Nantes-Saint-Etienne : la belle affiche

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Samedi soir, Saint-Etienne se déplace à Nantes pour le compte de la 37e et avant-dernière journée du championnat de Ligue 1. En 1962, les Verts jouaient leur premier match dans le stade Malakoff rebaptisé plus tard Marcel-Saupin. Après la Coupe du monde en Angleterre, la FFF fait appel à un duo inédit pour relancer les Bleus : Jean Snella et José Arribas. Enfin, c’est au stade Marcel Saupin que Jean-Michel Larqué effectue ses premiers pas en professionnel. Bonne lecture.

Première au stade Malakoff

9 septembre 1962. Nantes-Saint-Etienne (0-4).

Ce 9 septembre 1962, Nantes accueille pour la première fois de son histoire Saint-Etienne. Cette quatrième journée de championnat de Division 2 provoque sur les bords de la Loire un véritable engouement. En cette belle soirée de fin d’été, le stade Malakoff accueille12 706 spectateurs parmi lesquels, Henri Guérin, le sélectionneur national. Les Stéphanois ont à coeur de se rattraper après leur défaite à Béziers (1-3) alors que ces mêmes Biterrois avaient subi la loi des Nantais (0-3) une semaine plus tôt. Wicart, l’entraîneur forézien est inquiet. Pour ce déplacement, il est privé de Herbin, Oleksiak, Bordas et Foix, soit autant de joueurs de métier. Les hommes de Wicart s’engagent rapidement dans la partie.

Stade Malakoff à Nantes.
Stade Malakoff à Nantes.

Balboa, buteur d’entrée

Dès la 2e minute, Balboa ouvre le score sur une ouverture minutieuse de Faivre (0-1). Il ne faut pas plus d’un quart d’heure pour voir Mitoraj accentuer l’avance des Verts (0-2, 16e). A la 29e minute, Baulu s’amuse des défenseurs nantais pour placer un tir qui laisse Eon sans réaction (0-3). Après une demi-heure de jeu, la cause est entendue. Bien regroupés autour de leur gardien Philippe, les défenseurs stéphanois ne laissent que très peu de chances aux attaquants nantais.

Faivre clôture la marque

A la 76e minute, une combinaison entre Faivre et Baulu permet au premier d’aggraver la marque (0-4). Le public nantais, mécontent de cette humiliation, invective les siens et applaudit Baulu, revigoré par la présence du sélectionneur. René Ferrier, l’international stéphanois, continue d’alimenter son quatuor d’attaque en bons ballons. Fidèle à sa réputation, il montre une nouvelle fois ses qualités à Guérin. En revanche, ce dernier devra encore patienter pour un autre Stéphanois, Georges Polny.

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René Ferrier, auteur d’un très bon match sous les yeux du sélectionneur.

Les Verts se relancent

Domingo et les siens, au stade Malakoff, contrairement à Béziers, ont joué sur leur vraie valeur. Cela laisse augurer d’un avenir prometteur. La mine réjouie du président Rocher et du masseur Minasso, l’ex-soigneur de Roger Rivière, en disaient long sur les possibilités de leur équipe. Grâce à cette victoire, Saint-Etienne revient à un point du Havre, le leader. L’opération « remontée en Division 1 » est commencée.
Nantes : Eon – Bout, Gonzalès, Fiori – Suaudeau, Le Chenadec – Couronne, Lhomme, Blanchet, Guillot, Boukhalfa. Entr.: Arribas.
Saint-Etienne : Philippe – Polny, Tylinski, Courbon – Domingo, Biscarrat – Baulu, Mitoraj, Faivre, Ferrier, Balboa. Entr.: Wicart.

 

 

Jean Snella et José Arribas au chevet des Bleus

Ce samedi 3 septembre 1966, le leader Saint-Etienne ne peut faire mieux qu’un match nul contre Bordeaux (1-1) lors de la 4e journée de Division 1. Dans le même temps, dans le derby breton, Nantes s’impose devant Rennes (1-0). Les Nantais détrônent les Verts sur la plus haute marche du podium. Après quatre journées de championnat, les deux équipes comptent le même nombre de points (7) mais la formation de José Arribas compte un petit but de plus (+ 6 contre + 5) que celle de Jean Snella.

Henri Guérin sur la sellette

Mais, au même moment, un autre match se joue à la Fédération Française de Football. En effet, cette dernière, après vingt-quatre heures de débats, scelle le sort d’Henri Guérin qui occupe le poste d’entraîneur-sélectionneur des équipes de France depuis le 12 juillet 1964. L’ancien entraîneur de Rennes et Saint-Etienne paie ses mauvais résultats à la tête de la sélection. L’équipe de France a raté sa Coupe du monde sur le sol anglais. Adepte du « béton », Guérin ne fait pas l’unanimité auprès de ses joueurs, notamment auprès de Robert Herbin qui fustige ce système de jeu. La FFF souhaite que cette fonction soit dorénavant occupée par un entraîneur de club.

Henri Guérin assis sur le banc du Stade Rennais.
Henri Guérin paie la mauvaise Coupe du monde des Tricolores.

Arribas et Snella plébiscités

Le choix se porte en premier lieu sur José Arribas, l’entraîneur du FC Nantes. Mais l’homme est pudique, voire discret. Le second choix se porte sur Jean Snella. L’entraîneur stéphanois a les qualités et les capacités pour diriger la sélection. N’était-il pas de l’expédition en Suède avec les Bleus de Paul Nicolas et Albert Batteux ? Un an avant, à la question de savoir s’il serait prêt à prendre en mains l’équipe de France, Snella avait répondu : « Non. Je reste fidèle à mon club. » Aujourd’hui, la donne n’est pas la même puisque Snella prendrait en charge l’entraînement de la sélection tout en conservant son poste à l’ASSE.

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L'Equipe du 9 septembre 1966
L’Equipe du 9 septembre 1966

« Pour ne pas se dérober » Dans l’esprit de Jean Snella, les choses sont très claires : s’il n’était pas candidat avant Guérin, il ne le sera pas davantage après la mission qu’il vient d’accepter. Tout comme il n’aurait pas accepté sans l’aide d’Arribas. Dans son esprit, entraîner un club absorbe à 100 % celui qui en a la charge. Il ne veut nullement négliger l’une ou l’autre de ses fonctions. Enfin, s’il est là pour rendre service, il considère que sa vie est bien à Saint-Etienne. Tout comme son homologue stéphanois, Arribas, arrivé d’Orly et sitôt emmené rue de Londres, au siège de la FFF, s’engage pour « ne pas se dérober » devant la situation d’urgence mais cela reste à titre provisoire. Et comme Snella, l’un n’aurait pas accepté sans l’autre.

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Jean Snella (à gauche) et José Arribas (à droite), les nouveaux sélectionneurs français.

Deux hommes pour une même cause

Sitôt leur nomination effective, les deux hommes se mettent au travail, se téléphonent pour effectuer un premier tour d’horizon. Snella ne souhaite pas de stages de longue durée. Pour lui, les joueurs qui arrivent en sélection sont déjà en bonne condition physique et s’ennuient au bout de quelques jours.

Une de L'Equipe du 16 septembre 1966
Une de L’Equipe du 16 septembre 1966

Onze minutes à l’aéroport de Lyon

La première liste des co-entraîneurs Tricolores est affinée dans le bar restaurant de l’aéroport de Bron à Lyon. En effet, le 15 au soir, José Arribas revient de Nice via Monaco où son équipe a disputé un match ; Snella, accompagné de Roger Rocher, son président, fait le déplacement jusqu’à l’aéroport pour rencontrer l’entraîneur nantais. La rencontre dure onze minutes. Ils confrontent leur liste et se mettent d’accord sur 25 noms dont une majorité de Nantais et quelques Stéphanois, comme convenu. Snella estime que l’équipe nantaise possède de bons joueurs qui devraient former l’ossature de l’équipe de France.

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José Arribas, co-entraîneur des Bleus.

Le 18 septembre, Saint-Etienne se déplace à Rennes pour y disputer un match de championnat. La veille, Jean Snella fait un crochet par la Loire-Atlantique. Au menu : assister au match Nantes-Sochaux et surtout rencontrer Arribas pour affiner leur première liste. Le lendemain, à Rennes, c’est Arribas qui se déplace dans l’Ille-et-Vilaine pour finaliser définitivement la liste. A la fin de leur entrevue, les deux hommes donnent une conférence de presse impromptue devant un parterre de … cinq journalistes.

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L’Equipe du 20 septembre 1966

Première liste pour Budapest

Le 19 septembre, à 19 h 25, Jean Snella communique la composition de l’équipe de France qui doit affronter la Hongrie le 28 à Budapest. Cette première formation de l’ère Snella-Arribas est à dominante « nantaise ». Deux joueurs vont connaître leur baptême du feu : le Nantais Jean-Claude Suaudeau et le Stéphanois Hervé Revelli. Son nom avait déjà été couché par Henri Guérin pour participer à la Coupe du monde en Angleterre. Mais l’ailier droit de Saint-Etienne, tout juste âgé de vingt ans, était resté dans le Forez. Son replacement au centre de l’attaque par Snella, fait de lui le meilleur buteur du championnat avec 5 buts. Contre la Hongrie, il sera associé à Gondet, l’avant-centre nantais. Des Nantais qu’il connaît assez peu pour les avoir affrontés qu’une seule fois en championnat. A ses débuts à Saint-Etienne, en provenance de Gardanne, Hervé connaît des moments de doutes, voire de détresse morale. Jean Snella est là pour le rassurer, lui redonner confiance et le protéger.

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Hervé Revelli, le novice, dans le vestiaire entre José Arribas (à gauche) et Jean Snella (à droite)

La France, malgré la défaite, retrouve le moral

Au Nepstadion de Budapest, pour la première fois de son histoire, l’équipe de France inaugure l’ère du tandem avec Jean Snella et José Arribas. Le blond stéphanois, né en Pologne, a passé une partie de sa jeunesse dans le Nord de la France. Le brun nantais, natif du Pays Basque espagnol, a fui l’Espagne pour le Sud-Ouest après la guerre civile espagnole. L’équipe de France s’incline 4-2 mais les deux hommes ont le mérite d’avoir redonné confiance à des garçons qui en manquaient cruellement dès qu’ils enfilaient le maillot tricolore. D’abord malmenés, les Bleus sont revenus deux fois au score par Gondet (25e) et Revelli (58e).

HONGRIE- FRANCE
Philippe Gondet, l’un des deux buteurs français.

Ils ne succombent qu’en toute fin de match. Le buteur stéphanois lancé dans le grand bain de la Division 1 par Snella un an plus tôt, a impressionné tout le monde à Budapest. Sa clairvoyance et ses qualités athlétiques ont séduit.

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Hervé Revelli, buteur pour sa première sélection.

Arribas et Snella démissionnaires

Malgré cette première encourageante, le 30 septembre, le quotidien L’Equipe titre en Une : « Arribas et Snella démissionnaires proposent Leduc comme « patron » de l’équipe de France ». Leurs réticences à poursuivre l’aventure connaît un nouvel épisode. Le 7 octobre, la commission responsable de l’équipe de France adjoint aux co-entraîneurs Albert Batteux, alors entraîneur à Grenoble. Ce dernier connaît bien la maison pour avoir entraîné l’équipe nationale de février 1955 à juin 1962. Adjoint de Paul Nicolas, directeur de l’équipe, il conduit les Bleus à la troisième place de la Coupe du monde 58 en Suède.

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Albert Batteux assis à côté de Jean Snella.

Batteux contacté

Si Jean Snella avait convaincu Arribas de l’aider dans sa tâche de relancer l’équipe de France, cette fois, c’est Arribas qui conduit le Stéphanois dans son sillage afin de quitter les Bleus. Les deux hommes ne peuvent cumuler les fonctions d’entraîneur national et de clubs. Le 8, le Nantais prend un peu de recul tout en restant à la disposition de Snella. Il est imité dès le lendemain par Batteux. Le Stéphanois continue donc seul l’aventure encore trois matches : contre la Pologne (2-1) au Parc des Princes puis contre la Belgique à Bruxelles (1-2) et au Luxembourg (3-0). Début décembre, il retrouve son bureau de Geoffroy-Guichard et Saint-Etienne où il vit depuis dix ans. Sa mission est terminée. Il laisse la place à Just Fontaine.

 

Débuts professionnels pour Jean-Michel Larqué

Ce 26 mars 1966, Nantes reçoit Saint-Etienne en championnat. C’est l’occasion pour le public nantais de découvrir un jeune joueur stéphanois dont la seule notoriété est d’être international Juniors. Ce soir-là, à Marcel-Saupin, Jean-Michel Larqué fait ses grands débuts en professionnel. Arrivé à Saint-Etienne en début de saison, il rejoint le lycée du Portail Rouge où il prépare son professorat d’éducation physique. Découvert par Pierre Garonnaire, le recruteur de la maison verte, alors qu’il jouait en Promotion d’Honneur, le jeune Larqué était convoité par Toulouse. Il choisit Saint-Etienne parce qu’il vient de réussir son examen au CREPS de Voiron. Il aurait pu tout aussi bien opter pour Lyon ou Grenoble mais sa préférence va au club du président Rocher.

OSCAR BYRRH
Son intelligence tactique et son aisance technique impressionnent ses aînés tels que Herbin, Mekloufi ou encore Pierre Bernard. . Tous voient un futur grand joueur. Certains n’hésitent pas à voir en lui, un futur Herbin. Pourtant, ses débuts en CFA avec Saint-Etienne ne sont guère convaincants. L’ex-Palois, buteur à deux reprises avec l’équipe de France Juniors à Charleroi contre la Belgique se fait également remarquer quelques jours plus tard en lever de rideau d’un France-Italie.
Dès le mois d’octobre 1965, Jean Snella, l’entraîneur des professionnels, vante ses qualités. Il le fait jouer contre le Dukla de Prague et le FC Bologne (1-3). Cela permet au public de Geoffroy-Guichard de découvrir l’étendue de ses qualités et notamment son excellente tenue de balle. Son match plein contre les Italiens lui vaut d’être convoqué par Jean Snella pour la première fois à Nantes. Mais pour jouer, il doit aussi compter sur l’autorisation de son père qui ne souhaite pas que le jeune Larqué délaisse ses études.

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Jean-Michel Larqué (accroupis, le deuxième en partant de la gauche) au sein d’un effectif stéphanois riche en individualités.

A Marcel-Saupin, les hommes d’Arribas infligent une correction à son hôte stéphanois : le futur champion de France s’impose 5-0. Malgré cette cruelle désillusion, les meilleurs joueurs ne sont pas les chevronnés Mekloufi ou Herbin, mais les deux ailiers N’Doumbé et … Larqué. FranceFootball lui attribue la note de 5, soit la note maximale de son équipe. Il aurait pu marquer mais l’un de ses tirs s’écrase sur la barre transversale.

La date-clé

28 avril 1984.  Les chocs entre Nantais et Stéphanois ont donné lieu aux plus belles soirées à Marcel-Saupin. Le calendrier a voulu que le dernier match dans le vieux stade nantais, construit en 1937, oppose les Canaris aux Verts de Saint-Etienne. Les hommes de Suaudeau ont vaincu des Verts barragistes (1-0). C’est sur cette dernière victoire nantaise que les lampions du stade Marcel-Saupin se sont éteints.

Th. Clemenceau

Vidéo INA :

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