Champagne Monsieur Batteux !

Champagne Monsieur Batteux !

Saint-Etienne reçoit Reims ce week-end. Une rencontre qui a une saveur particulière entre des clubs à la recherche de leur passé glorieux. L’occasion aussi d’évoquer une figure emblématique du football français : Albert Batteux, entraîneur à succès, passé dans les deux camps.

Le 20 avril 1967 : Roger Rocher déclare aux journalistes présents à l’habituel point-presse que Jean Snella ne sera plus l’entraîneur de l’AS Saint-Etienne la prochaine saison. L’ASSE est donc en quête d’un nouvel entraîneur. Mais avant cela, il reste six journées de championnat à disputer et pour les Verts, l’objectif reste un troisième titre de champion de France.
C’est alors que le journaliste Pierre Marey, ancien directeur sportif du club, écrit : « Et pourquoi pas Batteux ? » Cette interrogation ne reste pas lettre morte.
En effet, le 9 mai, Roger Rocher rencontre Albert Batteux à Lyon. L’ancien mentor du grand Stade de Reims des années 50 s’est entretenu plus d’une heure avec le président stéphanois qui sort satisfait de cet entretien. Grenoble, pensionnaire de Division 2, en proie à de graves difficultés financières, est prêt à libérer son entraîneur à qui il reste une année de contrat.

Jean Snella (à gauche) et Albert Batteux (à droite) : un passage de témoin en douceur.
Jean Snella (à gauche) et Albert Batteux (à droite) : un passage de témoin en douceur.

Début juin, on assiste à une première en France. Albert Batteux assiste aux entraînements de Jean Snella, lequel lui voue une admiration sans limites. Ils ont dirigé ensemble l’équipe de France qui a terminé troisième de la Coupe du monde en Suède en 1958. L’ancien Rémois souhaite s’imprégner de son nouvel environnement, découvrir les joueurs qu’il va diriger quelques semaines plus tard. La passation de pouvoir s’effectue dans les meilleures conditions.

Parmi ces joueurs, Jean-Michel Larqué, Stéphanois à l’époque, a accepté de me parler de celui qui fut son entraîneur durant cinq ans.
« Je me souviens bien des débuts au club d’Albert Batteux. Quand il arrive à Saint-Etienne en 1967, nous venions de conquérir notre troisième titre de champion de France avec M. Snella. M. Batteux, non seulement a conservé l’effectif de la saison précédente mais l’a renforcé considérablement avec Georges Carnus, Vladimir Durkovic et un peu plus tard, Salif Keita, soit trois internationaux. Un effectif expérimenté aidé par des jeunes, comme Francis Camérini qui avait mon âge, international Junior et Espoir de surcroît, Georges Bereta et moi-même, à qui M. Snella avait permis de goûter aux joies de la Ligue 1. M. Snella était un grand Monsieur, un très très grand Monsieur. On n’a pas très bien compris son départ.

Jean-Michel Larqué en action.
Jean-Michel Larqué en action.

Il possédait donc une équipe supérieure à celle qui avait décroché le titre. Son prédécesseur et lui-même avaient la même philosophie. Il faisait énormément confiance aux joueurs, tout d’abord parce qu’il avait entraîné le grand Reims. Les joueurs se prenaient en charge. Il a donc reproduit cela à Saint-Etienne.
La seule petite anicroche durant les cinq années passées à la tête du club a été le petit différend avec Rachid Mekloufi qui était en fin de carrière en 1968. Alors qu’il n’était plus titulaire, M. Batteux a eu l’intelligence de lui faire jouer la finale de la Coupe de France contre Bordeaux. Et c’est lui qui a inscrit les deux buts de la victoire (2-1). C’est bien la preuve qu’il avait du nez ! »
Grâce à cette victoire doublée quelques semaines plus tard du titre de champion, Albert Batteux et Robert Herbin reçoivent la médaille d’or de la Ville de Saint-Etienne.

Pour Jean-Michel Larqué : « L’ASSE avait une équipe fabuleuse. Je pense qu’en terme de talent, elle était équivalente voire supérieure à celle de 1976. Si en 1971, on n’est pas champion, ce n’est pas uniquement à cause de « l’affaire Carnus-Bosquier » mais parce que l’OM a réalisé une saison fantastique. On échoue au pied du podium à un petit point des Marseillais. »
Entre 1967 et 1972, sur le plan national, Albert Batteux remporte avec l’ASSE trois titres consécutifs de champion (1968,1969 et 1970) et deux Coupes de France (1968 et 1970). Sur la scène européenne, on retiendra surtout la qualification contre le Bayern Munich en 1969 (0-2 au match aller, 3-0 au match retour).

Les joueurs et dirigeants stéphanois reçus à l'Elysée par le président Georges Pompidou après leur doublé en 1970.
Le 25 juin 1970, les joueurs et dirigeants stéphanois sont reçus à l’Elysée par le président Georges Pompidou après leur doublé.

En 1967, Jean Snella avait transmis le témoin de l’A.S.S.E. à Albert Batteux avec beaucoup d’élégance. En 1972, Albert Batteux a lancé Robert Herbin dans des conditions aussi parfaites. Question de classe…

Dans L’Equipe du 23 mai 1972, Philippe Tournon, journaliste au quotidien, raconte le dîner d’adieu d’Albert Batteux. Assis à côté de Robert Herbin, son digne successeur, le désormais ex-entraîneur des Verts déclare : « Je n’ai pas la prétention de vous avoir appris à jouer au football. Ce n’était d’ailleurs pas mon rôle. J’espère seulement vous avoir aidé à vous accomplir dans votre profession de footballeur, à faire et à prendre votre place dans la collectivité du football et dans la vie. »

Vidéo : Après la finale de la Coupe de France remportée devant Nantes (5-0) au stade Yves du Manoir le 31 mai 1970, Michel Drucker invite toute l’équipe de l’ASSE sur son plateau de Télé dimanche.

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Vous reprendrez bien quelques « bulles »…

 

« Et dire que nous n’avions jamais été battus à Saint-Etienne ! »

30 mai 1948. Saint-Etienne-Reims : 3-2.
Dernier match de la saison 1947-48. L’équipe d’Ignace Tax reçoit le Stade de Reims qui joue pour le titre. Les Stéphanois avaient prévenu les Rémois : « Méfiez-vous de Cuissard « . Visiblement, ils n’ont pas écouté. L’international stéphanois, Antoine Cuissard, dit « Tatane » a ajouté en cinq minutes deux nouvelles unités à son compteur. Henri Roessler, l’entraîneur rémois ne décolérait pas : « Toi, Petitfils, les Stéphanois eux-mêmes t’avaient pourtant mis en garde gentiment… contre le « danger Cuissard. » Ils t’avaient recommandé de ne pas lâcher Cuissard d’un pouce, faute de quoi, ils t’avaient promis que Cuissard marquerait un but ! »
Les joueurs et dirigeants pestaient également contre M. Fauquemberghe, l’arbitre de la rencontre, qui, d’après eux, avait écourté le jeu d’une minute au moins et sifflé la fin presque aussitôt après le deuxième but de Sinibaldi (88e), auteur, lui aussi, d’un doublé.
« Le pire de l’histoire, c’est que nous venons de concéder notre première défaite à Saint-Etienne en championnat national ! Elle nous a fait perdre non seulement la première place, mais encore… la seconde au profit des Lillois. »
Reims se classe 3e et Saint-Etienne 4e.
Une mauvaise journée pour Reims que ce 30 mai 1948 !

La composition des équipes :
Saint-Etienne : Jacquin – Huguet, Calligaris, Mathieu – Cuissard, Vernay – Firoud, Jancowski – Alpsteg, Lauer, Rodriguez. Entraîneur : Tax.
Reims : Favre – Jacowski, Joncquet, Marche – Kuta, Belver – Batteux, Petitfils – Bini, Sinibaldi, Flamion. Entraîneur : Roessler.

 

A couper le sifflet…

24 août 1952. Saint-Etienne-Reims : 2-6.

Ce match entre Stéphanois et Rémois est arbitré par un néophyte à ce niveau national. M. Guigne a une particularité : il est gendarme de profession. Par conséquent, un as du sifflet sachant se faire respecter… Toujours est-il qu’il n’a pas évité aux Stéphanois de se prendre… un carton à domicile.
Une mauvaise journée pour Saint-Etienne que ce 24 août 1952 !

« Terminus, tout le monde descend ! »

Toujours le 24 août 1952. Le président du Stade Rémois, M. Canard, proche de son équipe, avait décidé de faire le déplacement à Saint-Etienne. Le moyen de transport le plus rapide étant le train, il monta, par erreur, dans une voiture étiquetée Clermont-Ferrand.
Seul problème, à Saint-Germain-des-Fossés, des voitures directes pour Clermont sont détachées du train Paris-Saint-Etienne. M. Canard, croyant être dans le bon train, entendit crier : « Clermont-Ferrand, tout le monde descend!
Ni une, ni deux, il sauta à la hâte dans un train qui partait de Clermont vers… Saint-Germain-des-Fossés où il changea à nouveau de train. Il arriva à Saint-Etienne vers… 5 heures du matin.
Sacrée expédition.

 

Y’avait le feu à Saint-Etienne

Le 20 avril 1954. Saint-Etienne-Reims : 0-1
Le lendemain soir de la défaite de Saint-Etienne devant Reims, un incendie éclatait dans l’immeuble du Café de la Paix. C’est précisément où se trouve le siège de l’AS Saint-Etienne. Il y a des défaites qui partent en fumée.

 

Autre époque…

24 février 1957 : Saint-Etienne-Reims : 0-0

30 968 spectateurs au stade Geoffroy-Guichard. Un record. Plus une place à vendre. L’engouement pour cette rencontre est tellement forte que MM. Faurand et Fontanilles, les dirigeants stéphanois, ont fait installer 4 000 chaises supplémentaires, dont 2 000 ont été prêtées par la municipalité lyonnaise. Les 2 000 autres ont été réquisitionnées dans les parcs et jardins publics de Saint-Etienne.

Record de spectateurs à Geoffroy-Guichard pour la venue de Reims
Record de spectateurs à Geoffroy-Guichard pour la venue de Reims.

Cadeaux à gogo…

28 mai 1967. Saint-Etienne-Reims : 3-0.
Hervé Revelli a supplié Jean Snella de lui donner le ballon du « sacre », c’est-à-dire celui de Saint-Etienne-Reims. Jean Snella le lui a promis : « Je te le nettoierai et tu pourras le garder. » Quand on sait avec quel soin l’entraîneur stéphanois s’occupait de ses ballons, il faut reconnaître que le cadeau a son prix.
Quant au jeune défenseur stéphanois Georges Polny, le 19 juin, il a pu présenter dans sa corbeille de mariage, le titre de champion de France.

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Les Verts so Nice

Nice et Saint-Etienne s’affrontent ce week-end pour le compte de la quatorzième journée. Avec dix titres de champion de France pour les Verts, quatre pour les Aiglons, ce classique de la Ligue 1 entre deux clubs au passé prestigieux est attendu comme on attend les feuilles mortes en automne ou les bourgeons au printemps. Attachez vos ceintures, « Sur la route des Verts », c’est un long voyage dans le passé.

 

Nice-Saint-Etienne : une première et un drame

1er mai 1949. Pour cette première au stade du Ray entre l’OGC Nice et l’AS Saint-Etienne en Division 1, le public venu nombreux, retrouve ses deux nouveaux internationaux Mindonnet et Bonifaci et découvre les trois autres capés, Cuissard, Alpsteg ou Huguet côté stéphanois.

Le duel tourne rapidement à l’avantage des Aiglons qui ouvrent le score dès la 7e minute par Rolland. Sans un Jacquin des grands jours, l’addition aurait pu être plus lourde.

Mais en marge de ce match, un deuil frappe l’ASSE. En effet, l’international tchécoslovaque, Miroslav Jankowski, qui avait préféré rester au Chambon-Feugerolles pour suivre une course cycliste, plutôt que de se rendre à Nice avec l’équipe stéphanoise, est victime d’un accident de moto. Le club stéphanois perd l’un de ses meilleurs joueurs.

La composition des équipes :

Nice : Favre – Firoud, Mindonnet, Gaillard – Luciano, Belver – Bonifaci, Gallard -Rolland, Carré, Ben Tifour. Entraîneur : Marek.

Saint-Etienne : Jacquin – Huguet, Calligaris, Fernandez – Vialleron, Rémy – Cuissard, Lauer – Alpsteg, Hanus, Rodriguez. Entraîneur : Tax.

Antoine Cuissard, le milieu de terrain stéphanois
Antoine Cuissard, le milieu de terrain stéphanois

 

Hervé Revelli : de Saint-Etienne à Nice

Juin 1971. Francis Camérini, natif de Marseille, souhaite quitter l’AS Saint-Etienne pour des raisons personnelles. Nice, qui dispose d’une enveloppe conséquente pour effectuer son mercato estival, l’engage.

Dans la foulée de ce transfert, un autre Stéphanois demande à partir. Et non des moindres : Hervé Revelli. L’éclosion de Salif Keita ainsi que son repositionnement sur le terrain ont contribué à le rendre moins efficace, ce qui lui vaut le courroux des supporters. Mécontent, Hervé vit mal cette situation.

Hervé Revelli, le Stéphanois
Hervé Revelli, le Stéphanois

J’ai contacté l’aîné des Revelli qui a gentiment accepté de revenir sur cette période et de me raconter le déroulement de son transfert :
« Quand je demande à M. Batteux, mon entraîneur, et à M. Rocher, mon président, de me transférer, je reçois une fin de non-recevoir. Ils ne comprennent pas ma décision de quitter le club. Mais devant mon obstination, ils finissent par céder à ma requête et me placent sur la liste des transferts. » Immédiatement, les offres affluent : Nice entre dans la danse, Reims surenchérit sur la proposition niçoise, Marseille, et quelques autres se manifestent à leur tour.
Les discussions sont âpres, M. Loeuillet, le président niçois, ne veut pas dépasser le budget qu’il s’est fixé : « Hervé me fait dépasser mon enveloppe allouée pour les transferts. »

Rocher menace alors de transférer son joueur à Reims si les conditions ne sont pas réunies. Finalement, sur les conseils de Charly Loubet qui connaît bien le joueur Stéphanois, le président niçois cède et la transaction est conclue moyennant 73 millions d’anciens francs. «Une somme rondelette pour l’époque. M. Rocher m’a ensuite appelé pour me dire qu’il s’était mis d’accord avec son homologue niçois.

En vacances à Cannes, j’ai rencontré celui qui allait devenir mon futur président le 30 juin et j’ai paraphé un contrat de quatre ans. »

Revelli fait partie au même titre que Baratelli, Camérini, Loubet et Huck de l’équipe des « Millionnaires de la Côte ».

Hervé Revelli sous le maillot niçois avec Roger Jouve.
Hervé Revelli sous le maillot niçois avec Roger Jouve.

Le téléphone sonne à minuit

« J’ai passé deux très bonnes saisons à Nice. L’entente était parfaite avec mes partenaires, le soleil était au rendez-vous, j’étais chez moi. Mais un soir d’été 73, je reçois un coup de téléphone à minuit. Pierre Garonnaire au bout du fil. » Le recruteur stéphanois n’a pas oublié celui qui fut par deux fois le meilleur buteur du championnat (1967, 31 buts et 1970, 28 buts). Il souhaite son retour au club. D’autant que sur la Côte d’Azur, il n’a rien perdu de ses qualités de buteur : 41 matches disputés pour… 41 marqués. Garonnaire lui demande : « Hervé, on va monter une grosse équipe à Saint-Etienne. »

Etonné de cet appel aussi tardif, je lui réponds que je suis content pour eux. Mais « Garo » enchaîne : « Avec Roby (Herbin), on aimerait bien que tu reviennes à Saint-Etienne. » Surpris, je lui demande quelles sont les ambitions du club. « L’Europe » répond Garo. « L’Europe ? Mais avec quels joueurs ? Je n’ai pu m’empêcher de rire. » s’esclaffe le Niçois.

Le recruteur stéphanois déroule une liste peu convaincante, dans un premier temps, aux yeux de Revelli : « Il y a des cadres que tu connais comme Yvan (Curkovic), Oswaldo (Piazza) contre qui tu as joué en Argentine, Jean-Michel (Larqué) et Georges (Bereta) et… toi en attaque.

Toujours aussi sceptique, je lui rétorque : « Et les autres ? »

– « Les autres ? Eh bien ce sont les jeunes du centre de formation. »

– Attendez ! On va jouer l’Europe avec les jeunes du centre de formation?

– Oui et tu les connais. Janvion, Lopez, Bathenay, Synaeghel, ton frère Patrick… Ecoute Hervé, je suis sûr que l’on va réussir. Reviens à Sainté. Roby va te parler des méthodes d’entraînement qu’il préconise… On va s’entraîner comme les Anglais ou les Allemands. Réfléchis, M. Rocher t’appellera demain matin, il est dans le Sud. »

Le lendemain matin, le président stéphanois en vacances à Antibes avec sa femme lui fixe un rendez-vous à 11 h 30 sur leur bateau. Rocher annonce à Revelli qu’il s’est arrangé avec M. Loeuillet. Mais le néo-Stéphanois, cette fois en position de force, négocie au mieux son retour. « Sur le coup, il a tiqué, c’est à prendre ou à laisser. Moi, je suis bien à Nice. » L’homme à la pipe lui tape dans la main, en homme d’honneur qu’il est. Revelli revient à « Sainté ».

Ultime offensive de Monaco et Reims

« Je repars à Cannes où je passe mes vacances. En fin d’après-midi, Le téléphone sonne. M. Campora, le président de l’AS Monaco.

« M. Revelli, j’ai appris que vous étiez transférable…

– Désolé M. Campora, je ne le suis plus.

– Vous avez signé ailleurs?

– Non, je n’ai signé nulle part mais j’ai donné ma parole à M. Rocher et je repars à Saint-Etienne.

– Ce que vous donne Saint-Etienne, moi, je le double…

– Vous savez, M. Campora, même si je suis du Midi, je suis Stéphanois avant tout.

– Réfléchissez encore, je vous rappelle en fin de soirée. »

« Finalement, M. Germain, le président du Stade de Reims l’appelle, lui aussi, informé d’un éventuel transfert du Niçois, lui dit :

« Reims a des moyens financiers importants. M. Revelli, votre prix sera le nôtre. »

Hervé Revelli ne se reniera pas. Il signera bel et bien à Saint-Etienne.

Herbin : du Cavigal à Saint-Etienne

Le 29 septembre 1957, un jeune joueur prometteur de dix-huit ans joue son premier match sous le maillot des Verts : il s’agit de Robert Herbin, « Roby » pour les intimes. Le premier d’une histoire qui va durer près de trente ans entre le joueur et l’AS Saint-Etienne.

Le jeune Robert Herbin.
Le jeune Robert Herbin.

Evoluant comme amateur au club du Cavigal de Nice, son arrivée dans le monde des professionnels ne fut pas simple. En ce printemps 1957, les spécialistes du football français s’accordent à penser et dire que Robert Herbin sera un joueur de talent. Il vient de faire ses preuves au tournoi international européen en Espagne. La presse de l’époque le compare à Robert Jonquet : il est décontracté, souple, doté d’une bonne détente, possède un sens aigu du jeu et de l’anticipation et d’une bonne frappe de balle. Il est de surcroît plus solide que le Rémois. Toutes ces qualités réunies attisent les convoitises des plus grands clubs français du moment. La proximité avec son club d’origine fait qu’il est d’abord sollicité par l’O.G.C Nice. Ce dernier voulait intégrer au sein de son équipe le jeune prodige issu de leur propre ville. Les premières tractations sont conduites sous l’égide du père du jeune « Roby », alors mineur, qui souhaite assurer à son fils un véritable avenir professionnel tout en lui offrant de réels avantages financiers.

L’affaire semble bien engagée. Mais c’est sans compter sur l’intervention de Pierre Garonnaire, recruteur de jeunes talents pour les Verts. Robert Herbin, sur les conseils de Bob Rémond, son « père spirituel » au Cavigal, prend contact avec l’AS Saint-Etienne et reçoit comme garantie de Jean Snella un contrat professionnel et une place de titulaire en équipe première. Fort de cette proposition faite à « Roby », Pierre Garonnaire décide de se rendre en ce début de juillet 1957 à Nice, chez ses parents, afin de lui faire signer un premier contrat professionnel avec les Verts.

A son arrivée chez les Herbin, il est d’abord reçu par sa mère. Son père qui se reposait accepte de rencontrer le recruteur. M. Herbin père informe Pierre Garonnaire qu’un accord vient d’être trouvé avec l’O.G.C Nice. Consterné par cette nouvelle, « Garo » essaie de convaincre le chef de famille de changer d’avis d’autant qu’il vient d’apprendre que le contrat entre le club de Nice et Robert Herbin n’a pas encore été signé. Il vante les qualités du club de Saint-Etienne mais son père reste sur ses positions. A ce moment précis, Mme Herbin, retirée dans une pièce voisine, décide d’intervenir. Elle réussit à convaincre son mari de changer d’avis en lui disant qu’il sera bien mieux à Saint-Etienne. « Roby », par la conviction de sa mère, penche ainsi du côté des Verts plutôt que des Aiglons.

Ce 2 juillet 1957, au restaurant Le Mac-Mahon, M. Herbin signe avec Pierre Garonnaire le contrat professionnel de Robert. Ce contrat est négocié pour deux millions et demi d’anciens francs.

Apprenant cette nouvelle, les dirigeants de l’O.G.C Nice, furieux, décident de contester le contrat signé et portent l’affaire devant la Ligue nationale professionnelle. « Le comité des cinq », réuni une première fois le 13 septembre 1957 pour trancher cette affaire, demande de nouvelles pièces et renvoie sa décision. Finalement, le 20 septembre, le comité valide le contrat du jeune joueur avec le club de Saint-Etienne. Comble de l’histoire, le premier match des 382 de Robert Herbin oppose Saint-Etienne… à Nice. Il se solde par un match nul (1-1).

Le jeune Herbin avec son père (à droite), attend dans les couloirs de la Ligue, boulevard de Courcelles à Paris d'être entendu par le "comité des cinq".
Le jeune Herbin avec son père (à droite), attend dans les couloirs de la Ligue, boulevard de Courcelles à Paris d’être entendu par le « comité des cinq ».

Quatorze ans  plus tard, Robert Herbin retrouve « son » Cavigal de Nice où l’équipe de Bob Rémond dispute un tournoi international juniors à Saint-Etienne. « Rien n’a changé, dit-il, même le capitaine qui m’a remplacé comme arrière central a les cheveux de la même couleur que les miens ! »

L’Histoire est un éternel recommencement.