirer le penalty. Il fallait bien que quelqu’un se dévoue. C’était mon rôle en tant que capitaine. C’est rageant de perdre une finale de cette façon. Dans un tel match, personne ne méritait de sortir vaincu. »
Christian Lopez ne souhaitait pas que Saint-Etienne joue sa finale aux tirs au but. Il échoue devant Dominique Baratelli…
Dominique Bathenay, le capitaine parisien, soulève pour la première de l’histoire du club parisien, la Coupe de France.
Douze ans après sa création, trente-trois ans après le Racing, le club du président Borelli s’offre un premier trophée. Un an après son élection, François Mitterrand remet la Coupe à Dominique Bathenay, toujours invaincu en finale d’une Coupe de France.
Mitterrand et les Verts
Et si Mitterrand portait la poisse aux Stéphanois ? Le chef de l’Etat apprécie Saint-Etienne, ce n’est pas un scoop. En revanche, les hommes d’Herbin doivent se dire que Mitterrand leur porte la poisse. Après la défaite face à Bastia lors de la finale 1981, ils s’inclinent à nouveau, soit autant de finales présidées par le nouveau chef de l’Etat. « Que le président de la République assiste à l’évènement fait partie des bonnes traditions. Il y a tant de cérémonies officielles qui sont moins plaisantes et auxquelles pourtant je suis obligé d’assister, précise Mitterrand. Le football est mon sport préféré, il n’y a donc aucune raison que je m’en prive. »
Saint-Etienne, après avoir abandonné le titre de Champion de France à Monaco, vient de perdre sa deuxième finale de Coupe de France en deux ans. « Deuxièmes en Championnat, deuxièmes en Coupe, voilà maintenant que nous jouons les Poulidor… » déclare Roger Rocher, un brin désabusé.
Salut l’artiste !
Sous les yeux de son père Aldo, venu de Nancy pour la circonstance, Michel Platini disputait son dernier match en Vert au Parc des Princes. Pour sa « der » avec un maillot de club français sur les épaules, il aura encore marqué de son empreinte cette finale. Confiné dans un rôle d’attaquant de pointe, il est l’auteur des deux buts stéphanois. Deux buts pour la gloire, ses deux derniers en Vert. Jean-Claude Lemoult, au marquage du Stéphanois, se rappellera lui aussi de cette finale : « Il est intenable, il bouge toujours au moment où il faut. Et il démarre vite. On parle toujours d’Onnis, mais avec Michel Platini, c’est pire encore. Il a failli gâcher ma soirée. J’aurai aimé jouer avec lui… » Pour Herbin : « Cette année, Michel a vraiment pris une nouvelle dimension. Celle qu’on lui promettait au plus haut niveau. »
Au coup de sifflet final, le meilleur joueur français ne cache pas sa déception : « Je suis déçu, c’est sûr, mais je ne vais tout de même pas me taper la tête contre les murs. Je mets désormais le cap sur de nouvelles aventures à commencer par le Mundial. Avant de découvrir le Calcio avec la Juventus de Turin. » A Saint-Etienne, il laisse déjà un grand vide. Salut l’artiste !
Moins festive que la soirée du PSG qui avait commencé dans un restaurant parisien avant de se terminer tard dans la nuit dans une boîte des Champs-Elysées, celle des Stéphanois est beaucoup plus calme au pavillon d’Armenonville.
Luis Fernandez et tous les joueurs du PSG ont fêté leur victoire en Coupe de France jusqu’au bout de la nuit.
Revenu à Saint-Etienne dès le dimanche en fin de matinée, le club du président Rocher s’apprête à vivre des heures difficiles. Dès le lundi soir, un autre match se dispute au stade Geoffroy-Guichard. A l’issue d’un conseil d’administration, Roger Rocher, président depuis vingt et un ans, démissionne. Une page se tourne.
Ce mercredi 8 avril 2015, le Paris-Saint-Germain reçoit l’AS Saint-Etienne au Parc des Princes. Le vainqueur de cette confrontation se qualifiera pour la finale de la Coupe de France. En 1982, les Verts, déjà vainqueurs à six reprises (1962, 1968, 1970, 1974, 1975 et 1977) affrontaient le PSG pour qui, cette finale constituait une première. Récit.
8 juin 1974. le Paris-Saint-Germain FC n’a pas encore un an d’existence. Platini n’a pas encore 19 ans. Saint-Etienne s’adjuge sa quatrième finale de Coupe de France. Lopez, Janvion et Bathenay gagnent leur première finale.
Il faut remonter à 1950 pour voir un club parisien remporter une finale de Coupe de France, en l’occurrence le Racing. Trente-deux ans de disette. C’est long.
L’Equipe, 14 mai 1982.
Le 14 mai 1950, le Stade de Reims s’impose 2 à 0 contre le Racing en finale de la Coupe de France. Avant le match, le président Vincent Auriol salue les joueurs parisiens.
Pour se hisser jusqu’en finale, Saint-Etienne s’est défait de Bastia 2 à 0… au Parc des Princes et se qualifie pour la seconde fois consécutive pour la finale de la Coupe de France. « Notre victoire ne se conteste pas, lance Robert Herbin. Nous avons fourni la meilleure réponse possible à ceux qui jetaient la suspicion sur notre succès éclatant devant Metz (9-2, 38e journée de D1). Nous étions mieux préparés cette année que l’an passé pour affronter les Corses. Nous avons su joindre le panache à la détermination. »
Dans le même temps, à Rennes, le Paris-Saint-Germain a décroché son billet pour la finale en venant à bout de Tours (0-0, 2 penalties à 1).
Footing au Bessat pour les Stéphanois
Le vendredi 14 mai, la bonne cinquantaine de supporters stéphanois venue au stade Geoffroy-Guichard à la recherche du moindre scoop en est pour ses frais. Après la défaite en finale contre ces mêmes Bastiais un an plus tôt (1-2), Herbin veut préparer dans la plus grande sérénité cette nouvelle finale et cela loin, bien loin même des querelles internes qui déstabilisent et empoisonnent la vie du club. Pour cela, il a emmené ses troupes au Bessat, situé à une quinzaine de kilomètres de Saint-Etienne. Au menu : un footing de dix kilomètres. Il considère que l’oxygénation en forêt à 1 200 m d’altitude a toujours été bénéfique pour ses joueurs.
Larios : non à Tottenham
De tous ceux qui ont participé à la victoire contre Tours, seuls Larios et Paganelli manquent à l’appel. Les deux joueurs sont restés aux soins avec Gérard Forissier, le kiné du club. Leur participation n’est pas remise en cause pour la finale. Larios, pour sa deuxième finale consécutive, devrait porter le numéro 9 comme à chaque fois que Saint-Etienne joue avec la numérotation classique (1 à 11). Mais le numéro de son maillot est bien secondaire pour le colosse stéphanois. Annoncé sur le départ depuis plusieurs semaines, il est en contacts avancés avec le club anglais de Tottenham. Pourtant, le vendredi matin, il annonce à Herbin qu’il mettait un terme à ces négociations. Il a décidé d’aller au bout de son contrat qui court jusqu’en 1984.
Jean-François Larios a rompu les négociations avec Tottenham et peut se concentrer sur la finale contre le Paris-SG.
Millot, le 14e homme
Par précaution, Robert Herbin a prévu d’emmener quatorze joueurs parmi lesquels Philippe Millot, même si ce dernier a peu de chances de jouer. « Les treize mêmes que mardi, sans aucune permutation entre les titulaires et les remplaçants. Simplement, Millot fera le voyage avec nous. »
Battiston prudent
Patrick Battiston, le futur libero de l’ASSE, arrivé à l’intersaison 1980, ne boude pas le plaisir de disputer sa première finale. Pour lui, l’aventure stéphanoise se déroule de la meilleure des façons : Champion de France en 1981, dauphin de Monaco en 1982, il s’apprête à disputer sa seconde finale en deux ans. Contre le PSG, il ne s’attend pas à une partie de plaisir : « Cette saison, les deux rencontres se sont soldées par un 0 à 0. L’an dernier, nous avions également fait match nul au Parc, mais les Parisiens nous avaient battus à Geoffroy-Guichard. Cela promet d’être difficile pour nous. »
Patrick Battiston devance Roger Milla en finale de la Coupe de la France perdue par les Verts face à Bastia (1-2) un an plus tôt.
Le défenseur central stéphanois connaît une période faste et souhaite le démontrer à la France entière à quelques semaines du Mondial espagnol. « L’an dernier déjà, à pareille époque, j’étais bien dans ma peau. Et puis, les vacances sont venues et je reconnais avoir eu du mal à redémarrer la saison. Probablement parce que, ayant joué environ soixante-dix matches en 1980-81, j’ai alors accusé le coup. » Comme cela avait déjà été le cas avant la demi-finale contre Bastia, les Stéphanois se sont rassemblés le vendredi soir au Novotel d’Andrézieux-Bouthéon où ils ont l’habitude de séjourner avant chaque grand rendez-vous.
« Gagner la Coupe de France sans jouer »
Si chaque joueur souhaite décrocher ce trophée, cette Coupe de France n’a pas la même saveur pour tout le monde. Pour Benny Nielsen, souvent blessé : « Gagner la Coupe de France sans jouer serait une grande joie pour moi. » Soit ! Christian Lopez, le capitaine sur le départ, rêve lui aussi de soulever la Coupe de France avant de voguer vers d’autres cieux : « Bien que j’aie déjà gagné trois fois la Coupe, je serais heureux si ce soir, je pouvais en ajouter une quatrième à mon palmarès. Quatre sur cinq, ce serait une belle moyenne. » Enfin, Raoul Noguès espère tout simplement être de la fête : « J’ai gagné la Coupe en 1976 avec Marseille, je serais tellement content de la gagner six ans plus tard avec Saint-Etienne. »
Cette finale sera l’occasion de voir pour la dernière fois Michel Platini sous le maillot vert. Après trois ans de bons et loyaux services, le célèbre numéro 10 ne souhaite pas quitter la France et Saint-Etienne sans donner un ultime récital… et remporter sa deuxième Coupe de France après celle conquise avec Nancy contre Nice (1-0) en 1978.
Le 7 mai 1982, contre Metz (9-2) Michel Platini fait ses grands adieux au public stéphanois. Avant de s’envoler pour la Juventus de Turin, il aimerait bien remporter la Coupe de France avec Saint-Etienne où il vient de passer trois saisons.
Platini : « Réussir ma sortie »
« Oui, je vide ce placard que j’ai dans ce vestiaire depuis trois saisons. Oui, cela me fait un peu de peine. Oui, nous n’avons jamais pu battre l’équipe du Paris-Saint-Germain au Parc des Princes depuis que je suis à Saint-Etienne : 2-2 en 1979-80, 1-1 en 1980-81 et 0-0 cette saison. J’espère que nous y parviendrons cette fois, je serais tellement heureux de quitter mon club sur une victoire en finale de la Coupe de France, je vais faire pour le mieux. Je crois que je suis en bonne forme. »
Sanguedolce et Pierre Guichard voyagent avec Rocher
Contrairement à la demi-finale contre Bastia quelques jours plus tôt où il avait emprunté la voie des rails en compagnie de quatre de ses amis du comité de direction, Roger Rocher effectue le voyage à Paris avec une délégation allant de Joseph Sanguedolce, maire de Saint-Etienne, aux épouses des joueurs. Tout ce beau monde est logé au Sofitel-Sèvres. Autre invité de marque et non des moindres : Pierre Guichard, le fondateur de l’ASSE. A 74 ans, le président d’honneur du club ne voudrait pour rien au monde rater cette finale : « Bien sûr que j’irai assister à la finale. Je n’en ai pas manqué une seule depuis que je suis président. »
L’Equipe,14 mai 1982.
Engouement sans précédent à Paris
A Paris, cette finale provoque un engouement sans précédent. L’effervescence est telle que le camp des Loges, centre d’entraînement du PSG, connaît une affluence record. A quelques kilomètres, le siège du club a dû fermer pour raisons de sécurité. Les forces de l’ordre ont dû protéger les lieux devant le mécontentement grandissant des supporters en mal des précieux sésames. A titre indicatif, le seul Mustapha Dahleb a reçu plus de 300 demandes de billets…
Georges Peyroche, l’entraîneur parisien, connaît bien la Coupe de France pour avoir disputé et perdu la finale contre Monaco (2-4) le 15 mai 1960 avec son club formateur… l’AS Saint-Etienne. Quatre ans plus tard, il avait bien failli atteindre l’ultime étape mais avait échoué face à Sedan (4-3 a.p.) au stade des demi-finales.
Mise au vert à Montsoult pour le PSG
Pour préparer ce grand rendez-vous, l’entraîneur parisien a décrété une mise au vert dès le jeudi 14 heures. C’est au château de Maffliers situé sur la commune de Montsoult que les joueurs parisiens sont réunis. Quatre jours après la demi-finale remportée contre Tours, Peyroche se veut insistant sur la récupération. « Au bout d’une longue saison et à la suite d’un match comme celui de Rennes, dit-il, il n’est pas nécessaire de secouer les organismes. Les entraînements se feront donc en toute décontraction jusqu’à vendredi soir et nous entrerons alors dans la période de concentration proprement dite. »
Le vendredi, à 9 heures 30, il leur a concocté un footing en forêt suivi d’un « tennis-ballon » sur un terrain de fortune. Entre deux interviews et de nombreuses séances photos, Dominique Baratelli, toujours d’humeur égale, lâche : « On gagne 1-0 et je marque à la 89e minute. »
L’ancien champion de France stéphanois en 1957 ne veut pas insister outre mesure sur l’adversaire stéphanois : « Chacun connaît Saint-Etienne, ses trucs, ses qualités et ses défauts, et agira en conséquence. Paris est en finale et il n’y a, bien sûr, pas lieu de motiver les joueurs à l’approche d’un tel évènement. Ils répondront présent. »
Lemoult au marquage de Platini
Jean-Claude Lemoult connaît sa tâche principale : empêcher Michel Platini de faire son numéro. « Platini ne m’impressionne pas, dit-il. Je sais comme tout le monde qui est Michel Platini, ce qu’il est capable de faire et même de ne pas faire pour le bien des Verts. Mais je sais également qu’à chaque fois que nos routes se sont rencontrées, je m’en suis toujours bien tiré. »
Jean-Claude Lemoult, le milieu défensif parisien, aura la lourde tâche de faire déjouer Michel Platini, le numéro dix stéphanois.
Hormis Morin, Peyroche n’a aucun blessé à déplorer. Dahleb (douleurs au dos) et Surjak (béquille à la hanche) sont aptes. Sauf imprévu de dernière minute, les vainqueurs de Tours en demi-finale seront reconduits. La seule incertitude concerne le rôle de Luis Fernandez qui sera défini selon l’option tactique mise en place par l’entraîneur parisien.
Surjak, Dahleb, Toko et Boubacar sont prêts pour l’exploit.
Enfin, sur leur route, les hommes d’Herbin vont rencontrer deux joueurs qu’ils connaissent bien : les deux Dominique : Rocheteau et Bathenay. Ce dernier, devenu capitaine des « Bleu et Rouge », n’a jamais perdu une finale de Coupe de France… et le PSG, en huit confrontations avec les Verts en Division 1 au Parc des Princes, ne s’est jamais incliné face au Verts.
L’Equipe, 15 mai 1982.
La Une de L’Equipe du 15 mai 1982.
Une première depuis 1918
La seule certitude de cette finale, c’est qu’elle connaîtra son vainqueur samedi soir. Si au terme des prolongations, les deux équipes sont à égalité, elles seront départagées par une séance de tirs au but. Pour la première fois depuis 1918, il a été décidé que si les deux finalistes ne parvenaient pas à se départager au bout des 90 voire des 120 minutes, le vainqueur serait désigné à l’issue d’une séance des tirs au but. La proximité du Mondial espagnol ne permet pas de faire rejouer la finale. Ce point de règlement ne semble pas réjouir outre mesure Dominique Baratelli, le gardien parisien: « Une telle annonce, si près du match, ce n’est pas sérieux. »
L’Equipe, 15 mai 1982.
Cette finale de Coupe de France 1982 se disputera à guichets fermés. Saint-Etienne est en route pour un septième succès en neuf participations face à un Paris-Saint-Germain qui rêve de soulever son premier trophée.
Ce vendredi 3 avril 2015, l’AS Monaco reçoit l’AS Saint-Etienne pour le compte de la 31e journée de Ligue 1. En 1961, en ouverture de la saison, les Verts se déplaçaient en Principauté avec sa tête un nouvel entraîneur. Récit.
Le 17 avril 1961, Roger Rocher est élu à la présidence de l’AS Saint-Etienne et succède à Pierre Guichard. Une de ses premières missions est de trouver un successeur à François Wicart, entraîneur intérimaire de René Vernier, écarté à l’automne 1960. Le club ne s’est toujours pas remis du départ de Jean Snella, deux ans plus tôt. Face à l’île du Guesclin, lieu de villégiature de Léo Ferré en Bretagne, un homme se repose. Cet homme, c’est Henri Guérin, futur entraîneur de l’équipe de Saint-Etienne. Dans sa maison de vacances, près de Dinard, il soigne des problèmes de vertèbres.
Henri Guérin, l’ancien entraîneur de Rennes, se soigne en Bretagne avant de prendre les commandes de l’ASSE.
Henri Guérin se met d’accord avec l’ASSE
En mai, des contacts sont établis entre Guérin et le club stéphanois. L’homme jouit de la même popularité à Rennes qu’un Jean Snella à Saint-Etienne. En juin, Guérin effectue le voyage jusque dans la Loire pour y rencontrer les dirigeants stéphanois. Il donne son accord verbal et ses premières recommandations pour les semaines à venir. Puis il repart aussitôt dans sa maison de vacances sur son île bretonne pour continuer de s’y soigner.
François Wicart, ancien Champion de France avec l’ASSE en 1957, assure l’intérim au poste d’entraîneur en attendant l’arrivée d’Henri Guérin.
François Wicart assure l’intérim
En attendant l’arrivée du Rennais, François Wicart assure l’intérim pour le stage d’avant-saison à Saint-Anthème sur les monts du Forez. Mais très vite, des dissensions apparaissent au sein du groupe stéphanois. La tournée de dix jours en Autriche fait apparaître les mêmes lacunes que lors de la précédente saison : si l’équipe joue bien, elle manque cruellement de réalisme. Rocher le conçoit volontiers : « Nous avions fait de gros efforts, surtout avec l’acquisition des deux inters Guillas et Rijvers qui nous coûtèrent très cher. Cela devait nous donner du punch en attaque. Hélas ! notre ligne d’avants ne fut jamais aussi peu efficace. Et puis, l’esprit n’y était pas. La tempête souffla sur le club et sur l’équipe. Nous commîmes tous des erreurs alors que nous avions tant de possibilités. »
Roger Rocher estime que le rendement de ses deux inters Kees Rijvers et Roland Guillas n’est pas à la hauteur des efforts financiers consentis par l’ASSE.
Les dirigeants stéphanois ne désespèrent pas de trouver la perle rare au poste d’avant-centre. Le Troyen Keller, un moment approché, s’engage finalement avec Valenciennes moyennant 15 millions de francs.
Richard Tylinski, en concurrence avec Robert Herbin pour le poste d’arrière central, est placé sur la liste des transferts par les dirigeants stéphanois.
Richard Tylinski transférable
Certains mouvements de joueurs sont mal gérés et sèment le trouble au sein du groupe. Robert Herbin, encore sous les drapeaux en Afrique du Nord jusqu’au 20 août, est en concurrence avec Richard Tylinski, pour le poste d’arrière central. Courtisé par le Racing, l’ASSE ne veut pas entendre parler d’un départ.
L’Equipe, 3 juillet 1961.
Tylinski est donc placé sur la liste des départs. Des pourparlers sont engagés entre Strasbourg, le promu, et l’ASSE. Les deux parties se mettent d’accord sur un transfert. Alors que l’affaire semble réglée, le défenseur stéphanois, pour des raisons personnelles, fait volte-face. Les dirigeants ligériens sont embarrassés, à commencer par le président Rocher. « En accord avec Guérin, nous avons décidé d’abord de choisir entre Herbin et Richard Tylinski pour le poste d’arrière central. C’est Richard qui fut placé sur la liste des transferts. Mais il refusa sa mutation à Strasbourg pour des raisons personnelles. Or, ce transfert devait nous permettre d’acquérir le ou les avants de pointe -un ailier droit et un avant-centre- qui nous font défaut. »
A la mi-août, Henri Guérin quitte la Bretagne pour rallier la Loire en voiture. L’aventure stéphanoise va pouvoir commencer pour l’ancien entraîneur rennais.
Bien remis de ses ennuis de santé, Henri Guérin arrive le 15 août à Saint-Etienne. Il signe son contrat et dirige immédiatement ses premiers entraînements. Si l’homme est reconnu pour sa franchise et sa simplicité, il va devoir user rapidement de psychologie pour espérer obtenir les résultats escomptés. Il n’a plus de temps à perdre : le 20 août, les Verts ont rendez-vous au stade Louis-II pour le début du Championnat. De retour de Salzbourg (Autriche) le mardi 14 août où l’ASSE a participé à un tournoi, plusieurs joueurs, et non des moindres, ne sont pas satisfaits de leur situation. René Domingo, que Nantes convoitait moyennant la somme de 10 millions, a refusé de jouer en défense alors que René Ferrier, placé en attaque, préfère celui de demi, poste qu’il occupe avec les Bleus. Ce dernier, tout comme Peyroche et Tylinski, toujours en désaccord avec leurs dirigeants, brandissent la menace de ne pas jouer à Monaco, si leur situation n’est pas réglée. Drôle d’ambiance.
Une du quotidien L’Equipe, 15 août 1961.
« J’ai persuadé Domingo… »
Depuis son arrivée à Saint-Etienne, Henri Guérin a déjà remis de l’ordre dans la maison. La situation des réfractaires, à l’exception de Ginès Liron, toujours en instance de départ, a été réglée. Dès le jeudi matin, il communique à la presse l’équipe qui sera amenée à débuter la rencontre à Monaco. « J’ai persuadé Domingo qu’il pouvait être notre meilleur arrière. Je fais confiance au jeune Polny pour l’autre poste d’arrière latéral. Ferrier retrouvera sa place de demi alors que le militaire Balboa sera ailier gauche et Oleksiak ailier droit. Peyroche et Guillas se partageront à tour de rôle le poste d’avant-centre tandis que l’inter Rijvers aura carte blanche pour organiser derrière eux les attaques. » L’homme montre d’entrée qu’il a l’âme d’un chef. Il n’est pas sans rappeler un certain Jean Snella.
Henri Guérin, le nouvel entraîneur stéphanois, au milieu de ses joueurs.Une de L’Equipe, 19 août 1961.
A Monaco, Lucien Leduc, l’entraîneur des champions de France, connaît ses premiers soucis de « riche » : il lui faut éliminer la bagatelle de cinq joueurs aux avant-postes. De retour le mercredi 15 août d’une tournée d’une dizaine de jours en Suisse, les Monégasques se sont même permis le luxe de revenir en voitures particulières. Dispensés d’entraînement le lendemain, le vendredi, les choses sérieuses ont commencé pour Hidalgo et sa bande.
Lucien Leduc et son équipe de Monaco, championne de France. Il est entouré de Thomas, Roy, Kaelbel, Nowak, Biancheri, Hess et Hidalgo. Photo : L’Equipe.
A l’issue de l’entraînement, Leduc avait déjà quelques certitudes : deux de ses nouvelles recrues, Yvon Douis (ex-Le Havre) et Marcel Artelesa (ex-Troyes) seront alignées d’entrée contre les Verts, respectivement aux postes d’avant-centre et de demi droit. En revanche, les nouveaux Sud-Américains Cobas et Dibot, encore jugés à court de forme, seront laissés au repos. Enfin, l’indécision demeure pour le poste de gardien de but. Yvan Garofalo, le gardien titulaire est menacé par le jeune Jean-Claude Hernandez, excellent au tournoi de New York. Décidément, à Monaco, Leduc va devoir faire face à une abondance de biens.
A Saint-Etienne, Guérin n’a pris l’équipe en mains que depuis quelques jours et pourtant, l’entente semble déjà parfaite. René Domingo pressent déjà « qu’avec Guérin, le moral de l’équipe sera beaucoup plus élevé. » Pour faciliter la tâche de son nouvel entraîneur, le capitaine stéphanois a accepté de jouer arrière alors qu’il tenait depuis plusieurs années le poste de demi droit. Tout un symbole.
L’absence de Raymond Kaelbel
Ce dimanche 20 août, le premier match officiel entre Monaco et Saint-Etienne connaît son préambule dans le couloir des vestiaires du stade Louis-II. A la surprise générale, au coup d’envoi, Raymond Kaelbel ne figure pas sur le terrain. L’international français vient en effet de demander à ses dirigeants de le placer sur la liste des transferts. L’arrière monégasque craint en effet de devoir se contenter d’un rôle de remplaçant, ce dont il ne peut se satisfaire.
Guérin souffre le martyr
A Saint-Etienne, Henri Guérin est bien présent mais il souffre terriblement de son déplacement discal. Malgré ses souffrances, il a tenu à accompagner ses joueurs en Principauté. A son arrivée à Monaco, il a demandé qu’on lui administre deux piqûres pour qu’il puisse accompagner ses joueurs jusqu’au stade Louis-II.
Le 20 août 1961, Henri Guérin, s’il a effectué le déplacement avec sa nouvelle équipe stéphanoise à Monaco, n’en a pas encore fini avec ses douleurs dorsales.
Les Verts débutent bien la rencontre mais ce sont les Monégasques qui se procurent les premières occasions. Sur deux centres de Karmiou Djibrill, Yvon Douis et André Hess (8e et 10e) inquiètent Claude Abbes. Nullement impressionnés, les Stéphanois répliquent par Rijvers (15e), Peyroche (18e) et Balboa (21e) mais le jeune Hernandez veille aux grains.
Georges Peyroche, l’un des réfractaires stéphanois, dispute le premier match de la saison avec l’ASSE avant de la quitter quelques mois plus tard.
Hess à la parade
Peu après la demi-heure de jeu, Douis place une frappe de mule que Abbes repousse difficilement dans les pieds d’André Hess qui ne laisse aucune chance au gardien stéphanois (1-0, 35e). Les occasions se succèdent et Carlier (43e) répond à un tir puissant de Rijvers (41e) des vingt-cinq mètres.
Djibrill, le feu-follet monégasque (ici face à Richard Tylinski) ne laisse aucun répit aux défenseurs stéphanois.
Après la pause, Bordas, le demi stéphanois, touché à la jambe gauche permute avec Oleksiak. Djibrill, sur son aile, en fait voir de toutes les couleurs au jeune Polny. Nowak, monté de ses lignes arrières, s’essaie à son tour et place un tir du gauche de vingt-cinq mètres qui rase les montants d’Abbes.
Protestations stéphanoises
A la 76e minute, Ferrier, de la droite, adresse un centre pour Guillas qui frappe au but. Hernandez surpris, voit le ballon lui passer sous le ventre. Il sauve son camp d’un réflexe désespéré. Les Stéphanois protestent alors auprès de M. Raynard, l’arbitre de la rencontre. Ils estiment à tort ou à raison, que le ballon a bel et bien franchi la ligne.
Ferrier, entouré de Polny et Rijvers, dégage le danger face aux nombreuses attaques monégasques.
A la 81e minute, le néo-Monégasque Artelesa, auteur d’une belle partie devant son nouveau public, se voit refuser logiquement un but pour hors-jeu.
Une ultime tentative de Peyroche (87e) ne change rien au résultat. Monaco remporte son premier match grâce à l’unique but de Hess. Saint-Etienne, malgré sa défaite, a laissé entrevoir de belles possibilités. Le Championnat est bien lancé.