Toulouse-Saint-Etienne : un parfum de violette

Vendredi, en match avancé de la 24e journée de championnat, Toulouse accueille Saint-Etienne au Stadium. Cette rencontre est l’occasion de revenir sur le Challenge des Champions disputé le 7 juin 1957 ainsi qu’une défaite « salutaire » des Verts à Toulouse en 1963. Christian Lopez, joueur emblématique de l’épopée des Verts des années 70, a quitté Sainté pour le Téfécé en 1982. Récit d’un transfert. Bonne lecture.

 

A la bonne franquette

7 juin 1957. Challenge des Champions. Toulouse-Saint-Etienne : 1-2.
Depuis sa création en 1954-55, le Challenge des Champions oppose le champion de France au vainqueur de la Coupe de France. Les bénéfices de ce match sont reversés à la Caisse de sécurité et de secours des joueurs.

Saint-Etienne est dirigé par Manuel Fernandez, l’entraîneur des amateurs stéphanois, appelé à remplacer temporairement Jean Snella parti dans le Nord au chevet de sa mère, gravement malade. Fernandez doit composer sans Njo-Léa, retenu pour des épreuves universitaires et Lefèvre, blessé. Aussi, parmi les cinq militaires partis en Grèce, seuls Ferrier et Goujon sont rentrés indemnes. Pour Toulouse, ce match est l’occasion de présenter à son public la Coupe de France remportée face à Angers (6-3) au stade de Colombes.

L’ambiance est bon enfant et les 11 254 spectateurs découvrent deux nouveaux joueurs. Le premier est toulousain : il s’agit de Casanova, tout juste arrivé de Casablanca, qui remplace Di Loretto, parti en vacances en Argentine. Le second est Cristobal, un avant-centre en provenance d’Orléans mis à l’essai par les Verts.

A Toulouse, Richard Tylinski était dans un jour "sans".
A Toulouse, Richard Tylinski était dans un jour « sans ».

D’entrée, les deux équipes jouent l’attaque et s’octroient quelques libertés avec le marquage. Dès la 6e minute, les Stéphanois ouvrent la marque par Oleksiak mais Casanova signe ses débuts en égalisant dix neuf minutes plus tard. Avant la pause, Fouillen, de la tête, sur un centre de Goujon, redonne l’avantage aux Verts. Malgré une nette domination des locaux en deuxième mi-temps, le score n’évolue plus.

Saint-Etienne remporte le Challenge des Champions et peut préparer sereinement la Coupe latine. Les Toulousains, dès le lendemain, s’envolent pour une tournée en Turquie.

Buts.- Toulouse : Casanova (25e) ; Saint-Etienne : Oleksiak (6e), Fouillen (38e). Toulouse : Roussel – Boucher, Pleimelding, Nungesser – Bouchi, Cahuzac – Brahimi, Dereuddre, Casanova, Rytkonen, Bouchouk. Entr. : Bigot.
Saint-Etienne : Abbes – Cassado, R. Tylinski, Wicart – Domingo (Vernier), Ferrier – Rijvers, Goujon, Fouillen, Oleksiak, Cristobal. Entr. : Fernandez.

 

Christian Lopez : Ô Toulouse

« Qu’il est loin mon Forez, qu’il est loin,
Parfois au fond de moi se raniment
L’âme verte du Stade Geoffroy-Guichard
et la fumée de ses cheminées »

Si Claude Nougaro chantait Toulouse, Christian Lopez aurait pu entonner ce couplet quand il a quitté l’AS Saint-Etienne, son club formateur, pour le TFC.

Christian Lopez au milieu de ses coéquipiers sous les ordres de Robert Herbin.
Christian Lopez au milieu de ses coéquipiers sous les ordres de Robert Herbin.

En 1970, l’AS Saint-Etienne remporte la Coupe Gambardella. Dans ses rangs, elle compte une bande de jeunes talentueux recrutés par Pierre Garonnaire, parmi lesquels Merchadier, Patrick Revelli, Sarramagna, Synaeghel, Santini et… Christian Lopez. A l’âge de huit ans, en pleine guerre d’Algérie, il quitte son pays natal avec sa famille direction Cannes. Mais c’est à l’Entente Cannet-Rocheville qu’il débute dans le football. Le jeune homme ne laisse pas indifférents les recruteurs, notamment marseillais. C’est alors que Pierre Garonnaire, dénicheur de jeunes talents pour les Verts, flaire la bonne affaire et le fait venir dans le Forez en novembre 1969, avec l’accord de son père. Début juillet 1972, le club dirigé par le président Rocher fait signer à tous ces jeunes joueurs prometteurs un contrat « longue durée. »

Le 7 juillet 1972, L’Equipe révèle la signature de la « promotion stéphanoise »

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Avec l’ASSE comme avec l’équipe de France, il gravit tous les échelons qui le mènent à la gloire. Avec les Verts, il a tout connu ou presque jusqu’à ce printemps 1982 et la crise qui a secoué la maison verte. Il est très attaché au maillot vert qui a fait grandir l’homme et le footballeur et façonné son image.

Le 12 septembre 1981, Christian Lopez confie à ASSE-Actualités, le magazine officiel du club : « Mon contrat s’achèvera en juin 1983. J’aurai alors 30 ans et je l’espère, quelques bonnes années encore devant moi. Je souhaiterai évidemment à cette époque signer un nouveau  contrat de 3 ans avec l’ASSE. Si ça n’est pas possible, j’envisagerai de jouer ailleurs au plus haut niveau, mais je n’y pense pas car j’ai le plus vif désir de rester à Saint-Etienne non seulement parce qu’il s’agit  du meilleur club de France, que j’y suis profondément attaché mais aussi parce que j’y ai confectionné ma vie. »

Christian Lopez avec Jacques Santini lors d'une séance d'étirements à Geoffroy-Guichard.
Christian Lopez avec Jacques Santini lors d’une séance d’étirements à Geoffroy-Guichard.

Un an plus tard, le discours n’est plus le même. La belle idylle avec le club du président Rocher bat de l’aile. Ce dernier apprécie toujours celui qui a débarqué un jour de novembre 1969 en provenance de Rocheville. A bientôt trente ans, Lopez souhaite prolonger son contrat chez les Verts et pour cela, s’entretient avec son président. Embarrassé, ce dernier lui conseille d’aller voir Herbin pour en discuter. Si « Roby » n’est pas contre le fait que son défenseur accomplisse sa dernière année de contrat, sans doute comme titulaire, en revanche, il ne peut lui promettre pareil confort pour la suite s’il reste à l’ASSE. Sa défense centrale ne lui donne pas entière satisfaction et il envisage de la remodeler. Dans l’esprit de l’entraîneur stéphanois, Patrick Battiston sera amené à moyen terme à occuper son poste.

L'AS Saint-Etienne. De g. à d. :
L’AS Saint-Etienne 1980. De g. à d. : Gardon, Janvion, Battiston, Santini, Castaneda, Lopez. Accroupis : Rep, Larios, Paganelli, Roussey, Platini.

Lopez sur le marché des transferts

A un an du terme de son contrat, le libéro des Verts acquiesce et se dit que s’il veut encore jouer quelques années au plus haut niveau, il doit quitter Saint-Etienne. Le désarroi est grand. Plus proche de son président que de son entraîneur, est-il victime du différend qui oppose Rocher à Herbin dans la crise stéphanoise ? Toujours est-il que pour favoriser son futur transfert, le conseil d’administration du club, réuni le 24 mai au soir, lui fait cadeau de sa dernière année de contrat. Triste consolation.

Derniers matches en Vert

Moins d’un mois après les premiers remous au club, une rumeur fait état d’un intérêt de l’AS Monaco pour le Stéphanois . Très attaché à la Côte d’Azur, il ne lui déplairait pas de se rapprocher de son milieu familial. Le 8 mai 1982, Monaco remporte le titre de champion de France au nez et à la barbe des Stéphanois pourtant larges vainqueurs de Metz (9-2). Lopez qui vient de disputer les trente-huit rencontres de championnat fait ses adieux, ce soir-là, aux supporters du stade Geoffroy-Guichard. Le titre envolé, le défenseur stéphanois espère bien décrocher une quatrième victoire en Coupe de France le 15 mai contre Paris-SG, histoire de boucler la boucle. Mais là encore, elle lui échappe lors de la séance des tirs au but. Son penalty est détourné par Dominique Baratelli, son coéquipier en Bleu. Fin de l’histoire en Vert.

PSG-ST ETIENNE (2-2 (6-5))
Baratelli, le gardien parisien détourne le penalty de Lopez, la Coupe de France s’envole pour le Verts.

 L’heure est à la réflexion

Le 18 mai. Sa décision est prise : après treize ans de bons et loyaux services, il quitte les Verts. Lui qui souhaitait prolonger et négocier un dernier bon contrat avec les Verts ne verra pas son voeu exaucé. Il est en contact avec quelques clubs de Division 2 : Cannes, le Montpellier du président Nicollin qui lui propose une reconversion après sa carrière ou Nice. Néanmoins, les clubs de Monaco, Paris-SG et Metz, clubs de Division 1, sont les plus en rapport avec ce qu’il recherche. Les négociations sont bien avancées avec Monaco mais elles traînent en longueur. L’Espagne l’attire également d’autant qu’il possède la double-nationalité par son grand-père.

bathenay (dominique) lopez (christian)

Sélectionné avec l’équipe de France qui va disputer le Mondial en Espagne, il part trois semaines en stage en altitude à Font-Romeu. Il est donc libre comme l’air qu’il va humer dans les Pyrénées Orientales.

Le 19 mai. Toulouse vient d’accéder à la Division 1 et recherche des joueurs expérimentés. Parmi ceux susceptibles de rejoindre la ville rose, Philippe Mahut.

Vidéo INA : Christian Lopez prépare le Mondial avec les Bleus à Font-Romeu. Il évoque ses contacts en vue de son futur transfert (minute 4 : 40).

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Le 27 mai, les Tricolores sont en pleine préparation. Ils reçoivent la visite de Daniel Visentin, le président toulousain. Le but avoué de ce dernier est clair : concrétiser verbalement les pourparlers avec plusieurs joueurs parmi lesquels Gérard Soler, Philippe Mahut et… Christian Lopez. L’homme fort du TFC repart de son court séjour avec un seul accord : celui du Bordelais Soler. Concernant le Stéphanois, une petite divergence concerne la durée de son contrat. Lui souhaite un bail de quatre ans alors que Toulouse ne lui en propose que trois. Aussi, il émet une condition : jouer libero au côté du Hongrois Balint, un autre libero mais qui occupe le poste de stoppeur. Il s’accorde un temps de réflexion d’autant qu’un autre club, le Servette de Genève, verrait d’un bon oeil son arrivée sur les bords du lac Léman. Mais sa préférence va finalement au club toulousain.

Toulousain pour 4 ans

Le mercredi 2 juin, les Bleus sont au Stadium de Toulouse pour y disputer un match de préparation contre le Pays de Galles. Si les joueurs de Michel Hidalgo s’inclinent 1-0, en revanche, pour Christian Lopez, ce voyage dans la ville rose s’annonce décisif. Le lendemain matin, il est reçu par le président haut-garonnais. Les deux hommes s’entendent sur un contrat de quatre ans comme le relate le journal L’Equipe dans son édition du 4 juin :

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Une page se tourne pour le célèbre défenseur des Verts. Avec l’AS Saint-Etienne, « Jeannot » comme l’appellent encore les Stéphanois, surnom que lui avait donné Bernard Bosquier en 1969 qui lui trouvait une ressemblance avec Jean Baeza, le joueur de l’OM, possède un des plus beaux palmarès du football français. En treize ans à l’ASSE, il a remporté une Coupe Gambardella (1970), quatre titres de champion de France (1974, 1975, 1976 et 1981), trois Coupes de France (1974, 1975 et 1977) et disputé une finale de Coupe d’Europe (1976).

 

Une défaite salutaire

7 septembre 1963. Toulouse-Saint-Etienne : 4-0.
Toulouse est leader après la première journée de championnat ! Rien d’anormal. Saint-Etienne est onzième : rien d’étonnant après un match nul contre Valenciennes (1-1). Le promu stéphanois, à l’occasion de la deuxième journée, se déplace en Haute-Garonne. Blessé lors du premier match, Pierre Bernard, leur nouvelle recrue au poste de gardien, effectue ses grands débuts. Malgré cette rentrée, Jean Snella dénombre beaucoup de blessés, ce qui l’oblige à emmener deux joueurs amateurs : le défenseur Georges Polny et l’attaquant Jean Masson. Mais ces deux joueurs se sont rendus à Toulouse sans licence. Ils ont dû apposer leur signature sur la feuille de match pour pouvoir jouer. Toulouse ne fait d’ailleurs aucun problème à cet oubli malencontreux. Autre époque !

Robert Herbin, l'une des rares satisfactions stéphanoises de ce match.
Robert Herbin, l’une des rares satisfactions stéphanoises de ce match.

Côté toulousain, Baraffe joue avec le poignet gauche bandé suite à une chute lors d’une séance d’entraînement au Bataillon de Joinville. D’entrée, Toulouse imprime un rythme soutenu que les Stéphanois ont du mal à suivre. Groschulski (5e) malgré une position de hors-jeu, Dorsini (27e), Baraffe (38e) scellent le sort de ce match en première mi-temps. Richard Tylinski n’est pas dans un bon jour et l’absence de Ferrier se fait sentir au fil des minutes. Le quatrième but de Groschulski (78e) est anecdotique. Sans un Bernard en grande forme et un Herbin omniprésent, l’addition aurait été beaucoup plus lourde. A l’issue de cette rencontre, Toulouse s’empare seul de la première place et les Stéphanois ferment le classement avec un seul petit point.

Le train n’attendant pas, les hommes de Snella n’ont pas le temps de gamberger. Dès le coup de sifflet final, ils ont vingt-cinq minutes, pas une de plus, pour se doucher et regagner la gare de Montabiau. Escortée par une voiture de police-secours, la délégation stéphanoise repart à temps. Visiblement, cette défaite a été salutaire pour eux. Le retour des blessés et une meilleure organisation de la défense redonnent des couleurs au promu. Pour preuve, après le naufrage toulousain, ils alignent sept victoires et quatre nuls, soit onze matches sans connaître la défaite.

Buts.- Groschulski (5e),Dorsini (27e), Baraffe (38e), Groschulski (78e).
Toulouse : Roussel – Mouthon, Simon, Redin – Bocchi, Bruneton – Wojciak, Mahi, Groschulski, Baraffe, Dorsoni. Entr. : Deladerrière.
Saint-Etienne : Bernard – Cassado, Tylinski, Polny – Domingo, Herbin – Foix, Hartmann, Guy, Mekloufi, Masson. Entr. : Snella.