Blog 1 – Saint-Etienne : entre stabilité et ambitions

Le 5 juin 1956, à Saint-Etienne, on a mis les petits plats dans les grands. Bien que démissionnaire du Groupement des joueurs professionnels, Paul Nicolas a effectué le déplacement dans la Loire pour inaugurer le nouveau local de l’ASSE situé au 13 rue de la Résistance.

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Programme du match ASSE-OM – Musée des Verts.

Devant un parterre composé de personnalités locales telles que M. Fraissinette, maire de la ville, M. Paret, secrétaire du club, mais aussi Roger Rocher et Jean Snella, le président Pierre Faurand prononce une brève allocution. Après avoir remercié M. le Maire, il a promis, à travers son club de football, de faire tout son possible pour promouvoir la ville tant en France qu’à l’étranger. « Après avoir sorti l’ASSE d’un mauvais pas, reconnaît-il, reconstitué l’équipe, formé des jeunes, organisé ce siège et apporté quelques aménagements secondaires au stade Geoffroy-Guichard, notre premier souci est maintenant d’avoir un stade digne de Saint-Etienne. »

A l’issue de cette cérémonie, Paul Nicolas remet à Jean Snella, l’entraîneur stéphanois, la médaille du Groupement.

Le vendredi 15 juin 1956, le journal régional La Tribune-Le Progrès apeure le microcosme footballistique stéphanois :

« Tous les joueurs de l’ASSE sur la liste des transferts ! »

(pourtant, tous auraient promis de renouveler leur contrat).

En parcourant l’article de Pierre Legalery, le journaliste qui suit l’ASSE pour le Progrès, les supporters des Verts vont très vite être rassurés. Sauf cataclysme, en 1956-57, ils reverront bien sous le maillot vert les Kees Rijvers, Rachid Mekloufi et autre Claude Abbes.

Le règlement oblige en effet les clubs professionnels à avertir leurs joueurs par « carte-lettre » recommandée qu’ils renouvellent leur contrat. Or, à cette date du 15 juin, tous les pensionnaires de l’ASSE -y compris Mekloufi- sont en tournée aux Pays-Bas et en Allemagne.

La question de confiance

Avant de quitter la Loire pour la ville allemande d’Essen, et par mesure de précaution, le président Faurand avait posé la question de confiance à ses joueurs. A savoir s’ils souhaitaient prolonger l’aventure dans le club qu’il dirige ou, le cas échéant, le quitter. A une ou deux exceptions près, tous s’étaient fendus d’un « Oui » pour débuter l’exercice et défendre les couleurs stéphanoises. Sauf offre exceptionnelle, l’ossature de l’AS Saint-Etienne sera donc la même fin août pour les trois coups du Championnat de Division 1 .

N’Jo Lea et Foix veulent partir

Le 3 juillet, au théâtre de l’Eden à Saint-Etienne, Maurice Chevalier est l’invité d’honneur des journalistes stéphanois. Le canotier bien vissé sur la tête, il fait son tour de chant et enflamme une salle conquise. Une sorte de jubilé pour celui qui était déjà venu chanter ici il y a… cinquante ans. De jubilé, deux joueurs stéphanois pourraient bientôt faire le leur tant les rumeurs de départ sont insistantes. Ces deux joueurs -et non des moindres- se nomment Jacques Foix et Eugène N’Jo Lea.

Le premier, Jacques Foix, a le mal du pays et souhaite se rapprocher de son Sud-Ouest natal. Le second, Eugène N’Jo Lea, suit des cours à la faculté de droit de Lyon. Las d’effectuer les allers et retours quotidiens entre Saint-Etienne et Lyon, il a exprimé à ses dirigeants le souhait d’être transféré.

N’Jo Lea a des envies d’ailleurs

Eugène N’Jo Lea a des envies d’ailleurs et ne s’en cache plus. A l’issue de la défaite de la sélection inédite composée de joueurs de l’OL et de l’ASSE contre la Hongrie de Puskas (7-3), les dirigeants stéphanois et lyonnais ont échangé concernant une éventuelle transaction. Il se murmurait même du côté du stade Geoffroy-Guichard que Pierre Faurand était prêt à céder aux desiderata de l’international Camerounais. Pour compenser une telle perte, le nom de Ernie Schultz, l’avant-centre de l’OL, a même été avancé pour effectuer le chemin inverse. Mais la piètre prestation du Lyonnais contre les Magyars n’a pas emballé l’état-major stéphanois au grand complet.

Armand Groslevin, le président lyonnais, enthousiasmé dans un premier temps par l’arrivée d’un tel renfort, aimerait bien compter dans son club l’attaquant stéphanois. Il sait l’apport que pourrait constituer un tel renfort. Pourtant, à la mi-juin, il déchante quelque peu, et ce, pour deux raisons : « N’Jo Lea est amateur et ne peut jouer dans une équipe amateur comprenant une équipe professionnelle qui est de la même Ligue. Ce qui est le cas de Saint-Etienne et de Lyon. » L’autre raison invoquée est d’ordre financier : « Si N’Jo Lea était professionnel, aucun problème ne serait à débattre, si Saint-Etienne, bien entendu, était d’accord pour le transfert.» concède encore le grand argentier de l’OL.

Jacques Foix a le mal du pays

Arrivé du Racing Club Paris dans la cité minière en 1953, ce fils d’une famille de footballeurs se plaît bien à Saint-Etienne. Mais voilà, son Sud-Ouest natal ne cesse de lui manquer chaque jour un peu plus et un transfert vers un club du sud de la France ne serait pas pour lui déplaire. A Paris, les journaux bien informés font état de contacts avancés avec Toulouse. Une aubaine pour le buteur stéphanois, auteur de 20 buts en Championnat de Division 1 en 1955-56. Pour prendre ses concurrents de vitesse, le club de Haute-Garonne propose aux dirigeants de l’ASSE un échange avec René Derreudre plus 3 millions d’anciens francs.

Si Toulouse se fait insistant sur le dossier, d’autres clubs reniflent également la bonne affaire et se verraient bien attirer dans leurs filets ce « gros poisson ». Parmi ceux-là, figure en bonne place l’OGC Nice, champion de France en titre.

Une indemnité qui fait réfléchir

A Saint-Etienne, le jeu de l’offre et de la demande bat son plein. Les dirigeants stéphanois ne semblent pourtant pas pressés de répondre aux sollicitations des uns et des autres. Fin juin, Pierre Faurand et Louis Fontanilles en tête, assurent pourtant qu’ils n’ont aucune proposition concernant leur ailier droit.

 

« Si l’on nous proposait la grosse somme pour Ferry et Foix, évidemment, nous examinerions les dites propositions. »

Pierre Faurand

 

Pierre Faurand et les dirigeants stéphanois paraissent ouverts à toute négociation mais pas à n’importe quelle condition. Si Jacques Foix devait quitter le club, il n’en demanderaient pas moins de 13 millions d’anciens francs. De quoi faire réfléchir les éventuels acquéreurs en quête d’un buteur confirmé.

Monaco entre dans la danse

Monaco, a terminé le Championnat à la 4e place. A égalité de points avec Saint-Etienne (41), l’équipe princière alors entraînée par Ladislav Dupal, n’a devancé celle de Jean Snella qu’à la différence de buts (+ 18 contre + 15).

Depuis, Dupal n’est plus là mais Anton Marek, son remplaçant, souhaite poursuivre le travail effectué par son prédécesseur. Pour cela, l’ex-entraîneur de Lens compte apporter un peu de sang neuf à son effectif. Pour se faire, il espère enrôler trois joueurs confirmés dont un avant-centre chevronné. Pour accéder à la demande de leur nouveau patron technique, les dirigeants monégasques ont, à leur tour, contacté Jacques Foix. Mais s’ils veulent convaincre le Stéphanois de les rejoindre, ils savent, en revanche, qu’ils devront ruser d’ingéniosité pour attirer l’international.

Snella compte sur les jeunes

Le 10 juillet, lors de l’assemblée générale de l’ASSE, Pierre Faurand reste très évasif sur le probable départ de Jacques Foix. Il préfère mettre l’accent sur la politique des jeunes instaurée par Jean Snella. A l’assistance présente, il annonce la signature officielle d’un contrat de non-sollicitation des jeunes Da Silva (E.D.S. Montluçon), Jean-Baptiste Bordas et Le Ber (Orléans), Christian Garcia (Roche-la-Molière) et  Jean-Paul Biscarrat (Lyon). Vainqueur du concours du jeune footballeur à Lyon, ce dernier joue au poste de demi.

Le 25 juillet, le Tour de France cycliste fait une halte dans la capitale du cycle que constitue Saint-Etienne. Le lendemain, au stade Geoffroy-Guichard, Jean Snella et Pierre Faurand assistent au départ du contre-la-montre Saint-Etienne-Lyon. Entre deux départs de coureurs, l’entraîneur stéphanois en profite pour confier :

 

« Nous restons, à Saint-Etienne, fidèles à la politique qui a porté ses fruits, c’est-à-dire à la formation et à l’amélioration de jeunes talents régionaux. Ce travail de base me passionne comme il passionne également M. Faurand. »

Jean Snella

 

L’entraîneur de l’ASSE, considéré comme le plus sérieux du football français, aime aussi rappeler que c’est son club qui, la saison dernière, a donné le plus grand nombre de joueurs aux différentes sélections nationales de professionnels et d’amateurs.

La saison à venir devrait donc être celle de la confirmation pour beaucoup de jeunes. La confiance sera accordée aux champions de France Amateurs que sont René Ferrier, Richard et Michel Tylinski, Yvon Goujon et Georges Peyroche. Lors du précédent exercice, à l’exception de Michel Tylinski, les quatre autres ont disputé au total 35 matches qui se répartissent comme suivent :

  1. René Ferrier : 9 matches
  2. Richard Tylinski : 8
  3. Georges Peyroche : 6
  4. Jean Oleksiak : 3
  5. Yvon Goujon : 9

 

 

« Richard Tylinski remplacera De Cecco dès le début de la saison prochaine.»

Pierre Faurand



 

 

N’Jo Lea reste en Vert

Pour de nombreux supporters stéphanois, il ne faisait plus guère de doute qu’Eugène N’Jo Lea allait filer à Lyon disposé à l’accueillir. Mais contre toute attente, la flèche camerounaise a finalement décidé de rester à l’ASSE. Cette volte-face met provisoirement un terme à l’arrivée de Ginès Liron. Pour ne pas être pris de court et pallier le départ probable du Camerounais, les dirigeants stéphanois avaient engagé des négociations avec l’avant-centre nîmois originaire de Rive-de-Gier. Pour cet élève de Jean Claustrat, ancien joueur de l’ASSE des années 40, son arrivée à Saint-Etienne aurait été une magnifique revanche. Alors qu’il pensait signer à Saint-Etienne en 1954, il avait attendu en vain un signe des dirigeants ligériens avant de s’engager au Nîmes Olympique de Pierre Pibarot.

De Hédiart à Devlaminck

En matière de transferts, la vérité d’un jour n’est pas forcément celle du lendemain. En quête d’un attaquant international, le club stéphanois avait bien avancé sur le dossier Jean Hédiart. L’attaquant du FC Nancy, visiblement intéressé par la proposition stéphanoise -le chiffre de 10 millions d’anciens francs a même été avancé- a depuis peu, reçu d’autres offres qualifiées de « plus alléchantes » de la part des clubs de Marseille, Lille ou encore Monaco.

Autre piste crédible explorée par les dirigeants de l’ASSE durant cette intersaison : celle qui mène à Fernand Devlaminck. Âgé de 23 ans et demi, le joueur troyen, révélé au CO Roubaix-Tourcoing, jouit d’une excellente réputation mais comme pour Hédiart, plusieurs clubs -et non des moindres- sont à l’affût : Bordeaux, Nîmes, Nice, Lyon et surtout Lille sont également entrés en contact avec l’international.

A la mi-juillet, seuls Joseph Ibanez et Jean De Cecco ont fait leurs valises. Après quatre années passées à l’ASSE, le premier, surnommé « Petites Pattes », a rejoint Perpignan.

L’autre départ est celui de Jean De Cecco. L’Italien naturalisé, qui occupait le poste de demi-centre à l’ASSE, s’est mis d’accord avec les dirigeants nantais pour rejoindre les bords de l’Erdre.

Thierry CLEMENCEAU

 

Brèves en stock

Le FC Rouen pensionnaire de Division 1, connaît des difficultés financières. Le club normand qui a terminé le précédent exercice avec un déficit de 14 millions d’anciens francs, espère un geste financier de la part de sa municipalité. A défaut, il pourrait voir plusieurs de ses joueurs quitter la capitale normande. C’est déjà le cas de l’international junior François Heutte. Le prometteur ailier, doté d’une excellente frappe et d’un crochet dévastateur pour ses adversaires, a envoyé une lettre de démission à ses dirigeants.

Marcel Le Borgne choisit l’OL

 Saint-Etienne garde un excellent souvenir du Breton Antoine Cuissard. Dans l’Ouest de la France, un autre footballeur talentueux a longtemps suscité l’intérêt des dirigeants de l’ASSE. Marcel Le Borgne, le jeune ailier (ou inter) gauche de Carhaix, n’avait que l’embarras du choix pour poursuivre sa carrière : Nice, Reims, le Racing, Saint-Etienne et Lyon étaient sur les rangs pour héberger ce talent en herbe. Après réflexion, le jeune breton a signé un contrat de stagiaire à l’OL.

 

Rocher aime le Tour de France

Le 25 juillet, le Tour de France s’arrête à Saint-Etienne. Roger Rocher, le président du club de football de l’Olympique de Saint-Etienne, ne rate jamais une occasion d’assister à une étape de la Grande Boucle, surtout quand il passe par la capitale du cycle. Ce mois de juillet 1956, pour sa quatrième participation à cette grande fête du cyclisme, l’entrepreneur de travaux publics a livré ses impressions : « Celui-ci est, en effet, le plus intéressant de ceux auxquels j’ai assisté. Il y a eu de constants changements au classement et à deux étapes de la fin, on se demande encore qui va gagner. »

 

Dans les rangs amateurs de l’ASSE, deux jeunes cadets issus de la Ligue d’Auvergne, ont signé un contrat de non-sollicitation avec l’ASSE. Le premier, Jean Masson, débarque de Brives-Charensac tandis que le second, Versapuech, arrive de Saint-Flour.

 

Rijvers soutient Nolten

Le 26 juillet, le Tour de France quitte Saint-Etienne et le stade-Geoffroy-Guichard pour rallier Lyon et son vélodrome du Stade Municipal. S’ils étaient 200 000 pour accueillir l’étape la veille, la 20e étape n’a pas connu le même succès à l’arrivée des coureurs dans la capitale des Gaules. A l’instar de Roger Rocher, Kees Rijvers, le stratège hollandais de l’ASSE, a tenu à effectuer l’étape entre Saint-Etienne et Lyon. Et pour cause : il avait mis sa voiture à la disposition des organisateurs pour mieux accompagner son compatriote Jan Nolten. « Il est le meilleur de l’équipe, lâche-t-il, admiratif. Il serait mieux classé s’il n’avait dû aider Wagtmans. »

Th.C.

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Le Chaudron se visite aussi

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Découvrez ou redécouvrez le Musée des Verts comme vous ne l’avez jamais vu !

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ASSE Musée des Verts - Visite guidée du Musée des Verts avec le Conservateur

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Auteur : surlaroutedesverts

Comme Obélix, tout petit, je suis tombé dans le Chaudron. Et je n’en suis jamais sorti. Mon premier souvenir d’un match des Verts remonte au 17 mars 1976. Ce soir-là, Saint-Etienne s’offre une qualification pour les demi-finales de la plus prestigieuse des Coupes d’Europe face au Dynamo de Kiev. Quel plus beau cadeau, le jour de mes 9 ans, que de voir Dominique Rocheteau, Charentais maritime comme moi, faire exploser le stade Geoffroy-Guichard. A travers ce blog, je vous propose de revivre huit décennies de moments forts de l’histoire du club, d’anecdotes croustillantes, de personnages emblématiques et de  matches inoubliables dans une ambiance unique en France…

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