Le 5 juin 1956, à Saint-Etienne, on a mis les petits plats dans les grands. Bien que démissionnaire du Groupement des joueurs professionnels, Paul Nicolas a effectué le déplacement dans la Loire pour inaugurer le nouveau local de l’ASSE situé au 13 rue de la Résistance.
Programme du match ASSE-OM – Musée des Verts.
Devant un parterre composé de personnalités locales telles que M. Fraissinette, maire de la ville, M. Paret, secrétaire du club, mais aussi Roger Rocher et Jean Snella, le président Pierre Faurand prononce une brève allocution. Après avoir remercié M. le Maire, il a promis, à travers son club de football, de faire tout son possible pour promouvoir la ville tant en France qu’à l’étranger. « Après avoir sorti l’ASSE d’un mauvais pas, reconnaît-il, reconstitué l’équipe, formé des jeunes, organisé ce siège et apporté quelques aménagements secondaires au stade Geoffroy-Guichard, notre premier souci est maintenant d’avoir un stade digne de Saint-Etienne. »
A l’issue de cette cérémonie, Paul Nicolas remet à Jean Snella, l’entraîneur stéphanois, la médaille du Groupement.
Ce samedi 2 mai 2015, Saint-Etienne se déplace sur l’île de Beauté pour le compte de la 35e journée de Ligue 1. Contre Bastia, les Verts auront à cœur de conforter leur quatrième place, synonyme de qualification pour l’Europa League. Le 24 novembre 1968, les Stéphanois d’Albert Batteux se déplaçaient pour la première fois de leur histoire à Bastia où évoluaient René Ferrier et Rachid Mekloufi. Récit.
FranceFootball, 26 novembre 1968
Le 12 mai 1968, l’AS Saint-Etienne affronte les Girondins de Bordeaux en finale de la Coupe de France. Si Mekloufi a perdu de son efficacité en attaque, Albert Batteux, l’entraîneur stéphanois, se rappelle d’une finale gagnée par Reims contre le Racing (2-0) à Colombes en 1950, où, lui-même, joueur en fin de carrière à Reims, avait été aligné par son entraîneur non seulement pour « services rendus » mais aussi pour ses qualités indéniables. Le flair de Batteux offre à Mekloufi, qui n’a plus remis les pieds à Colombes depuis un certain France-Belgique en 1956, la possibilité de quitter les Verts avec le trophée manquant à son palmarès. Le natif de Sétif, recommandé à Jean Snella en 1954, éblouit de son talent cette finale en inscrivant les deux buts victorieux de son équipe et réussit le match rêvé pour refermer sa belle page stéphanoise. Saint-Etienne remporte ainsi un nouveau titre de champion de France devant Nice et clôt une saison particulièrement riche.
Dans le même temps, le Championnat de Division 2 livre son verdict : Bastia termine à la première place et accède à l’étage supérieur. Après avoir manqué en 1966-67 l’accession automatique en Division 1, le S.E.C.B. a cette fois atteint son objectif.
La rumeur Mekloufi
Pour faire bonne figure et obtenir des résultats en Division 1, le club corse se met tout de suite en quête de joueurs d’expérience. Et le premier se nomme… Rachid Mekloufi. La rumeur fait son chemin mais le principal intéressé reste évasif sur cette possible destination. Roger Rocher, le président de l’ASSE, ne souhaite pas voir partir Rachid dans un éventuel club concurrent et évoque avec lui la possibilité d’une reconversion au sein du club s’il décidait de mettre un terme à sa carrière professionnelle. Dans son édition du 20 juin 1968, le quotidien L’Equiperelate une conférence de presse du premier dirigeant stéphanois. Ce dernier évoque l’avenir de son joueur.
Le samedi 3 août 1968, c’est la grande rentrée à l’ASSE. Dirigeants, staff et joueurs se retrouvent au stade Geoffroy-Guichard pour un apéritif en guise de premier contact. Pour Mekloufi, de retour de vacances de Tunis, ce rassemblement amical est le dernier. Il prend en effet contact avec Bastia et le Servette de Genève entraîné par un certain Jean Snella. Dans un premier temps, le club suisse a la faveur du président Rocher mais exigerait que le joueur ne lui coûte pas un franc, ce que Rocher refuse naturellement. Le numéro 10 stéphanois repart en vacances en Algérie. Dans son édition du 23 août 1968, L’Equipe annonce le transfert de Mekloufi à Bastia « fait à 99 % ».
René Ferrier comme intermédiaire
Lucien Jasseron et les dirigeants bastiais ne manquent pas d’idées. Ils demandent à René Ferrier, Bastiais depuis 1965 et ex-coéquipier de Rachid lors de l’obtention du premier titre des Verts en 1957, de contacter le milieu de terrain des Verts afin de tenter de le convaincre de s’installer en Corse. Jules Filippi, le directeur sportif du club corse, reprend contact avec le président Rocher et effectue plusieurs allers et retours à Saint-Etienne avec l’espoir de trouver un accord. Le dimanche 25 août, de retour de vacances, Mekloufi s’envole pour la Corse afin d’y parapher un contrat de quatre ans.
Rachid Mekloufi (au centre) est entouré de l’ex-Rémois Jean-Claude Blanchard (à gauche) et l’ancien Niçois Jean-Pierre Serra (à droite).
Mekloufi n’est plus Stéphanois mais son cœur est toujours teinté de Vert. Lors de la rencontre de Coupe d’Europe entre l’ASSE et le Celtic, le 18 septembre, il assiste en spectateur passionné, à la victoire de ses ex-coéquipiers (2-0). Quinze jours plus tard, après l’élimination des Verts au Celtic Park (0-4), il déclare : « L’an passé, après le 1 à 0 devant Benfica, nous pensions avoir compris jusqu’où il fallait parfois aller pour se qualifier. La défaite de Glasgow montre que nous ne savons pas encore jouer à ce terrible jeu-là. » Pas de doute, Rachid a toujours la fibre verte.
Mekloufi : « La tension va monter »
Fin novembre, Bastia s’apprête à recevoir pour la première fois de son histoire l’AS Saint-Etienne. Depuis quelques jours, deux hommes sont impatients d’y être. René Ferrier et Rachid Mekloufi, champions de France en 1957 avec l’ASSE, ont quitté les brumes du Forez pour le soleil de l’île de Beauté. Pour eux, recevoir le club qui les a formés reste un honneur. Face à leurs anciens coéquipiers, ils auront à coeur de briller de mille feux. « C’est la première fois que je jouerai contre mes anciens coéquipiers, dit Mekloufi. Pour l’instant, je n’y pense pas tellement. Je me dis que c’est une rencontre comme une autre, qu’il faudra gagner parce que c’est vital pour notre équipe. Mais dans les prochaines heures, la tension va monter. J’aborderai ce match avec un peu plus de conviction, non pas parce que je suis un ancien Stéphanois, mais parce que cette confrontation pour nous, a des chances de marquer un nouveau point de départ. Il faut bien avouer que ce match sortira de l’ordinaire, ne serait-ce que parce que je me trouverai pour la première fois en face de mes amis stéphanois. A Bastia, on ne parle que de cette rencontre. »
Rachid Mekloufi sous le maillot de Saint-Etienne.
Ferrier : « Un pincement au coeur »
Avant de s’engager avec Bastia à l’été 1965, René Ferrier a tout connu avec Saint-Etienne. « Avant de venir à Bastia, je n’avais pas connu d’autre club que Saint-Etienne, où j’ai passé onze ans. Qu’on le veuille ou non, ce n’est pas sans un pincement au coeur que je me produirai, moi aussi pour la première fois, contre mon ancien club. Je crois que l’on peut s’attendre à une grande partie, puisque nous trouverons en face de nous une équipe qui ne triche pas. »
René Ferrier a joué à l’AS Saint-Etienne de 1954 à 1965. Sous le maillot vert, il a disputé 315 matches officiels.
Carnus retrouve sa place
A Saint-Etienne, Albert Batteux dispose de tout son effectif pour ce déplacement difficile en Corse. Georges Carnus, victime d’une entorse à une cheville, n’a pas disputé les trois derniers matches de son équipe. Néanmoins, il espère être du voyage et succéder à Gérard Migeon dont l’intérim a été particulièrement réussie.
Georges Carnus, après plusieurs semaines d’absence, retrouve sa place pour le premier match entre Bastia et l’ASSE.
Robert Herbin qui ne souffre plus de problèmes musculaires, réintègre le milieu de terrain aux côtés de Jacquet, Camérini et Larqué. Ce dernier, qui récupère le numéro 10, est bien remis de son voyage au Mexique avec l’équipe de France amateurs. Batteux compte sur son jeune joueur pour redonner du punch à un secteur offensif en mal d’inspiration depuis quelques matches.
N’Doumbé et Bereta écartés
Pour le coach stéphanois, l’heure des choix est venue en attaque. Cinq joueurs se disputent trois places : Fefeu, N’Doumbé, Revelli, Keita et Bereta. Si l’abondance de biens ne nuit pas, Batteux n’est pas complètement satisfait de leur rendement, a tranché : N’Doumbé et Bereta, les deux ailiers, cèdent leur place à Fefeu et Keita. « Je dois faire des roulements, explique l’entraîneur stéphanois. Alors, je commence par celui de mes avants qui m’a semblé le plus émoussé. Cela me permet de faire l’essai à l’aile gauche de Keita qui s’y est avéré très à l’aise. »
Georges Bereta ne jouera pas le premier Bastia-Saint-Etienne de l’histoire. Albert Batteux, l’a écarté au profit de Fefeu.
Une attaque en panne d’efficacité
A Bastia, c’est la douche froide. Les espérances d’un recrutement prometteur ont laissé place à la déception. Les Corses n’ont glané que 9 points en autant de journées et occupent une piètre 14e place peu conforme avec les ambitions de leurs dirigeants. Le quartet offensif Serra, Blanchard, Mekloufi et Blezziri n’arrive pas à dynamiter les défenses adverses.
L’Equipe, 23 novembre 1968.
Ce forfait de dernière minute contraint Batteux à modifier son milieu de terrain. Les supporters bastiais seront donc privés d’un duel qui s’annonçait très prometteur. En effet, durant une douzaine d’années, Herbin et Mekloufi ont constitué une doublette exceptionnelle au sein du club stéphanois. Le duel entre les deux hommes était attendu. Herbin absent, Camérini aura la lourde tâche de faire déjouer l’ex-meneur de jeu stéphanois.
Frappé par un deuil familial, Robert Herbin n’a pas pris l’avion avec la délégation stéphanoise.
Comme à l’accoutumée en déplacement, les Stéphanois ont utilisé la voie des airs. Ils ont atterri à Bastia le samedi vers 16 h 30. A leur hôtel, ils ont eu la visite d’un certain… Rachid Mekloufi.
FranceFootball, 24 novembre 1968.Le jeune Claude Papi, joueur pétri de talent, est promis à un grand avenir. – Photo L’Equipe.
Albert Batteux est déçu par ce résultat nul mais reconnaît toutefois : « On a à la fois bien et… mal joué. C’était assez bon dans l’élaboration, mais insuffisant dans la finition, même si nous avons marqué trois buts. » Le Saint-Etienne du premier tiers du Championnat est loin du niveau de celui, plutôt fringant, qui a remporté le doublé Coupe-Championnat six mois plus tôt.
Avant de raccompagner les Stéphanois à l’aéroport, Rachid Mekloufi qui a conservé de nombreuses attaches au sein du club, tente un début d’explication. « Je suis à la fois bien et mal placé pour juger. Cela se comprend. Ce qui m’a frappé chez eux, après le match chez nous, c’est leur absence à peu près complète d’accélérations dans le cours du jeu. L’aspect collectif est toujours aussi fouillé, sérieux, la défense toujours aussi précise dans les renvois, mais ce qui s’élabore à une certaine cadence au centre du terrain se termine à peu près au même rythme devant les buts. Il y a peut-être certains garçons qui accusent leur fatigue à la suite des matches de Championnat, Coupe d’Europe et de l’équipe de France. »
«C’est peut-être moi qui ne convient pas »
Bastia, avec ce nouveau point abandonné sur son terrain, fait du surplace. Mekloufi, la voix posée, tente un début d’explication : « C’est peut-être moi qui ne convient pas exactement au SECB à l’heure actuelle. Je veux dire que je ne suis pas encore très bien adapté au jeu de cette équipe ou réciproquement, ce qui revient au même. J’ai toujours joué, en quelque sorte, dans un triangle, en prenant appui sur l’une ou l’autre des deux têtes de ce triangle. Or, je n’ai pas encore trouvé cette troisième tête. Et cela me dépayse sur le terrain. Il y a des fois où je sens comme un grand vide dans le dos sans même avoir à me retourner. »
L’Equipe, 26 novembre 1968.
«On ne remplaçait pas Mekloufi »
Le 29 juin 1998, en pleine ferveur de la Coupe du monde, Aimé Jacquet, dans le journal L’Equipe, confiait à propos de son ex-coéquipier stéphanois : «Quand Mekloufi a quitté Saint-Etienne, personne ne voulait porter son maillot. Alors, je l’ai pris, j’ai pris ce numéro 10, mais sans songer à faire ce qu’il faisait. On ne remplaçait pas Mekloufi. »
Thierry CLEMENCEAU
Rencontrer Salif Keita (à gauche) et Rachid Mekloufi (à droite), deux légendes stéphanoises des années 50 et 60, quel beau moment. Merci Messieurs.
Ce samedi 14 mars 2015, l’AS Saint-Etienne se déplace à Metz. Après leur victoire contre Lorient (2-0), les hommes de Christophe Galtier iront au stade Saint-Symphorien avec la ferme intention de s’y imposer. Le 11 septembre 1971, les Verts d’Albert Batteux répétaient leurs gammes à Metz avant de recevoir Cologne quatre jours plus tard en Coupe UEFA. C’était aussi l’occasion pour le gardien André Castel de disputer son premier match sous ses nouvelles couleurs. Récit.
Le mercredi 1er septembre 1971, Saint-Etienne s’impose 4 à 0 face à Angoulême lors de la 5e journée de Division 1. Malgré l’ampleur du score, l’équipe d’Albert Batteux y laisse quelques forces vives. Georges Bereta, blessé à une cheville, quitte ses partenaires en boitillant. Dans les dernières minutes du temps réglementaire, c’est le tour de Samardzic de se faire une entorse du genou.
L’Equipe, 8 septembre 1971.
Pour compléter ce tableau, Gérard Migeon, le gardien stéphanois, termine la rencontre avec une belle entorse à la cheville droite. Plâtré dès le lendemain, sa participation contre Cologne en Coupe UEFA semble très compromise.
L’Equipe, 4 septembre 1971.
Salif Keita, l’homme en forme
Après un premier match difficile à domicile contre Nîmes (1-3), les Stéphanois sont en progression constante. Bien que défaits à Nantes (4-3, 2e j.), ils restent sur trois victoires consécutives : contre Reims (9-1), Sochaux (2-0) et Angoulême (4-0). En cinq rencontres, Salif Keita a inscrit 7 buts et partage la première place du classement des buteurs avec le Nîmois Jacky Vergnes.
L’Equipe, 11 septembre 1971.
Metz veut faire trinquer les Verts
A Metz, ce match contre les Verts est attendu comme une réhabilitation. Jacques Favre et ses joueurs n’ont toujours pas digéré la défaite subie contre Nancy (0-1) dans le derby lorrain. Ils espèrent bien faire trinquer les Verts qui n’ont plus connu la défaite depuis le 31 décembre 1961 (6-0). Pour changer le cours de l’histoire, l’entraîneur messin compte sur les retours de Zvunka, Sondergaard et Jeitz. Mais le plus attendu est celui de Nestor Combin. A lui seul, l’ancien Lyonnais est capable de faire basculer une rencontre.
Jacques Favre, l’entraîneur messin, espère beaucoup du retour de Nestor Combin pour dynamiser l’attaque messine.
Après-midi télé pour les Stéphanois
Arrivés le samedi en fin de matinée, la délégation stéphanoise se repose l’après-midi à son hôtel. Au menu : une rencontre du Championnat d’Europe de basket opposant l’équipe de France à la Roumanie suivie de quelques résumés de matches de Bundesliga. Albert Batteux, de son côté, est tout heureux de converser avec une vieille connaissance « rémoise ». Roger Piantoni a fait le court déplacement de Nancy pour venir saluer son ancien partenaire de la grande époque rémoise.
Faute de bus, les Stéphanois arrivent en taxis
Saint-Etienne n’est plus le champion de France en titre mais l’affiche fait toujours recette. Ce samedi 11 septembre, 19 050 spectateurs garnissent les travées du stade Saint-Symphorien.
Il est 20 h 30, les deux équipes pénètrent sur la pelouse. Pourtant, cette rencontre a bien failli débuter avec plusieurs minutes de retard, voire être ajournée. En effet, le car qui devait conduire les joueurs stéphanois de leur hôtel au stade accusait un retard assez conséquent. Les joueurs stéphanois ont dû se résoudre à prendre des taxis. Alors que tous les véhicules étaient arrivés, un seul manque à l’appel : celui qui emmène le docteur Minasso, Keita, Parizon et Castel. Finalement, tout rentre dans l’ordre et Batteux est rassuré.
Il ne fallait pas arriver en retard
Le match débute sur un coup de théâtre. Sur l’engagement, Bereta, libre de tout marquage, s’enfonce dans le camp messin et sert Parizon qui n’a aucune difficulté à tromper Schuth. Après dix secondes de jeu, les Stéphanois mènent déjà 1 à 0 ce qui fait dire à Merchadier : «Les Messins ne touchèrent le ballon que pour le replacer au centre ».
Sous la houlette du duo très complémentaire Larqué-Bereta, et d’un Keita totalement libéré, les Verts imposent leur griffe sur ce match. « Nous nous entendons merveilleusement avec Jean-Michel, explique Bereta. Keita est heureux que je sois « derrière » car j’essaie de lui donner de bons ballons ».
André Castel (assis à côté de Christian Sarramagna) dispute ce 11 septembre 1971, son premier match avec l’AS Saint-Etienne.
Keita sur sa lancée
Metz tente de réagir par Combin et Bauda mais Castel veille aux grains et justifie la confiance placée en lui par les dirigeants stéphanois. Quelques minutes avant la mi-temps, Herbin sert Keita qui inscrit le deuxième but de Saint-Etienne (0-2, 35e). L’international malien conforte ainsi sa place de meilleur buteur de Division 1.
A la reprise, les Messins jouent leur va-tout. Nastouri et Bourgeois par deux fois et Atamaniuk inquiètent Castel. Mais Keita, sur un nouveau caviar d’Herbin, refroidit un peu plus les velléités mosellanes (0-3, 52e).
Les Stéphanois, décidément insatiables, trompent une quatrième fois Schuth par le jeune Patrick Revelli sur un action personnelle de Parizon (0-4, 70e). L’addition aurait pu être encore plus lourde si Keita n’avait pas vu son coup franc renvoyé par la transversale de Schuth.
Salif Keita (ici avec Georges Bereta et Albert Batteux), auteur de deux nouveaux buts, conforte sa place de meilleur buteur de Division 1.
Bereta admiratif
A l’issue de cette soirée, l’international malien s’octroie la première place du classement des buteurs avec neuf réalisations. A 25 ans, il est le véritable leader d’attaque et apporte toute son expérience à ses jeunes coéquipiers que sont Parizon (21 ans), Revelli (20) et Sarramagna (19). Bereta, très admiratif dit de lui : « Il pourrait très certainement jouer au Brésil, il n’y a que lui pour pouvoir faire ce qu’il fait. »
L’Equipe, 13 septembre 1971.
A quatre jours de recevoir Cologne en Coupe UEFA, les Verts ont retrouvé de leur éclat. L’alchimie entre les « anciens » et les jeunes pousses du club s’est opérée. Larqué, Herbin, Bereta et Keita s’affirment comme des leaders techniques. Lucien Jasseron a dit un jour qu’il suffisait dans une équipe de quatre leaders techniques pour que tout le monde suive. Saint-Etienne semble les avoir trouvés.
FranceFootball, 14 septembre 1971.
Thierry CLEMENCEAU
André Castel chez les Verts
« Lorsqu’on est venu me dire à Nantes que M. Garonnaire souhaitait me voir pour me faire signer à Saint-Etienne, j’ai d’abord cru à une mauvaise plaisanterie. » André Castel, le nouveau gardien stéphanois n’en revient toujours pas. « Pensez, il était plus de 23 heures ! J’avais joué un match l’après-midi avec Laval contre Le Mans et j’étais couché. Je ne pouvais croire qu’un club comme Saint-Etienne puisse s’intéresser à moi. Enfin, je me suis levé et j’ai rejoint M. Garonnaire à son hôtel. Là, il m’a effectivement confirmé la nouvelle. J’ai mis un certain temps, je l’avoue, à réaliser. Pour moi, c’était tellement inespéré, inattendu, un rêve. »
André Castel
Une nouvelle ère s’ouvre à Saint-Etienne
A Saint-Etienne, l’intersaison 1970-71 marque le début d’une nouvelle ère. Les expérimentés Carnus, Bosquier, Camérini, Durkovic et Hervé Revelli quittent le club. Pour les remplacer, Roger Rocher, en accord avec Albert Batteux, son entraîneur et Robert Herbin, son capitaine, décide de faire confiance aux jeunes du centre de formation. Sont ainsi promus : Alain Merchadier, Pierre Repellini, Christian Synaeghel, Christian Sarramagna, Jacques Santini et Gérard Migeon.
La nouvelle génération stéphanoise : de d. à g. : Alain Merchadier, Christian Sarramagna, Christian Synaeghel, Gérard Migeon, Patrick Revelli, Jacques Santini et Pierre Repellini.
L’inquiètude du président Rocher
Les rencontres amicales d’avant-saison sont plutôt encourageantes avec notamment deux victoires sur Lyon (6-2) et Newcastle (2-1). Mais la lourde défaite encaissée face à Bratislava (1-5) fait l’effet d’une douche froide. Roger Rocher et Albert Batteux comprennent très vite que leur équipe est trop inexpérimentée. C’est ainsi que le défenseur central grenoblois Daniel Sanlaville est engagé pour seconder Merchadier. Désireux de posséder deux bons gardiens de but, le staff stéphanois recherche également une doublure à Gérard Migeon.
Gérard Migeon, le jeune gardien stéphanois, fait partie de la génération montante.
« Notre préférence va à Castel »
Le junior Ollivain, malgré des qualités évidentes, est jugé encore un peu tendre pour la Division 1. Rocher demande alors à Pierre Garonnaire, le recruteur attitré des Verts, de prendre contact avec plusieurs gardiens. Sur les trois noms que lui présente ce dernier, Rocher jette son dévolu sur André Castel. « Notre préférence va à Castel, actuellement à Laval qui est désireux de venir chez nous. Il nous reste à nous mettre d’accord avec lui. » dit le président stéphanois. Rachid Mekloufi, de passage à Saint-Etienne conforte le président stéphanois dans son choix : « Vous pouvez le prendre. D’abord parce que c’est un excellent gardien. Ensuite parce qu’il a la baraka. » Il se souvient encore d’un Saint-Etienne-Nantes (3-3) au stade Geoffroy-Guichard le 9 octobre 1966. Ce jour-là, Castel avait effectué un grand match malgré ses trois buts encaissés.
André Castel s’impose dans les airs, lors d’un match entre Nantes et les Girondins de Bordeaux.
Alors qu’il a débuté la saison en National avec Laval, Castel fait un voyage éclair à Saint-Etienne. L’entrevue avec les dirigeants stéphanois se passe bien et les deux parties se mettent d’accord sur les modalités du futur contrat. Pourtant, il repart à Laval sans donner son accord. Il ne souhaite pas quitter la Mayenne sans que son club lui ait trouvé un remplaçant. Ce qui sera fait avec la signature de Jacques Rose.
Dans l’ombre de Daniel Eon
Il part l’esprit libéré et paraphe, à 28 ans, un contrat de 2 ans avec l’AS Saint-Etienne. Après une absence de près de deux ans en Division 1, ce gardien audacieux s’apprête à vivre une nouvelle aventure. Son rôle de remplaçant ne le perturbe nullement d’autant qu’il a connu pareille situation à Nantes. De 1964 à 1967, il a vécu dans l’ombre de Daniel Eon, le titulaire du poste. Pourtant, l’occasion de s’affirmer lui sera donnée le 10 octobre 1964 lors d’un Nantes-Nîmes. « C’était mon premier match en Division 1 et je n’étais pas très fier. Un trac sournois me paralysait et Nîmes l’avait emporté 2 à 0. A 70%, j’étais responsable de ces deux buts encaissés et je ne souhaitais qu’une chose : prouver que c’était un accident et que je valais beaucoup mieux. Hélas, l’occasion ne m’en fut pas laissée car le dimanche suivant, Daniel, rétabli, reprenait normalement son poste. Et c’est comme cela que pendant longtemps, j’ai attendu et espéré. »
André Castel, le nouveau gardien stéphanois, a été chaudement recommandé par Rachid Mekloufi au président Roger Rocher.
« Ils m’ont chaudement recommandé à Saint-Etienne »
José Arribas et les dirigeants nantais ne lui font que rarement confiance. Après Eon, c’est au tour de Fouché de le supplanter dans les cages nantaises. « Je ne leur en veux absolument pas, concède volontiers le néo-Stéphanois, d’autant qu’ils m’ont chaudement recommandé à Saint-Etienne. »
Son statut d’ «éternel» remplaçant le pousse à quitter Nantes en novembre 1970 pour signer un contrat amateur à Laval. Il ne restera que six mois en National mais cela le réconciliera avec le football.
Le coup de fil de Pierre Garonnaire constitue pour lui une opportunité de sortir de l’ombre. « On répète souvent qu’un gardien arrive à pleine maturité vers 28 ou 30 ans. Je n’ai plus de temps à perdre. J’ai progressé en confiance, en stabilité. Il me semble que j’ai plus de sûreté et de présence, que je commande mieux ma défense. A Nantes, j’étais trop jeune pour m’imposer. »
« Je me sens Stéphanois à part entière »
Son adaptation à Saint-Etienne se déroule normalement. « Mes nouveaux dirigeants m’ont réservé un accueil chaleureux et ont tout mis en oeuvre pour faciliter mon intégration, concède-t-il. Dès mon arrivée, M. Batteux m’a exposé avec une grande franchise ce qu’il attendait exactement de moi. Je me sens Stéphanois à part entière. J’ai un peu la sensation de débuter ici une seconde carrière.Contrairement à ce que je craignais, le passage du National à la Division 1 s’est effectué sans heurts. »
André Castel profite de la blessure de Gérard Migeon pour s’imposer dans les buts stéphanois. En 1970-71, il dispute 26 rencontres.
Durant cette saison de transition pour les Verts, Migeon se blesse à plusieurs reprises. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Castel profite de l’aubaine et dispute 26 rencontres dont les deux de Coupe d’Europe contre Cologne.
Migeon part, Curkovic arrive
Lors de l’intersaison suivante, Migeon, bien qu’encore lié avec Saint-Etienne pour quatre ans, demande à quitter le club.
Castel a enfin l’opportunité d’être le numéro 1 en Division 1. C’est sans compter sur l’arrivée d’un grand gardien en provenance de Yougoslavie : un certain Ivan Curkovic. Déçu, il accepte malgré tout de repartir pour une saison comme remplaçant. Mais las de cirer le banc de touche, il quitte définitivement Saint-Etienne en janvier 1973.
Gérard Migeon, assis à côté de Salif Keita, quitte l’AS Saint-Etienne pour Toulon à la fin de la saison 1971-72.
Avec Nantes, André Castel avait fait ses grands débuts en professionnel contre Nîmes (0-2). Avec Saint-Etienne, il a disputé son dernier match… à Nîmes le 27 mai 1972. Comme avec Nantes, il connut également la défaite (0-4).
Ce dimanche 26 octobre 2014, l’AS Saint-Etienne reçoit le FC Metz à l’occasion de la onzième journée de Ligue 1. En 1979, Jean Snella devenait le grand patron sportif du club lorrain. Son dernier club. Bonne lecture.
Jean Snella, un homme au service du football.
« Nous voulons Jean Snella« . Aimé Dumartin, le successeur de Carlo Molinari à la présidence du FC Metz depuis 1978, souhaite structurer son club et lui faire franchir une nouvelle étape vers le professionnalisme. En France, ses modèles s’appellent Nantes et Saint-Etienne. Pour cela, il souhaite s’attacher les services d’un technicien de haut niveau, un véritable patron sportif.
Premiers contacts avec Metz
Depuis le mois de mars 1979, il est entré en contact avec Jean Snella, l’ancien entraîneur de Saint-Etienne et Nice entre autres. Grand pédagogue, ennemi de la manière forte, il a toujours préféré convaincre à imposer. Avec un technicien de cette qualité doublé d’un homme de grande valeur humaine, le FC Metz pourrait envisager l’avenir avec sérénité.
Jean Snella, libre de tout contrat, est en contacts avancés avec le FC Metz.
Le 5 mai 1979, Roger Rocher a réservé une place en tribune d’honneur à son ancien entraîneur pour assister au match de Division 1 entre Saint-Etienne et Metz (1-0, but de Rocheteau, 25e). Pour lui, c’est un véritable come-back puisqu’il assiste pour la première fois depuis cinq ans à une rencontre en France. Au stade Geoffroy-Guichard, Aimé Dumartin et Jean Snella se sont parlés et le président lorrain est désormais pleinement convaincu qu’il est l’homme de la situation.
Jean Lauer, l’ami de Snella
Pour le persuader un peu plus de rejoindre son club, il compte sur un atout de poids et non négligeable. Jean Lauer, l’ex joueur de Metz (1937-39) et Saint-Etienne (1943-49), installé dans le Forez et ami personnel de Snella, est chargé de convaincre ce dernier d’accepter le rôle de directeur sportif que souhaite lui confier Dumartin. S’il ne donne pas un « oui » définitif au dirigeant messin, en revanche, il semble emballé par l’envie de bâtir sur du solide et du durable chez les Lorrains.
La Division 1 à la radio ou dans la presse
Depuis le mois de mars, il n’est plus lié au club algérien d’Hussein Dey qu’il entraînait depuis plus de quatre ans. Enrichi par ce séjour, il déclare : « Pour un homme de terrain, le travail est passionnant dans ce pays. Le football est là-bas une seconde religion. » S’il a été coupé du football français pendant quelques années, cela ne l’a pas empêché de suivre les matches de Division 1 à la radio ou lire les comptes-rendus par voie de presse.
Jean Snella s’engage pour une saison avec Metz.
Snella signe pour un an
Retenu plus longtemps que prévu en Algérie pour régler les conditions de sa séparation à l’amiable, il donne son accord au FC Metz le 2 juillet et appose sa signature pour une année. Les conditions financières proposées lui conviennent parfaitement. Dès le lendemain, il part à Berne assister à la Coupe des Alpes où joue le FC Metz. A cette occasion, Rastoll, l’entraîneur lorrain, fait confiance à Patrick Battiston dans le rôle de libéro. Le Néerlandais Suurbier parti aux Etats-Unis et ni Kasperczak ni Mahut n’ayant convaincu à ce poste, « Battiste » hérite donc du numéro 5.
Le jeune Patrick Battiston, valeur montante du football français.
« Quand je sème quelque chose, je veux voir la récolte«
Jean Snella a encore le virus du football dans le sang. A 65 ans, cet amoureux du beau jeu souhaite toujours faire partager sa passion. « Quand je sème quelque chose, je veux voir la récolte » aime-t-il à répéter. Son seul regret est de n’avoir pu suivre quelques joueurs et gérer au mieux la période des transferts.
Sa venue en Lorraine n’a cependant pas eu pour conséquence le départ de tel ou tel entraîneur en poste. Avec Marc Rastoll, l’entraîneur de l’équipe première et Marcel Husson, celui du centre de formation, les relations sont au beau fixe. A Metz, ville ouvrière, il retrouve un peu la chaleur qu’il a connue durant les vingt ans passés à Saint-Etienne.
Après vingt ans passés à Saint-Etienne, Jean Snella n’a gardé que des amis dans la ville dont sa femme est originaire.
La joie de revenir à Saint-Etienne
Le vendredi 17 août, Metz se déplace à Saint-Etienne. Snella et son équipe s’inclinent 2-1 dans le Chaudron devant 33 225 spectateurs. Platini le Lorrain et néo-Stéphanois, inscrit son premier but à domicile. Pour Snella, cette rencontre est l’occasion d’émouvantes retrouvailles avec un club qui l’a vu connaître ses plus belles joies. « C’est toujours une joie pour moi de revenir à Saint-Etienne qui est la ville de mon épouse. Pour ma part, j’y ai passé environ vingt ans de ma vie et, chaque fois que je la revois, j’ai l’impression de ne l’avoir jamais quittée. Ce qui me fait plaisir, c’est que le temps n’a pas effacé les sentiments d’amitié. A l’hôtel, pendant deux jours, j’ai reçu de nombreuses visites et j’y ai été très sensible. Ce qui me fait plaisir également, c’est que la foi, la passion du football n’ont pas quitté le public stéphanois. Il est tel que je l’ai connu et apprécié avec toutefois plus d’agressivité dans le comportement. »
Il revoit avec plaisir Robert Herbin pour lequel il a le plus grand respect : « Roby est un homme qui n’a pas changé moralement. Les succès ne lui ont pas tourné la tête. Il reste le même et sa conduite vis-à-vis des hommes n’a jamais changé. »
A l’occasion de la venue de Metz, Michel Platini inscrit son premier but à Geoffroy-Guichard avec ses nouvelles couleurs.
Fin septembre, les Messins se traînent dans les profondeurs du classement. Curioni et Braun n’ont pas été remplacés et l’absence d’un buteur est criante. Malgré cette situation, Jean Snella ne doute pas.
L’ami Kees Rijvers
Mi-octobre, il reçoit la visite d’un homme qu’il n’avait pas revu depuis longtemps. Le Hollandais Kees Rijvers, l’un des stratèges du premier titre de champion de France de l’ASSE en 1957, n’a pas oublié son entraîneur : « Je suis très heureux d’avoir repris contact avec Jean, que je n’avais pas vu depuis longtemps, et auquel me lie une grande amitié« . Son ancien joueur en profite pour l’inviter à assister, le 24 octobre, au seizième de finale aller de la Coupe UEFA qui va opposer le PSV Eindhoven à … l’AS Saint-Etienne. Snella, poliment, décline l’invitation et préfère se déplacer à Nantes pour y superviser son futur adversaire qui dispute un match aller de Coupe des Coupes contre le Steaua Bucarest (3-2). Snella ne laisse jamais rien au hasard.
Photo : ASSE-Actualités du 28 novembre 1979
Le samedi 10 novembre, lors de la 16e journée de Division 1, Laval s’impose à Metz 4-1. Jean Snella est absent. Le matin même, il a été hospitalisé pour un mal incurable qui le ronge depuis des mois. Sur son lit d’hôpital, il regardera à la télévision, une dernière fois l’AS Saint-Etienne disputer un match de Coupe d’Europe chez son ami Kees. Il décède le 20 novembre 1979. Les hommages affluent du monde entier : « Un homme d’exception » revient souvent dans les témoignages. Roger Rocher, qui a été son président à Saint-Etienne, a appris la nouvelle alors qu’il était en déplacement professionnel à Conakry. Bouleversé, il ne trouve les mots pour exprimer son émotion. Robert Herbin, quant à lui, perd son maître et la France du football un grand entraîneur.
Thierry CLEMENCEAU
L’Equipe du 21 novembre 1979France Football du 27 novembre 1979.
Dimanche 17 août 2014, l’AS Saint-Etienne reçoit le Stade de Reims. Un joueur, international de surcroît, a évolué dans les deux clubs : François Heutte. Recruté à l’intersaison 1964, peu de temps après son ami Maryan Wisnieski, il fait ses grands débuts avec les Verts le 15 août 1964 contre Cologne. Son passage chez le champion de France en titre, n’est pas à la hauteur de ses espérances et de celles de ses… dirigeants. Bonne lecture.
François Heutte avec le maillot du Racing CP lors d’un match contre Monaco.
Juin 1964, le RC Paris descend en Division 2. François Heutte, l’attaquant parisien, ne souhaite pas évoluer ailleurs qu’en Division 1. Patiemment, il attend dans sa chemiserie du XVIIe arrondissement d’éventuelles propositions. Parmi les pistes évoquées, l’une mène à Saint-Etienne. Jean Snella n’a pas oublié celui qu’il voulait déjà enrôler en 1957. Cette année-là, le Normand, vice-lauréat du concours du plus jeune footballeur en 1955, avait le choix entre le Stade de Reims qui venait de faire l’acquisition de Roger Piantoni pour 25 millions de francs, le LOSC ou l’AS Saint-Etienne. Mais Rouen, le club où il s’est révélé, se montre gourmand et exige pas moins de 20 millions pour son jeune attaquant.
Le président rémois Henri Germain, faute de liquidités, renonce à l’engager. L’ASSE, tout auréolé de son titre de champion de France, propose 17 millions pour enrôler cet élément d’avenir. Mais c’est au LOSC qu’il opte pour un peu plus de 16 millions de francs. Le Normand représente alors le deuxième plus gros transfert de cette intersaison derrière Roger Piantoni.
Le 11 août 1964, le quotidien L’Equipe titre : « Heutte à Saint-Etienne : tout a été très vite« . Le club stéphanois, qualifié pour la Coupe d’Europe des Clubs Champions, doit parer au plus pressé s’il veut que son nouvel attaquant soit qualifié pour cette compétition européenne.
Le 10 août, aux alentours de 13 heures, le joueur du RC Paris, âgé de 26 ans, débarque à Saint-Etienne. Il a juste le temps de signer son contrat et de repartir illico pour Paris vers 18 heures. « Nous avons été dans l’obligation d’agir très rapidement », déclare Roger Rocher, le président des Verts.
Le RC Paris qui demandait 270 000 F. pour le rachat du contrat de son joueur, le cède finalement pour environ 200 000 F. Une aubaine.
A Saint-Etienne, il occupera un appartement loué par un ancien de la maison verte, Georges Peyroche. A contrario, celui qu’il occupait à Epinay-sur-Seine, en région parisienne, a été loué à Henri Biancheri, le néo-racingman.
Alors que l’on attendait plutôt un inter dans le rôle de stabilisateur du milieu de terrain tenu par René Domingo avant sa grave blessure à Valenciennes, c’est donc, après Wisnieski, transfuge de Gênes, un nouvel attaquant international qui signe pour le club forézien. Le champion de France s’offre ainsi une aile droite nouvelle pour la saison 1964-65.
Les Espoirs 1955-56 réunis sous le maillot vert
Avec Wisnieski, Heutte, Herbin, Mekloufi, Ferrier et Richard Tylinski, toute la promotion d’Espoirs 1955-56 est ainsi reconstituée dans l’équipe stéphanoise. Heutte comme Wisnieski ont aussi l’avantage de connaître la plupart de leurs nouveaux coéquipiers pour les avoir côtoyés au Bataillon de Joinville.
François Heutte (au premier rang à gauche) joue au babyfoot au Bataillon de Joinville sous l’œil de Roland Guillas (de face, avec le survêtement France).
Bien que reparti à Paris pour saluer une dernière fois ses anciens coéquipiers, le Normand, à la demande de Jean Snella, s’entraîne à Colombes. L’entraîneur stéphanois compte bien utiliser son joueur au plus vite, à commencer par le match amical du 15 août à Vichy contre Cologne, l’une des meilleures équipes européennes et champion d’Allemagne 1964.
Maryan Wisnieski et François Heutte, deux internationaux à Saint-Etienne.
Dans l’Allier, devant 5 339 spectateurs, les Stéphanois obtiennent un match nul honorable. Comme convenu, François Heutte joue les quarante-cinq premières minutes sur l’aile droite à la place de Robert Herbin, déplacé au poste de demi.
Heutte au côté de Wisnieski et Ferrier à Vichy contre Cologne le 15 août 1964.
Wisnieski et Heutte, deux individualistes réunis sous le maillot vert, ne manquent pas de talent. Pourtant, ils ne font pas l’unanimité aux yeux des supporters. Jean Snella n’est pas de cet avis et fonde même de grands espoirs en eux. Dans l’hebdomadaire FranceFootball du 18 août 1964, il déclare : « Je suis très heureux de les avoir. Je les connais tous les deux depuis fort longtemps, avant même qu’ils aient été Juniors. Wisnieski, quoique souvent discuté, a quand même été 34 fois international et il est dans la pleine force d’âge. Quant à Heutte, qu’on avait mis à l’index, je veux lui faciliter ses débuts chez nous au maximum. Je le laisserai jouer comme il l’entend, à la place où il veut. J’ai énormément confiance en lui. Il doit retrouver un rayonnement d’international, et à 27 ans bientôt, sa carrière, pour moi, ne fait que commencer. »
Malgré cette confiance indéfectible, Heutte semble quand même poser problème, notamment vis-à-vis du rôle de Robert Herbin, bien plus à l’aise en attaque qu’en demi. En deuxième mi-temps contre les Allemands à Vichy, dès que le duo Herbin-Mekloufi a été reconstitué, l’équipe stéphanoise a repris sa marche en avant, réalisant de beaux mouvements offensifs. La complicité des deux joueurs ne souffre d’aucune contestation. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à leur entraîneur ainsi qu’à Roger Rocher.
Blessé à Casa, sa rentrée est différée
Fin août, les Verts disputent un tournoi international à Casablanca. Plusieurs joueurs reviennent blessés de ce périple au Maroc dont Heutte, touché à la cheville droite. Cette blessure retarde ses grands débuts en championnat avec l’ASSE.
Ses premiers pas en Division 1 sous le maillot vert, il les réalise au stade Marcel-Saupin contre Nantes lors de la deuxième journée de championnat. Il occupe alors le poste d’inter gauche. Défaits 4-1, Heutte et ses coéquipiers sombrent. Se ressentant de sa cheville blessée à Casa, il est forfait pour le premier match de Coupe d’Europe des Clubs Champions contre les Suisses de la Chaux-de-Fonds. Titularisé par Snella au retour, il ne peut éviter l’élimination des siens.
3 victoires en 14 matches…
Les résultats ne sont pas au rendez-vous. La crise couve à l’ASSE. En quatorze matches (toutes compétitions confondues), les Stéphanois n’ont remporté que trois petites victoires depuis le début de la saison.
François Heutte, malgré ces piètres résultats, est ravi de jouer à Saint-Etienne : « L’entraînement est formidable varié, intéressant. En trois quarts d’heure, je fais plus de travail qu’en une heure et demie au Racing. Tout est basé sur le changement de rythme. »
Le derby pour lancer sa saison
Malgré tout, entre blessures et inefficacité, l’adaptation du Normand semble plus difficile que prévue. Le 25 octobre, il réussit son match le plus accompli : son réveil correspond à celui de son équipe qui écrase l’Olympique Lyonnais (6-0). Lors de ce derby, il inscrit un doublé. FranceFootball lui accorde la note exceptionnelle de 6 étoiles. Henri Guérin, le sélectionneur national, présent au match lance alors : » Ah ! Si le François Heutte de cet après-midi pouvait être celui de tous les dimanches ! »
Heutte, après sa performance de premier plan déclare : « J’ai maintenant compris que, pour bénéficier des passes de Mekloufi, il faut partir du côté opposé à celui de Rachid semble s’engager. »
Photo L’Equipe
Malheureusement, la joie est de courte durée. Le week-end suivant, à Angers, le Stéphanois est à nouveau supervisé par Guérin en prévision du match international contre la Norvège. Sa prestation en demi-teinte ne convainc pas le sélectionneur qui lui préfère le Valenciennois Bonnel pour remplacer Combin.
Après la seizième journée de championnat, Saint-Etienne, le champion de France en titre, est classé à un point des derniers que sont Lille, Angers, le Stade Français et Toulon.
Jean Snella souhaitait déjà la venue de François Heutte en 1957.
Snella se justifie
Dans L’Equipe du jeudi 10 décembre, Jean Snella dresse le bilan du mauvais début de saison stéphanois.
« Nous ne voulons pas nous plaindre et gémir sans cesse en invoquant la malchance. Pourtant, les excuses ne nous manquent pas. Je crois pourtant que si nous en sommes là, c’est parce que nous traînons comme un boulet notre piteuse élimination de la Coupe d’Europe. Certes, nous n’étions pas, comme on l’a écrit, un grand champion de France et nous avons su profiter au mieux des défaillances de nos adversaires les plus dangereux pour nous attribuer un titre que nous étions loin d’espérer, alors que nous venions de quitter la seconde division. C’est ce qui nous a incités à renforcer notre équipe en engageant Heutte et Wisnieski, au cours de l’intersaison afin de représenter la France en Coupe d’Europe. Hélàs, ces deux joueurs n’ont jamais pu s’exprimer, à mon avis, parce que Mekloufi débuta la saison avec une angine, puis fut blessé au genou. Heutte, entorse d’une cheville, avait dû stopper son entraînement. Bref, nous avons été éliminés sans gloire d’une Coupe d’Europe sur laquelle nous avions basé notre saison et dont nous attendions beaucoup.
Je crois surtout en la valeur de Heutte et de Wisnieski qui n’ont que 27 ans et totalisent près de soixante sélections en équipe de France. Ou alors il faudrait admettre que ceux qui les ont sélectionnés, comme Paul Nicolas et Albert Batteux, s’étaient trompés sur leur valeur. D’ailleurs, ils n’ont pas joué à Sedan et notre équipe n’a pas été plus efficace pour cela, ce qui démontre qu’ils ne sont pas responsables de la stérilité actuelle de notre ligne d’avants. »
Le 20 décembre, lors de la réception de Monaco, alors qu’il n’est plus titulaire depuis près d’un mois, Snella relance son international en l’incorporant d’entrée de jeu. Les Verts s’imposent 2-0 et Heutte inscrit le premier but.
Heutte heureux à Saint-Etienne
Le 24 décembre, avant de partir passer les fêtes en famille à Paris, il déclare à Pierre Legalery, le correspondant de L’Equipe à Saint-Etienne : « Je ne regrette pas d’être venu à Saint-Etienne où j’ai trouvé l’excellent climat et la chaude ambiance qui me manquaient à Paris. Bien sûr, j’ai eu la malchance tout d’abord d’être blessé au début de la saison, puis d’être intégré dans une équipe qui n’avait pas retrouvé son équilibre. M. Snella l’a d’ailleurs compris et m’a demandé de rester sur la touche en attendant que tout aille mieux.
Dimanche, j’ai repris ma place dans cette équipe et nous avons battu Monaco. Une fois de plus, M. Snella s’était montré compréhensif à mon égard, me donnant le numéro 8. J’ai en effet les numéros 7 et 11 en horreur. Je crois que la période d’adaptation est terminée et que je vais pouvoir m’intégrer davantage dans une équipe qui, peu à peu, redevient ce qu’elle avait été la saison dernière. Je n’ai que 27 ans et je veux tout sacrifier à ma carrière de footballeur qui peut, à mon avis, aller au-delà de 35 ans. »
Sur le terrain, Rachid Mekloufi s’entend de mieux en mieux avec Heutte.
Son début d’année est plutôt convaincant. Snella semble avoir trouvé la bonne formule. Son association avec Rachid Mekloufi est aussi redoutable que le duo qu’il forme avec Guy.
La Coupe de France pour sauver une saison décevante
Après vingt-quatre journées, Saint-Etienne accuse dix points de retard sur le leader du moment Bordeaux. A dix journées de la fin du championnat, le titre semble hors de portée. Seule la Coupe de France peut sauver une saison bien loin des attentes du club ligérien.
Le 7 mars, malgré une victoire en huitièmes de finale de la Coupe de France contre Rouen au Parc des Princes (1-0), l’attaque stéphanoise demeure toujours un problème aux yeux de Jean Snella.
François Heutte ne peut empêcher la défaite contre Nîmes (0-1) en championnat.
Mekloufli est moins rayonnant qu’en 1963-64
Dans une interview accordée à Jean-Philippe Rethacker pour FranceFootball, il concède à ce sujet : « Rachid (Mekloufi) n’est plus aussi décisif que l’an dernier. Il reste au milieu de terrain, il appelle moins le ballon en profondeur et marque moins de buts. Il n’a pas retrouvé sa confiance en lui, ni le moral qui lui permettaient d’être rayonnant sur le terrain.
Pour François, c’est un autre problème. Je suis obligé de l’utiliser à l’aile droite en ce moment bien qu’il ait réalisé d’excellents matches au centre il y a quelques temps. Mais je n’ai pas d’ailier droit. François est un garçon trop timide, trop craintif encore. Contre les Rouennais, il a réussi d’excellents débordements pourtant. Mais il s’est laissé trop souvent oublier à l’aile en première mi-temps. . Car, je crois qu’il s’est isolé plus qu’on ne l’a isolé, Et puis, s’il est très redoutable balle au pied, il ne parvient pas encore à bien se placer et à bien appeler la passe du partenaire. »
En demi-finale de Coupe, les Verts affrontent Rennes. Heutte retrouve un Parc des Princes qu’il connaît bien.
L’Equipe du 30 avril 1965
Trente ans après leur première finale, les Rennais, vainqueurs 3-0 de Stéphanois dépassés, ont mis fin à leurs dernières illusions de sauver leur saison.
L’ASSE termine le championnat à la septième place. Guy termine meilleur buteur du club avec 17 réalisations. Heutte est auteur de 10 buts (dont 2 doublés) pour 28 matches disputés.
Les caisses du club sonnent creux
C’est l’heure des comptes. Saint-Etienne accuse un déficit qui s’élève à près de 50 millions de francs. Pour Charles Paret, le directeur sportif de l’ASSE, la descente du Racing et de Reims ont porté préjudice au club. Ces deux formations, après Lyon, faisaient rentrer de grosses recettes dans les caisses. Ce manque à gagner, ajouté à une élimination précoce en Coupe d’Europe contre la Chaux-de-Fonds, oblige l’ASSE à tirer les enseignements d’une saison ratée.
Heutte souhaite quitter le Forez
De son côté, François Heutte n’envisage pas de continuer l’aventure en Vert. Le Red Star, pour remplacer Groschulski, s’intéresse de près à l’ex-Racingman. Ce dernier ne serait pas contre retrouver la région parisienne où il a gardé son magasin de chemises à Paris. Les Audoniens, à court de liquidités, souhaitent un prêt avec option d’achat ; les dirigeants stéphanois veulent un transfert définitif.
Rouen, à son tour, entre dans la danse. Mais c’est avec un autre club que l’affaire semble la mieux engagée.
François Heutte n’a pas réussi à s’imposer à Saint-Etienne. Pour relancer sa carrière, il souhaite quitter le club stéphanois.
Le Red Star, Lille, Rouen souhaitent l’engager
Le 17 août, date butoir pour les clubs pour réaliser un transfert, les dirigeants stéphanois et audoniens doivent se rencontrer pour discuter des modalités de la venue de François Heutte au Red Star. Après deux mois de tractations, il ne manque plus que la signature du joueur.
Les dirigeants lillois font le déplacement à Paris pour rencontrer leurs homologues stéphanois. Les Nordistes souhaitent revoir celui qui avait marqué de nombreux buts sous le maillot lillois de 1957 à 1959. Après s’être mis d’accord avec le joueur qui a eu l’assurance de pouvoir à nouveau tenir un commerce, il reste à trouver un accord avec les dirigeants stéphanois.
François Heutte a le choix entre le Red Star, Lille et Rouen, le club de ses débuts.
18 h 50 : un accord est trouvé avec Lille
Celui-ci intervient à 18 h 50. Le compte-à-rebours est lancé : sitôt la signature apposée en bas du contrat, l’enveloppe est postée pour que le joueur puisse débuter sous ses nouvelles couleurs le dimanche suivant.
Le Red Star ne décolère pas
Les dirigeants audoniens se sentent lésés. Furieux de voir partir le joueur dans le Nord, ils décident de faire appel devant le Comité directeur de la Ligue nationale. En offrant 40 000 francs aux dirigeants stéphanois (contre 20 000 de la part des Lillois), ils pensent conclure le transfert. Ils portent l’affaire devant la Ligue nationale.
Le 22 août 1965, l’instance suspend le joueur jusqu’au 17 septembre. Elle accuse ce dernier d’avoir touché une prime à la signature, ce qui aurait fait pencher la balance en faveur du club lillois.
Roger Rocher, étonné, déclare : « Si l’on doit condamner Heutte pour avoir touché une prime à la signature, il faut en faire autant pour tous les joueurs. Car, à qui fera-t-on croire qu’aucun autre n’a demandé et obtenu cette prime ? »
Son départ de Saint-Etienne se règle à la Ligue nationale.
« Je comptais beaucoup sur M. Snella pour me pousser »
En France, quand un joueur est transféré d’un club à l’autre, contrairement à la Belgique, par exemple, il ne peut toucher de prime à la signature.
Finalement, Heutte, une fois sa suspension purgée, peut donc à nouveau porter les couleurs lilloises où il n’est que prêté par l’AS Saint-Etienne. Après sa saison en demi-teinte dans le Forez, il espère relancer sa carrière dans le Nord.
Pour FranceFootball daté du 5 octobre 1965, il revient sur son année stéphanoise qu’il considère comme un « échec mais pas total. Je comptais beaucoup sur M. Snella pour me pousser. Pour Saint-Etienne, on peut le dire, l’équipe a moins bien marché que l’année précédente. Dans ce cas-là, je ne pense pas que Maryan Wisnieski et moi-même ne pouvions apporter quelque chose. Cette année, elle tourne mieux. »
Heutte et Guy ouvrent une chemiserie
Il n’est pas le seul à avoir rejoint le Nord. André Guy a également fait ses valises. Les deux hommes qui s’apprécient beaucoup, tant sur le terrain qu’en dehors, ont investi ensemble dans un magasin de chemises et d’articles de sport près du centre de Lille.
En juin 1966, François Heutte ne souhaite pas revenir à Saint-Etienne où il ne se plaisait pas. Il quitte Lille et le Nord pour la Champagne et le Stade de Reims où il est à nouveau prêté. Il évolue au côté de Kopa qu’il a côtoyé à plusieurs reprises en équipe de France.
François Heutte (accroupis, le dernier en partant de la droite) avec le maillot rouge et blanc du Stade de Reims.
En juin 1967, au terme de son prêt, le club stéphanois le place définitivement sur la liste des transferts.
Le 2 juillet 1967, François Heutte confie à Victor Peroni pour l’hebdomadaire FranceFootball : « C’est maintenant, à trente ans que je commence à comprendre à quel point je suis sans doute passé à côté d’une grande carrière, parce qu’au fond jusqu’à maintenant, j’ai toujours manqué de maturité. Je suis peut-être trop longtemps resté un « grand enfant », le junior qui en 1955 à Colombes s’entraînait avec l’équipe des Espoirs contre l’équipe de France sous les yeux de Paul Nicolas et Albert Batteux. »
Après un essai avec Chaumont entraîné par Pierre Flamion, il signe un dernier contrat avec le club haut-marnais. Heutte quitte définitivement le club stéphanois.
Thierry Clemenceau
La vidéo bonus de l’INA
10 décembre 1961– Match amical France-Espagne à Colombes : à la 13ème minute, François HEUTTE ouvre le score après deux tirs de Guy Van Sam repoussés par le gardien de but espagnol José Araquistain.
Le 3 décembre 1957, Saint-Etienne (5e) reçoit le leader Reims au stade Geoffroy-Guichard. Après quinze journées de championnat, les Verts sont toujours invaincus. A l’issue de la rencontre, les deux équipes se quittent sur un 0-0 de bonne facture. Si les Rémois gardent la tête du championnat, les Verts, avec ce douzième partage des points, gagnent une place (4e) et sont ex aequo avec le voisin lyonnais.
Domingo et les Stéphanois, champions des matches nuls.
Quand Kopa faillit être Stéphanois
M. Roger Rocher, président de Saint-Etienne depuis dix ans, aurait pu avoir dans son effectif un dénommé Raymond Kopa. Le Rémois aurait pu en effet devenir Stéphanois bien avant Albert Batteux qu’il a connu à Reims.
En effet, alors que Kopa débutait à Angers, un émissaire de Saint-Etienne -qui n’était pas encore Pierre Garonnaire- avait été dépêché à Angers pour superviser un « petit attaquant » dont on commençait à parler. L’envoyé « spécial » stéphanois revint avec deux noms couchés sur son calepin mais celui de Kopa n’y figurait pas.
La première de Monsieur Guigne
Le 24 août1952, l’arbitre du match Saint-Etienne-Reims (2-6) se nomme M. Guigne. C’est sa première saison à ce niveau de la compétition. Malgré son inexpérience en Division 1, il dirigea les débats avec autorité… ce qui est normal puisqu’il était gendarme de son métier.
Le Stade de Reims en huit dates
Lors de la remontée du Stade de Reims en mai 2012, le quotidien L’Equipe est revenu sur les grandes dates qui ont marqué l’histoire de ce club.
La Coupe du monde au Brésil a débuté depuis une semaine. Cette compétition est l’occasion pour quelques joueurs de se révéler. En 1990, lors du Mondiale organisé par l’Italie, Lubomir Moravcik, le stratège gaucher de l’équipe tchécoslovaque, montrait au monde entier l’étendue de son talent. En lui faisant signer un pré-contrat, les dirigeants stéphanois, à la recherche d’un meneur de jeu, avaient eu le nez creux. Récit d’un transfert réussi pour les Verts.
« Nous allons prendre notre temps pour choisir le meneur de jeu qui nous a fait tant défaut la saison passée. » Ces paroles sont prononcées par André Laurent, le président de l’AS Saint-Etienne fin juin 1990. Christian Sarramagna, le remplaçant de Robert Herbin, et son staff ne veulent pas se tromper. Pour ce poste à vocation offensive, Bernard Bosquier s’est renseigné sur le joueur marseillais Philippe Vercruysse. Mais le prix demandé par l’OM et le salaire du joueur ont refroidi les ardeurs stéphanoises. Le club cherche un bon technicien mais ne souhaite pas dépenser l’argent qu’il ne possède pas.
Deux joueurs pour une place
Deux joueurs se retrouvent en balance. Fabian Vasquez, un Argentin de 27 ans, qui évoluait précédemment au Velez-Sarsfield. Elu meilleur joueur de son pays en 1987, il est arrivé dans le Forez pour un essai en compagnie d’Oswaldo Piazza, l’ancienne gloire des Verts. Il est en concurrence avec un international tchécoslovaque : Lubomir Moravcik. Inconnu ou presque du public français avant la Coupe du monde disputée en Italie, ce joueur de 25 ans est un bon dribbleur doté d’une excellente frappe. Bernard Bosquier, le directeur sportif du club, le suit depuis près d’un an.
Moravcik dans le Top 10
Dans le quotidien régional La Tribune-Le Progrès daté du 29 juin 1990, l’ancien défenseur des Verts dans les années 60 évoque la future recrue du club : « Moravcik coûte trois fois plus que Vasquez au plan du transfert. Je connais Moravcik depuis un an (…) Actuellement, il y a une surenchère (…) Nous avons un précontrat avec Moravcik. Maintenant, il faut voir avec les dirigeants de Nitra. Si l’accord est respecté, l’affaire se réalisera à mon avis. On a vu Moravcik au « Mondiale ». Il fait partie des dix meilleurs joueurs. »
Lubomir Moravcik, auteur d’un bon Mondiale italien, a fait étalage de son talent au monde entier.
Quart de finaliste avec la Tchécoslovaquie au Mondiale
Si Fabian Vasquez est un inconnu en France, Lubomir Moravcik, en revanche, ne l’est plus depuis le début du Mondiale. Après des matches de poules convaincants, la Tchécoslovaquie ne s’incline qu’en quarts de finale contre l’Allemagne (0-1), le futur vainqueur de l’épreuve. Lors de cette rencontre, Moravcik, l’un des meilleurs passeurs depuis le début de la compétition, est expulsé stupidement (la deuxième exclusion de sa carrière à ce jour) pour avoir jeté sa chaussure en l’air en signe de protestation suite à une faute de Littbarski (70e). M. Helmut Kohl, pas le chancelier allemand (!) mais l’arbitre autrichien de la rencontre, sort le carton rouge et lui indique le chemin des vestiaires. Pour lui, la Coupe du monde s’arrête à cet instant.
Lubomir Moravcik (accroupis, le deuxième en partant de la gauche), a réalisé, avec la sélection de Tchécoslovaquie, un excellent Mondiale italien.
MM. Laurent et Bosquier se déplacent en Italie
Le 1er juillet, jour de ce match, André Laurent et Bernard Bosquier, le directeur sportif, prennent la direction de l’Italie, plus précisément de Milan où se dispute la rencontre. Au menu des deux dirigeants stéphanois : ce fameux quart de finale de la Coupe du monde. Il faut dire que l’équipe nationale tchécoslovaque n’a plus participé à un grand rendez-vous depuis le Mundial espagnol en 1982.
Bernard Bosquier (à g.) pose avec André Laurent, son président (au centre) et Christian Sarramagna, le nouvel entraîneur des Verts (à d.).
Mais avant d’assister à ce match, ils rencontrent le vice-président du club de Nitra. Le temps presse. Les bonnes prestations de Moravcik font monter la cote du joueur du Plastika Nitra. Lors de ce Mondiale, Venglos, le sélectionneur, le fait évoluer sur le côté droit, Chovanec et Kubic, occupent l’autre aile.
Les dirigeants du FC Nitra n’ont qu’une parole et le précontrat signé avant le Mondiale est respecté. La somme annoncée pour cette transaction est de 7,5 millions de francs payables en deux fois si les dirigeants stéphanois le souhaitent.
A l’issue de cette entrevue, André Laurent se veut rassurant mais reste néanmoins prudent sur le sujet.
Lubomir Moravcik, le meneur de jeu qui manque à Saint-Etienne.
Moravcik en Vert pour 4 ans
Ce n’est que le mercredi 11 juillet que le petit gaucher tchécoslovaque, après une semaine de vacances bien méritée (il n’en avait pas pris depuis quatre ans en raison de ses études et de son service militaire), débarque à Saint-Etienne. Dans les salons du stade, il signe un contrat de quatre ans en faveur des Verts. Selon les dires du futur petit stratège stéphanois (1,70 m, 68 kg), le montant du transfert avoisine finalement le million de dollars (soit environ 6 millions de francs). Nitra réalise une opération juteuse. Pour en arriver là, les dirigeants stéphanois ont dû traiter avec la société internationale de marketing et sponsoring sportif « Télé-Mundi » dont l’agent n’est autre que Anton Ondrus, l’ancien joueur international (63 sélections) qui a évolué à Thonon-les-Bains.
Lubomir Moravcik. à la sortie du tunnel du stade Geoffroy-Guichard
La révolution de velours favorise les mutations
Avant la révolution de velours, un joueur tchécoslovaque ne pouvait quitter son pays avant l’âge de 30 ans. Ondrus a fait ses valises à l’âge de 32 ans et 45 sélections. Moravcik, lui, pourra donc exprimer son talent en dehors des frontières de son pays dès l’âge de 25 ans, comme dix de ses compatriotes sur les vingt-deux présents à la Coupe du monde. Autre évolution majeure de cette révolution, Moravcik a obtenu sa lettre de sortie quatre jours seulement après la signature de son contrat.
Vidéo Youtube : Le magicien du Forez.
La belle opération de Bosquier
Saint-Etienne réalise donc l’un de ses plus beaux transferts. Pas moins de huit clubs et non des moindres : Arsenal, Dortmund, Southampton, les Glasgow Rangers, Kaiserslautern, Gijon, la Fiorentina et Parme, excusez-du peu ! s’étaient renseignés. Bernard Bosquier, de son côté, est soulagé : lui qui a dû batailler avec de nombreux intermédiaires plus ou moins honnêtes, réalise son premier « gros » coup pour les Verts.
Recommandé par Ondrus à Bosquier, Moravcik, après plus de huit de mois de tractations, signe à Saint-Etienne.
Un effectif renouvelé à 60 %
Moravcik rejoint ainsi un autre héros du Mondiale italien, le Camerounais Jean-Claude Pagal. Avec les arrivées de Kastendeuch, Lambert et Cyprien, entre autres, le club stéphanois met un terme à un recrutement estival tant quantitatif que qualitatif. Christian Sarramagna, en renouvelant son effectif à 60 %, a la sensation d’avoir investi « juste ». En revanche, Vasquez qui effectuait le stage d’avant-saison à Beauzac (Haute-Loire), n’a pas été retenu.
Mais qui est réellement ce Slovaque révélé lors du Mondiale italien?
Footballeur de père en fils
Lubomir Moravcik est né le 22 juin 1965 à Nitra. Il est le fils de Jan Moravcik, un ancien joueur de football de Nitra durant une dizaine d’années. Contrairement à Lubomir, Jan jouait plutôt défenseur ou milieu de terrain.
Gamin, Lubo, comme on le surnomme, pratique le tennis et le hockey sur glace pour le simple plaisir de jouer. Mais c’est vers le football qu’il se dirige. Milan Lesicky découvre cette pépite à Nitra. Fier de sa trouvaille qui joue aussi bien avec son pied droit que le gauche, il avoue à propos de son jeune protégé : « Un joueur comme on en repère 1 sur 10 000« . Très jeune, il décroche un titre de champion de Slovaquie avec son équipe de minimes du Plastika Nitra. Malgré son évolution au fil des années, il ne connaît pas les joies des sélections nationales de jeunes.
Première sélection le 11 novembre 1987
A l’âge de dix-huit ans, ses qualités techniques, au-dessus de la moyenne, lui ont permis de se faire une place dans l’équipe première de son club. Le stratège devient rapidement l’idole de la ville située à 80 kilomètres au nord-est de Bratislava. Sa réputation conjuguée à son talent dépassent peu à peu les frontières du pays. A 21 ans, ils lui valent même d’être convoqué chez les Olympiques avec lesquels il dispute dix matches pour un but inscrit contre la Finlande. Il honore sa première sélection avec les A le 11 novembre 1987 lors d’un Tchécoslovaquie-Pays de Galles (2-0).
En 1989, le club de Las Palmas lui fait les yeux doux mais Lubomir résiste aux sirènes du Sud.
Lubomir Moravcik n’hésite jamais à aller au charbon comme ici lors d’un Saint-Etienne-OM.
Fidèle à Nitra
Très attaché à sa ville natale située en Slovaquie, il ne se voit pas non plus évoluer au Sparta ou aux Bohemians de Prague qui, elles, sont en Tchéquie. Aussi, avant de songer aux suites à donner à sa carrière, il souhaite terminer ses études d’ingénieur agronome. Parallèlement à son apprentissage footballistique, il fait des études à l’Ecole technique du bâtiment.
Avec Nitra, il dispute deux matches de Coupe d’Europe contre Cologne pour autant de défaites. L’aventure en UEFA s’arrêtera dès le premier tour.
Son transfert à Saint-Etienne permet à Nitra, premier club tchécoslovaque à avoir adopté officiellement le statut pro depuis l’automne précédent, de réaliser un opération juteuse tout comme le joueur. Dans ce club, l’international -il compte 20 sélections- gagne 8 000 couronnes, soit 1 600 francs mensuels, auxquels il faut ajouter les primes. En comparaison, en qualité d’ingénieur, il aurait gagné 3 000 couronnes soit 600 francs mensuels.
Dans le Forez, Moravcik, désormais rejoint par sa femme et son fils, occupe une villa où a résidé également le Marocain Mustapha El-Haddaoui, à Terrenoire, dans la banlieue stéphanoise. Le cadre très verdoyant lui rappelle sa ville natale.
Document : Musée des Verts.
L’homme est studieux
L’homme est déterminé. Pour s’adapter au plus vite et donner sa pleine mesure, il s’astreint quotidiennement à une heure de français et ne se défait jamais de son manuel de français pour compléter ses heures de cours. Il est secondé par son ami et interprète Georges Hron, psycho-sociologue au CHR de Saint-Etienne. Il apprend très vite la langue de Molière. Il faut dire qu’il a quitté il y a peu de temps l’école avec son diplôme en poche.
Vidéo Youtube : Les exploits de Lubo Moravcik :
Enfin, pour l’anecdote, Eric Cantona est indirectement à l’origine de la venue du futur numéro 10 stéphanois. En inscrivant le but qui a privé les Verts de la finale de la Coupe de France le 26 mai 1990, il a précipité le départ de Robert Herbin. Si ce dernier était resté en place, Moravcik n’aurait sans doute jamais mis les pieds dans le Forez. En effet, le « Sphinx » avait estimé que plusieurs joueurs dans son équipe pouvaient se transformer organisateur. Bernard Bosquier, malgré sa quête d’un meneur de jeu depuis huit mois, ne trouvait guère d’échos vis-à-vis de son entraîneur. Le Hongrois Bognard, qui avait trouvé un accord avec l’ASSE, las d’attendre, avait fini par s’engager avec le Standard de Liège.
Pierre Haon (à g.) et Rob Witschge, joueurs malheureux de la demi-finale contre Montpellier (0-1).
Qu’importe, Saint-Etienne a trouvé le meneur de jeu qui lui fait défaut et le public du stade Geoffroy-Guichard est prêt à s’enflammer pour sa future idole… A Nitra, Lubo portait le numéro 6, en sélection, il évolue avec le 11 et à « Sainté », il évoluera avec le numéro 10, comme celui d’un certain Michel Platini, meneur de jeu une décennie avant son arrivée… et idole de Moravcik.